Le violeur de la Sambre : 30 ans de “recherches” !
Si la mini-série “Sambre” a fait autant sensation en novembre sur France 2, c’est bien parce que l’itinéraire de ce “serial violeur” est hors du commun…
Ne jamais se fier aux apparences, le tueur d’à côté est souvent favorablement connu du voisinage… Ange à l’extérieur, diable à l’intérieur ? Voilà qui ressemble au profil d’un certain Dino Scala, arrêté le 26 février 2018, avant d’être condamné, le 1er juillet 2022, à vingt ans de prison. Son « palmarès » a de quoi glacer le sang : 17 viols, 12 tentatives de viol, 27 agressions sexuelles, 56 victimes répertoriées sur une trentaine d’années… Il a été reconnu coupable de 54 de ces crimes et délits. Mais qui est cet homme, ce “monsieur Tout-le-monde” ?
Né le 21 avril 1961, Dino Scala, d’origine italienne, a longtemps travaillé comme ouvrier à l’usine Jeumont Electric, dans le Nord, avant de devenir technicien de maintenance. Marié deux fois et père de cinq enfants, il vit à Pont-sur-Sambre, paisible commune des Hauts-de-France comptant à peine plus de 2 400 âmes. Passionné de football, il a longtemps été l’entraîneur de l’équipe de Berlaimont, un village voisin, avant de devenir celui de Pont-sur-Sambre, de 2011 à 2015. Décrit comme un « bon père de famille », un « papa poule » et un « homme au grand cœur », il était, selon Michel Détrait, maire divers droite de la commune depuis 2012, « quelqu’un de très investi, de très sociable. Dès qu’on avait besoin d’un petit truc, il rendait service ». Selon l’un des anciens amis de Dino Scala : « Ça fait un choc parce qu’on a confiance en la personne. Il a été l’entraîneur de foot de mon fils. Donc, on était confiants. »
Les errances des enquêteurs
Seule ombre (mais on ne l’apprendra que bien plus tard) dans ce tableau sans nuages : Scala aurait été victime dans son enfance d’une relation incestueuse de la part de son père. Ce qui n’excuse évidemment rien, mais pourrait éclaircir certains points. Comme, par exemple, ces accusations portées lors de son procès par deux des sœurs de sa première épouse, qu’il aurait droguées avant de les violer… Mais nous n’en sommes pas là.
L’affaire initiale remonte à mars 1988, même s’il a fallu attendre 1996 et plusieurs autres crimes successifs pour que les enquêteurs commencent à envisager la piste d’un agresseur unique. Si tout s’est passé dans un rayon d’une trentaine de kilomètres autour des rives de la Sambre, entre la France et la Belgique, il a encore fallu attendre un an de plus pour que soit établi un portrait-robot et que soient prélevés les premiers échantillons d’ADN sur les victimes. Et puis, force est de constater que cette enquête ne mobilisait guère les forces de l’ordre, comme l’a reconnu plus tard l’un des pontes de la police lilloise : « L’attention et la bienveillance que l’on portait, dans les années 1990, aux victimes d’agressions sexuelles n’étaient pas celles d’aujourd’hui. Quant à ces femmes, elles n’étaient pas forcément crues…«
En revanche, le mode opératoire du criminel finit par attirer l’attention des enquêteurs. Les viols et tentatives de viols se produisent toujours tôt le matin, sur la route du travail ou de l’école des victimes, par un homme ganté, la tête masquée et couverte d’un bonnet noir, surgissant par surprise et par l’arrière en étranglant ses proies à l’aide d’une cordelette. D’où les surnoms dont les médias ne tardent pas à l’affubler : « le violeur du matin », « le violeur à la cordelette », « le violeur au bonnet »… Cela fait, certes, des bons titres pour les journaux, mais ne permet en rien aux forces de l’ordre d’avancer d’un pouce dans leurs investigations. Et les agressions de se multiplier, des années durant, sans la moindre piste. Pendant ce temps, devant l’insaisissable violeur en série, la psychose gagne la région. « Que fait la police, qui est toujours là pour nous emmerder, mais jamais quand on en a besoin ? » entend-on de plus en plus dans les commerces et les cafés.
