Tchernobyl : le jour où le réacteur 4 de la centrale nucléaire Lénine a explosé

Prypiat est souvent comparée à Pompéi. Cette ville modèle de l’ère soviétique est désormais fantôme, inhabitée. Figée en 1986. Le 26 avril de cette année-là, à 1 heure 23 du matin, le réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire Lénine explose. L’installation est située à 15 kilomètres au nord-ouest de Tchernobyl, ville ukrainienne à jamais associée à la catastrophe – alors que celle-ci se déroula à Prypiat.

26 avril 1986

L’explosion d’un réacteur de cette centrale atomique, construite une décennie plus tôt, propage dans l’air de nombreux débris radioactifs. Au lendemain de ce qui s’annonce comme une catastrophe écologique et sanitaire sans précédent, les habitants ne sont toujours pas mis au courant.

Prypiat, devenue hautement radioactive, ne sera évacuée que trente heures plus tard, le 27 avril 1986. Entre-temps, nombreux sont les habitants à avoir été exposés à des hauts niveaux de radiation.

L’armée organise le déplacement dans l’urgence de près de 120.000 personnes qui ont abandonné sur place, dans la panique, leurs biens… que les militaires retournent détruire afin d’éviter que des familles soient tentées de revenir sur les lieux.

Une scène bouleversante de la mini-série historique et pédagogique Chernobyl nous apprend qu’en fuyant leur ville, les habitants ont aussi laissé leurs animaux de compagnie. Ils pensaient partir quelques jours et les retrouver rapidement. Mais les militaires avaient aussi été envoyés pour abattre ces animaux abandonnés. Certains ont survécu, notamment des chiens. Le documentaire Dogs of Chernobyl : The Untold Story(Chiens de Tchernobyl: l’histoire inédite), disponible sur Youtube, retrace la vie de leurs descendants là où la faune a repris ses droits, et déconstruit les idées reçues sur ces « chiens radioactifs ».

La zone d’exclusion de 30 kilomètres autour de la centrale existe encore aujourd’hui. RTL indique que l’un des radionucléides rejetés par l’explosion, le césium 137, mettra trois siècles à disparaître totalement. Et le plutonium, des dizaines de milliers d’années. Pourtant, 5 millions de personnes vivent toujours dans des zones contaminées, s’inquiète Greenpeace.

L’ignorance d’une population exposée au danger

Le premier épisode de Chernobyl, diffusée ce jeudi 27 mai à 21h05 sur M6, reconstitue les premières heures après l’explosion : l’incompréhension des ingénieurs, l’impuissance des secouristes, et surtout l’ignorance des habitants de Prypiat, qui pensent d’abord qu’il s’agit d’un feu industriel, sans conséquence sur leur santé et leur avenir.

Lorsque les colonnes de flamme ont jailli de la centrale, des familles, accompagnées de leurs enfants, ont assisté au « spectacle »  depuis le pont de Prypiat, aujourd’hui tristement renommé « le pont de la mort », comme s’ils regardaient, heureux, un feu d’artifice. Ils ignorent alors qu’ils sont en train d’être contaminés par les retombées radioactives, et qu’aucun d’eux ne s’en ressortira vivant. Cette scène bouleversante du premier épisode illustre à quel point les habitants n’avaient aucune idée du drame qui se jouait.

« Chernobyl montre les souffrances infligées à des êtres humains quand d’autres mentent », dit Craig Mazin (Very Bad Trip), le scénariste de la série HBO aux 90 récompenses (dont 10 Emmy Awards et 2 Golden Globes), à propos de ses victimes des efforts de désinformation de l’industrie nucléaire et des autorités soviétiques.

Son scénario de la fiction, entre thriller et série historique, a été construit sur la base de témoignages, pour être au plus près de la réalité et des ressentis de l’époque. Certains dialogues sont même directement inspirés du recueil de témoignages de l’écrivaine biélorusse Svetlana Alexievitch, paru en français sous le titre La Supplication : Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse, en 1999.

La série américaine se révèle critique quant à la gestion du désastre par les autorités soviétiques et leurs mensonges, lorsqu’ils tentaient de dissimuler l’ampleur de la catastrophe. Ce qui n’a bien entendu pas plus au cercle proche du Kremlin. Le programme a même été interdit de diffusion à la télévision russe, occupée, sur de plusieurs chaînes, à critiquer, point par point, la série qualifiée de « propagande » américaine anti-russe. Mais certains Russes ont tout de même pu visionner Chernobyl en streaming.

L’édition américaine de Vice révélait à l’été 2019 qu’une « contre-réalisation » sur l’évènement historique serait en cours de production, du côté russe. Les États-Unis, et plus précisément la CIA, seront accusés d’être à l’origine de la catastrophe.

Un test raté à l’origine de l’explosion

Mais pourquoi la centrale Lénine a-t-elle explosé ? L’explosion de Tchnerobyl est la conséquence des dysfonctionnements multiples (réacteur instable, système d’arrêt d’urgence trop lent, peu fiable…). Elle n’a pas d’explication unique.

Mais l’accident s’est produit alors que les ingénieurs de la centrale voulaient conduire un test, dont la visée était de prouver que l’installation était sûre en cas de coupure de courant, explique Sciences et Avenir. Les ingénieurs pensaient démontraient par cet essai que l’électricité encore produite par les turbines pourrait faire fonctionner les pompes à eau, jusqu’au démarrage des diesels, qui se déclenche dans ces centrales quelques dizaines de secondes en cas de une coupure de courant. Problème : au moment de leur démonstration, les réacteurs se sont montrés incontrôlables.

Depuis, le matériel radioactif est confiné dans un « sarcophage » en béton qui recouvre le réacteur et qui lui même est aujourd’hui recouvert d’une seconde protection, car ce premier sarcophage ne tiendra pas plus de 100 ans. 

« La plus grande catastrophe environnementale de l’histoire de l’humanité »

Voilà une triste comparaison qui permet d’envisager l’ampleur de la catastrophe : à Tchernobyl, les quantités de radioactivité libérées furent environ 200 fois supérieures aux radiations combinées émises par les bombes atomiques lâchées sur Nagasaki et Hiroshima, au Japon, par les Américains, lors des bombardements de 1945.

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) estimait en 2005 que « jusqu’à 4.000 personnes au total pourraient à terme décéder des suites d’une radio-exposition consécutive à l’accident ».

Pour The Other Report on Chernobyl (Torch), une étude britannique parue l’année suivante, entre 30.000 et 60.000 décès dus à un cancer sont à prévoir. Et selon l’ONG Greenpeace, qui s’exprimait aussi en 2006, « l’accident a entraîné 200 000 décès supplémentaires entre 1990 et 2004 ».

Outre ce bilan humain aussi alarmant qu’incertain, la radioactivité a également eu des effets désastreux sur l’environnement, et par extension, sur la santé des populations. Les Nations Unies estiment qu’ils s’agit de la plus « grande catastrophe environnementale de l’histoire de l’humanité ».

Les retombées radioactives au sol ont entraîné la contamination des végétaux, et donc, aussi, des denrées alimentaires produites sur ces territoires contaminées. En France (et même jusqu’en Irlande), l’incident a eu des répercussions. « Une contamination temporaire de certaines productions végétales et animales est observée en 1986, informe l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Elle est encore aujourd’hui mesurable dans les sols et occasionnellement dans certains produits naturels comme les champignons de forêt. »

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