Le rappeur catalan Pablo Hasél, condamné pour des tweets, a été arrêté par la police espagnole

Devenu pour certains un symbole de la liberté d’expression en Espagne, le rappeur Pablo Hasél, condamné à la prison pour des tweets attaquant la monarchie et les forces de l’ordre, a été arrêté mardi matin afin de purger sa peine.

« Ils ne nous arrêteront pas, ils ne nous feront jamais plier, malgré toute la répression », a crié, le poing levé, ce rappeur, escorté par des policiers, selon des images de son arrestation diffusées par la télévision espagnole. « C’est l’Etat fasciste qui m’arrête. Mort à l’Etat fasciste! », a-t-il encore clamé en regardant les caméras au moment d’entrer dans un véhicule des « Mossos d’Esquadra », la police régionale catalane.

« Nous l’amenons directement au centre pénitentiaire », a ensuite indiqué à l’AFP un porte-parole des « Mossos » après l’opération policière lancée à 06H30 (05H30 GMT) pour l’extraire de l’université de Lérida, en Catalogne (nord-est de l’Espagne), où il était barricadé depuis lundi avec des dizaines de sympathisants qui voulaient empêcher son arrestation.

« Fausse démocratie »

Pablo Hasél — de son vrai nom Pablo Rivadulla Duró — avait jusqu’à vendredi soir pour se rendre volontairement en prison et commencer à y purger la peine de neuf mois qui lui avait été infligée par la justice espagnole.

Reconnu coupable d’apologie du terrorisme, ainsi que d’injures et calomnies à l’encontre de la couronne et de l’Etat, il avait été condamné pour des tweets dans lesquels il qualifiait notamment les forces de l’ordre espagnoles de « mercenaires de merde », les accusait de torture et d’assassinats et s’en prenait également à la monarchie.

« Ils devront venir m’enlever et cela servira aussi à dépeindre l’État sous son vrai visage, celui d’une fausse démocratie », avait déclaré à l’AFP ce rappeur catalan de 32 ans vendredi par téléphone.

Plusieurs manifestations parfois tendues en soutien à Pablo Hasél avaient eu lieu ces dernières semaines à Madrid et Barcelone, tandis que plus de 200 personnalités du monde culturel hispanophone, dont le réalisateur Pedro Almodóvar et l’acteur Javier Bardem, avaient signé une tribune en sa faveur.

Les signataires y affirmaient notamment que la condamnation de Pablo Hasél constituait une « épée de Damoclès » au-dessus de tous les artistes et accusaient l’Espagne d’agir comme « la Turquie ou le Maroc ».

Epine dans le pied du gouvernement

L’affaire était devenue une véritable épine dans le pied du gouvernement de gauche de Pedro Sanchez, à plus forte raison à l’approche des élections catalanes de dimanche dernier.

La porte-parole de l’exécutif, María Jesús Montero, avait ainsi reconnu la semaine dernière « un manque de proportionnalité » dans la peine infligée au rappeur.

Sur la défensive, le gouvernement avait également promis « une réforme » pour que les « excès verbaux commis dans le cadre de manifestations artistiques, culturelles ou intellectuelles » ne relèvent plus du droit pénal et ne se traduisent plus par des peines de prison.

Partenaire des socialistes au sein du gouvernement, le parti de gauche radicale Podemos a vertement dénoncé mardi l’arrestation du rappeur.

« Tous ceux qui se considèrent progressistes et se vantent de la ‘pleine normalité démocratique’ (de l’Espagne), devraient avoir honte. Vont-ils fermer les yeux ? Il n’y a pas de progrès si nous ne voulons pas reconnaître les manques démocratiques actuels », a twitté Podemos.

Il s’agissait d’une allusion à des commentaires récents très controversés de son chef, Pablo Iglesias, qui avait déclaré la semaine dernière qu’il n’y avait pas « une situation de pleine normalité politique et démocratique en Espagne ».

Ces propos avaient déclenché un tollé de la part de la part de tous les partis de l’opposition de droite, mais aussi un énorme malaise au sein même du Parti socialiste de Pedro Sánchez.

Le cas de Pablo Hasél rappelle celui d’un autre rappeur espagnol, Valtonyc. Ce dernier s’était exilé en Belgique en mai 2018 après confirmation de sa condamnation en Espagne à trois ans et demi de prison pour « apologie du terrorisme » et du groupe séparatiste basque ETA, « injures à la Couronne » et « menaces » dans ses chansons.

Il est visé depuis par un mandat d’arrêt européen émis par la justice espagnole. En septembre 2018, un tribunal de Gand avait rejeté l’exécution du mandat. La procédure est toujours en cours devant une cour d’appel.

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