La police ? Oui, elle fait un peu pitié. Néanmoins, comment lui en vouloir ? Elle cherche, mais ne sait pas par où commencer, faute d’indices que le criminel aurait pu abandonner sur les lieux de ses méfaits. Heureusement, le hasard, souvent le meilleur atout des enquêteurs, finit par être au rendez-vous le lundi 5 février 2018, jour où tout a basculé pour Dino Scala. L’aube vient à peine de se lever quand il commet une erreur, sa première. Alors qu’il tente – heureusement en vain – de violer une adolescente de 15 ans, il finit par prendre la fuite en voiture… filmé par une caméra de vidéosurveillance qui fournit en partie sa plaque d’immatriculation. Dès lors, il est perdu.
Car il ne faut pas plus de quelques semaines aux enquêteurs pour identifier le véhicule et débarquer à son domicile de Pont-sur-Sambre, le 26 février. Aussitôt, Scala reconnaît les faits. À croire que cette confession était le soulagement qu’il attendait tout en le redoutant… Et il avoue tout, faisant défiler l’horrible film de ce qu’était devenue sa vie : « C’est toujours le même scénario. C’est toujours la même période. Ça commence toujours vers la mi-septembre jusqu’à avril ou mai. Ce sont à peu près toujours les mêmes heures, les mêmes endroits, les mêmes moments. C’est cyclique. » Son mode opératoire, c’est avec la même froideur qu’il le décrit : « Je suis tapi et j’attends l’occasion. Vous savez, j’ai un esprit de chasseur. C’est un peu comme un chasseur qui tombe sur un gibier et s’apprête à faire feu.«
Un “éternel second”
Mais comment expliquer qu’un homme d’apparence aussi affable puisse se muer en un impitoyable prédateur, qui n’a pas hésité à menacer de mort ses victimes si elles ne cédaient pas à ses pulsions ? Des experts psychiatres avancent le diagnostic d’une personne avec une « double personnalité »… Ce qui semble plausible, Dino Scala ayant reconnu « en vouloir aux femmes« , avoir souffert de longue date d’un manque de reconnaissance et s’être constamment perçu comme un « éternel second« , dans sa vie professionnelle comme intime. Bref, toujours selon les autorités médicales, « sa jouissance provenait plus de la domination d’autrui que du simple acte sexuel ».
Condamné, le 1er juillet 2022, à vingt ans de réclusion criminelle avec une peine de sûreté des deux tiers, par la cour d’assises de Douai (Nord), Dino Scala a finalement renoncé à faire appel. Écrasé sous le poids de ses propres crimes, d’une existence qui n’était que mensonges et tromperies ? On ne le saura sans doute jamais, même si cela paraît hautement probable.
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“Sambre”, la série événement
Les six épisodes de la série sont signés par Jean-Xavier de Lestrade, spécialiste incontesté du genre (en 2002, il a reçu l’Oscar du meilleur documentaire pour Un coupable idéal). Le réalisateur précise : « Au-delà du fait divers, c’est un fait de société. Il faut qu’on le raconte. […] Alix Poisson, qui joue l’une des victimes, est plusieurs victimes, presque toutes les victimes…«
Quant au violeur (rebaptisé ici « Enzo »), il est incarné par Jonathan Turnbull, lequel n’a pas hésité à prendre 15 kilos pour les besoins du rôle. Pour Jean-Xavier de Lestrade, cette série est plus qu’une simple reconstitution, elle est aussi « l’occasion d’aider à une prise de conscience, alors qu’il reste difficile aujourd’hui de porter plainte ou d’accueillir la parole ». Puisse-t-il être entendu…
Nicolas GAUTHIER
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