Sur Linkedin, il faisait passer de faux entretiens à des jeunes femmes pour les harceler
La crise sanitaire n’aidant pas, le marché du travail s’est drastiquement rétréci pour les jeunes diplômés demandeurs de stages ces derniers mois. Profitant de leur détresse, un homme aurait harcelé sexuellement de nombreuses jeunes femmes, dont plusieurs étudiantes, en les appâtant via la plateforme de profils professionnels Linkedin. D’après une enquête du Parisien, publiée mercredi 14 avril, au moins 40 femmes auraient été victimes de ses agissements.
« Il me demande de me mettre debout, de me tourner. Je n’ai pas vraiment le temps de réfléchir, je le fais. Et puis, il me dit de soulever mon chemisier… », explique par exemple Cléo, 20 ans, au quotidien national. Après un début d’entretien tout ce qu’il y a de plus normal, les échanges avec recruteur en février tournent au vinaigre.
La jeune femme en recherche de stage dans un cabinet d’avocat doit écrire un texte en direct, sous la caméra de son interlocuteur. Lorsqu’il rallume son micro, elle entend des « petits gémissements ». Il lui annonce qu’elle a décroché le stage, à conditions de lui « obéir ». Cléo refuse. Après coup, elle confie au Parisien s’être sentie « salie » et « humiliée ».
Un faux recruteur qui utilisait plusieurs identités
Selon Le Parisien, le faux recruteur utilisait parfois son vrai nom, parfois de fausses identités. Plusieurs fois, il se présente comme un dénommé Armand Taïeb, patron de Tesla Magazine, un site internet dédié à la voiture électrique produite par Elon Musk.
En janvier, note le site d’informations, il aurait même participé à une émission consacrée au milliardaire américain sur BFM Business. À cette occasion, des victimes auraient reconnu sa voix. Contacté par la rédaction du Parisien, il a raccroché au nez des journalistes.
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Entretiens harassants et articles tests publiés sans l’accord des victimes
Laura*, une jeune journaliste et collaboratrice pour le site Marieclaire.fr souhaitant rester anonyme, nous confie avoir « failli » se faire avoir elle aussi en janvier 2021. Alors qu’elle postulait à une offre d’emploi pour Tesla Magazine, elle entre elle aussi en contact avec le dénommé Armand via Linkedin. Ils échangent, sans qu’il lui présente précisément l’entreprise ou le poste à pourvoir.
Ce dernier lui demande de faire un article-test, c’est à dire un exercice assez courant dans le milieu du journalisme pour tester les capacités rédactionnelles d’un candidat. « Il m’a demandé de le rendre sous un google doc, comme s’il ne voulait pas laisser de traces. J’ai trouvé ça étrange mais j’avais besoin de travail », souligne-t-elle.
Je ne comprenais pas ce qu’il attendait de moi.
Ils se rappellent pour faire un point et Laura trouve que l’entretien traîne en longueur, il dure presque deux heures. « Je ne comprenais pas ce qu’il attendait de moi », raconte-t-elle. L’homme préfère finalement la « manager sur toute une journée » afin de l’évaluer. Dubitative, elle tape le nom de l’employeur sur la barre de recherche Linkedin et tombe sur le témoignage d’une internaute qui décrit l’homme comme un « pervers » à fuir. Alors, le lendemain, Laura feint d’avoir trouvé un autre poste.
Elle se souvient de cette phrase étrange qu’il lui avait glissé durant leurs échanges : « dans ce métier il ne faut pas avoir d’égo donc personne ne signe de son nom chez nous ». Quelques semaines plus tard pourtant, elle découvre son article, copié collé de A à Z, sur le site du magazine et… signé du nom de son interlocuteur ! Un travail qui avait pourtant valeur d’exercice, pour lequel elle n’a pas autorisé la publication et pour lequel elle n’a bien évidemment jamais été payée.
Une dizaine de plaintes déjà déposées, des témoignages en cascade
« J’ai l’impression d’avoir eu de la chance, car je l’ai senti louche », nous confie-t-elle. En tombant sur l’enquête du Parisien, elle raconte « le choc » à la lecture des témoignages de victimes. Comme celui d’Anna-Marie, 22 ans, en recherche de stage dans la finance.
Celle-ci décrit son entretien en visioconférence : « tout en commentant une synthèse qu’il m’avait demandée de rédiger en amont, je l’entends pousser des cris de plaisir. A ma tête, il voit que j’hallucine. Et il me dit, tranquillement, que c’est sa stagiaire qui s’occupe de lui ! »
En partageant sa mésaventure quelques semaines plus tard sur les réseaux sociaux, sans pour autant citer l’entreprise en question, Laura se souvient avoir été contactée par le proche d’une autre victime. Celui-ci lui indique alors que sa conjointe s’est rendue à un entretien physique avec le même homme, au cours duquel elle aurait été harcelée (il lui aurait demandé une fellation) et aurait même subi une agression (main aux fesses).
Sur Linkedin, Cléo aussi a raconté son histoire. À la suite de son post, elle aurait reçu plusieurs témoignages similaires d’étudiantes piégées.
Une avocate, Me Anne-Claire Le Jeune, représente une dizaine de victimes qui ont décidé de porter plainte. D’autres ont déjà été déposées en amont. Selon l’avocate, les faits sont qualifiables de harcèlement sexuel aggravé.
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