Viols sur mineurs de moins de 15 ans : "Tout acte de pénétration" par un majeur pourrait être criminalisé

« La société nous conduit à changer le droit », a déclaré le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, sur France 2, ce mardi 9 février. Ce jour-là, le gouvernement s’est dit « favorable » à la création d’un « nouveau crime » : « toute pénétration sexuelle » commise par un majeur sur un mineur de moins de 15 ans serait automatiquement considérée comme un viol.

Le non-consentement de la victime ne serait donc plus à prouver, contrairement à ce que demande à ce jour le Code pénal.

« Assurer une égalité de traitement de toutes les victimes mineures »

Dans un communiqué, le gouvernement estime que ce « nouveau crime » permettrait « d’assurer une égalité de traitement de toutes les victimes mineures et de supprimer la notion de contrainte exercée par l’agresseur, qui constitue aujourd’hui un frein ».

Cette volonté de l’exécutif s’inscrit dans la lignée de plusieurs affaires très médiatisées de viols sur mineurs, notamment d’inceste, révélées ces dernières semaines : les affaires Olivier Duhamel, politologue renommé accusé d’inceste par son beau-fils, et Richard Berry, accusé d’inceste par sa fille aînée.

La première, révélée par la publication du livre La familia grande, a entraîné un vaste mouvement de libération de la parole autour de l’inceste, à travers le mot-dièse #MeTooInceste. 

Un principe de non-consentement d’un mineur de moins de 15 ans 

À ce jour, la loi considère que tout acte de nature sexuelle commis par un adulte envers un mineur de moins de 15 ans est une atteinte sexuelle, c’est-à-dire, un délit, passible de sept ans de prison.

Si l’atteinte sexuelle a été commise « avec violence, contrainte, menace ou surprise », il s’agit d’une agression sexuelle, passible de dix ans de prison. On ne parle de viol que si l’agression comprend un « acte de pénétration ». Il s’agit d’un crime, passible de vingt ans de prison, et jugé aux assises.

Un acte de pénétration sexuelle accompli par un adulte sur un mineur de moins de 15 ans sera un viol.

Or, la loi actuelle prévoit que pour condamner une agression sexuelle, ou un viol, les juges doivent démontrer l’absence de consentement de la victime, même mineure au moment des faits, par les notions de « violence, contrainte, menace ou surprise ». 

Désormais, le gouvernement veut mettre à mal la notion de « contrainte », souvent difficile à prouver, et entraînant des acquittements. « Un acte de pénétration sexuelle accompli par un adulte sur un mineur de moins de 15 ans sera un viol », a expliqué le garde des Sceaux, sur France 2, mardi. 

Cela inverserait ainsi la procédure actuelle : la justice partirait du principe que la personne de moins de 15 ans n’était pas consentante. « On n’interrogera plus le consentement de la victime comme c’est le cas aujourd’hui », a promis Adrien Taquet, le même jour, sur Europe 1. Cependant, les juges devront « démontrer que l’auteur connaissait l’âge de la victime », a nuancé Eric Dupond-Moretti.

En 2018 déjà, la loi Schiappa sur les violences sexistes et sexuelles souhaitait établir un seuil de non-consentement à 15 ans. Cette idée avait été abandonnée à la suite de l’avis du Conseil d’État, qui y avait vu une atteinte à la présomption d’innocence, et donc, un risque d’inconsctitutionnalité. 

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Un écart d’âge limite 

Pour protéger les relations sexuelles consenties entre adolescents, légales, le gouvernement pourrait instaurer un écart d’âge limite. Selon un communiqué de l’exécutif, il pourrait s’élever à cinq ans.

« Le jeune homme de 17 ans et demi qui a une relation avec une jeune fille de 14 ans et demi ne peut pas devenir un criminel quand il a 18 ans et un jour », a ainsi estimé le ministre de la Justice sur France 2.

Une prescription « glissante »

Le gouvernement souhaite aussi s’attaquer à la notion de prescription, qui ne fait pas l’unanimité parmi les associations de lutte contre les violences sexuelles. 

En clair : si une même personne est accusée de plusieurs crimes sexuels, et que certains sont prescrits, et d’autres non, la prescription serait entièrement levée, a avancé Eric Dupond-Moretti. Les cas à la base prescrits pourraient donc être jugés. Il s’agirait d’une prescription « glissante » ou « échelonnée », 

À ce jour, comme dans l’affaire Le Scouarnec, les victimes d’un auteur multi-accusé, pour lesquelles les faits sont prescrits, ne peuvent être entendues qu’en tant que témoins.

Par ailleurs, le garde des Sceaux souhaite que « tous les procureurs ouvrent une enquête même si les faits sont prescrits », comme pour les affaires Matzneff et Duhamel. Il a dit préparer une circulaire en ce sens.

Plusieurs propositions de lois en cours

En janvier, Emmanuel Macron a missionné le ministre de la Justice, et Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de la Protection de l’Enfance, afin d' »adapter notre droit pour mieux protéger les enfants victimes d’inceste et de violences sexuelles ».

Le 21 janvier, une proposition de loi de la députée centriste Annick Billon a été adoptée à l’unanimité par le Sénat en première lecture. Elle vise à inscrire un seuil de non-consentement à l’âge de 13 ans, pour tout acte de pénétration sexuelle, et « tout acte bucco-génital ». Un seuil jugé trop bas par des associations de défense de l’enfance, et des personnalités. 

Le 18 février, une autre proposition de loi commencera à être discutée. Émanant de la députée Isabelle Santiago, elle vise cette fois un seuil de non-consentement à 15 ans, et veut réprimer spécifiquement l’inceste, qui serait détaché de la notion de viol. 

Le gouvernement n’a pas encore annoncé vers quel moyen législatif il souhaite se tourner. « L’objectif est de choisir la voie parlementaire qui sera la plus rapide et la plus efficace », assure l’entourage d’Adrien Taquet, relate le HuffPost.

Selon Public Sénat, l’exécutif aurait décidé d’embrayer la proposition de loi d’Annick Billon, lorsqu’une première lecture aura lieu à l’Assemblée nationale le 15 mars, avant un retour devant les sénateurs le 25 mars. 

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