Pourquoi la tendance goth est partout

Cela ne vous aura probablement pas échappé : le 23 novembre dernier débarquait sur Netflix Wednesday les aventures de Mercredi, la cadette de la famille Addams, portées par le roi de l’étrange et du morbide, le réalisateur-producteur Tim Burton.

La série-évènement entérine le retour fracassant de la tendance gothique et l’attrait pour la beauté fatale, dont Morticia Addams, incarnée par Catherine Zeta-Jones, est l’archétype parfait avec ses longs cheveux raides noir de jais, son teint pâle, ses lèvres rouge sang et son fourreau noir.

Déjà, les défilés automne-hiver – Rick Owens, Balmain, Rochas, Versace, Dior, Dion Lee… – avaient donné le ton avec des robes longues architecturées, le retour de matières comme la dentelle, le satin et le velours, et des teints blêmes aux regards cerclés de noir.

« Le noir était revenu dans la mode après les confinements par le biais du “dark minimalism”, puis du courant BDSM, trop sexy pour être largement adopté. On assiste, avec ce néogothique, à un retour de l’élégance, à plus de contrôle dans son maquillage, sa coiffure, sa posture aussi qui se fait plus droite », constate Fériel Karoui, consultante tendances, co-créatrice de l’agence Whisperers.

La tendance gothique, des podiums au tapis rouge

Particulièrement photogéniques, ces silhouettes sophistiquées ont été instantanément adoptées par les habituées des tapis rouges comme Bella Hadid ou Julia Fox, qui est même apparue dans une robe fourreau dont le col prenait la forme d’une main serrant son cou.

« Nous venons de passer deux années de repli sur nous-mêmes et je pense que l’on est arrivé à la fin de ce cycle, que l’on n’en peut plus de cette torpeur, du jogging et de l’avachissement sur son canapé, devenu le lieu où l’on travaille et où l’on mène une pseudo-vie sociale. Tous les signaux que nous envoie la mode indiquent un retour à la socialisation, à quelque chose d’électrisant où le corps est plus sexualisé et théâtralisé », analyse Thomas Zylberman du bureau de tendance Carlin.

En matière de théâtralité, le gothique se pose là, et on aurait tort de voir ce retour en grâce d’un œil sombre.

« Ce n’est pas un « dark dépressiogène » mais une posture qui est dans l’apparat, dans la construction, qui encourage à l’interaction sociale. On ne s’habille pas gothique tout seul chez soi. Certes, cette tendance dit aussi que l’on ne vit pas une époque follement gaie mais elle propose un moyen intéressant de redonner un côté sulfureux à la façon de s’habiller et aux relations sociales », poursuit-il.

D’où vient l’esthétique gothique ?

D’une esthétique dramatique provocante, le style gothique porte en lui une dimension contre-culturelle qu’on ne peut ignorer. Une envie de secouer l’ordre établi, même si aujourd’hui sa récupération par les maisons de mode limite son aspect rebelle.

Aux 18è et 19è siècles, c’est la littérature qui se pique de gothique, tandis qu’au 20è siècle, le mouvement et son esthétique moderne émergent dans la musique.

À la fin des années 70 et au début des années 80, dans le sillage du punk, des groupes comme Siouxsie and the Banshees et The Cure envoient bouler les codes bourgeois avec leurs sons et leurs textes aussi sombres que leurs yeux fardés et leurs chevelures ébouriffées.

Hasard – ou pas – du calendrier, The Cure était de nouveau en tournée à l’automne 2022, et si son chanteur Robert Smith est apparu le cheveu plus gris, il ne s’est pas départi de sa bouche rougie.

Adepte de l’allure et du son rock gothique, la chanteuse Karen O vient, elle, de sortir avec son groupe Yeah Yeah Yeahs un nouvel album, après presque dix ans d’absence.

« Les sons rock et dark reviennent. On arrive à la fin de la domination du rap clinquant et mercantile. Les collab’ mode avec les rappeurs millionnaires apparaissent soudain comme des non-sens », estime Thomas Zylberman.

Les raisons du retour de la mode gothique

Le gothique avait toutes les raisons de revenir sur le devant de la scène car il s’hybride avec de multiples tendances et courants actuels, comme le mouvement gender fluid qui innerve la mode et la société.

« L’esthétique gothique rend la fluidité facile. La blouse en dentelle noire, le top en résille, voire le corset, deviennent évidents dans ce contexte. Les deux courants s’appuient l’un sur l’autre », décrypte encore Thomas Zylberman.

Outre la série Wednesday, d’autres productions témoignent d’un attrait pour le côté obscur, parfois un peu kitsch. La série d’horreur Le Cabinet de curiosités de Guillermo Del Toro, diffusée aussi sur Netflix, s’inscrit ainsi dans la lignée d’une série des années 90, Les Contes de la crypte.

« Le gothique, c’est aussi une fascination romantisée de la mort, cela a toujours existé et cela trouve aujourd’hui sa place dans notre société en touchant à la dimension du spiritisme, du surnaturel, des sorcières, estime Fériel Karoui. Cette tendance fonctionne car elle agrège beaucoup de choses, et c’est une sous-culture qui a déjà existé, donc elle est facilement codable ».

Elle est aussi assez simple à adopter au quotidien car chacun peut y puiser la facette qui l’inspire : elle permet d’oser des tenues très sophistiquées et féminines comme des allures plus adolescentes rebelles.

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