Covid-19 : le confinement est-il inefficace, comme l’affirme une étude ?
Le confinement permet-il de faire reculer la Covid-19 ? Alors que le gouvernement français s’apprête à durcir les mesures, face à l’arrivée des variants sur le territoire et à la propagation du virus, une étude provoque la polémique.
Publiée le 5 janvier 2021 dans l’European Journal of Clinical Investigation, une revue scientifique, cette dernière affirme que le bénéfice d’un confinement, comme au printemps, serait marginal. Pire, cela aggraverait même l’épidémie. Qu’en est-il vraiment ?
Une comparaison entre pays
L’étude signée par Eran Bendavid, Jay Bhattacharya, Christopher Oh et John PA Ioannidis, tous chercheurs à l’université de Stanford (Etats-Unis), compare la courbe des cas positifs à la Covid-19 dans deux groupes différents.
D’un côté, deux pays aux mesures considérées comme « moins restrictives » (la Suède et la Corée du Sud), et de l’autre, huit pays « plus restrictifs » (la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, l’Espagne, l’Iran et les États-Unis).
Si des « avantages » ne peuvent être « exclus », selon les auteurs, ils ne trouvent pas « d’impacts significatifs sur la courbe des cas » dans les pays aux contraintes les plus lourdes. Ils affirment ainsi que « des réductions similaires de la croissance des cas peuvent être réalisables avec des interventions moins restrictives ».
Une série de biais
Or, dans un article publié PubPeer le 10 janvier, un site qui permet la critique d’articles scientifiques, l’épidémiologiste australien Gideon Meyerowitz-Katz et le chercheur australien à l’université de Monash Loni Besançon, recensent une série de biais.
- Un échantillon réduit
Le premier d’entre eux : la taille de l’échantillon étudié. Les auteurs de l’étude ne se sont en effet concentrés que sur 10 pays. Résultat : on trouve des comparaisons entre la Suède et l’Iran « sans tenir compte des nombreuses différences culturelles, sociales et politiques entre les pays qui pourraient avoir un impact sur le nombre de leurs cas au cours d’une pandémie ».
En effet, d’autres recherches sur le sujet avaient quant pu prendre des échantillons bien plus larges. L’une d’elle, publiée le 15 décembre dans la revue Science, avait comparé 41 pays et ainsi obtenu des résultats radicalement différents.
- L’application des mesures
Deuxième point : l’application des mesures mises en place dans chaque pays. Interrogé par LCI le 2 février, Jean-Stéphane Dhersin, directeur adjoint scientifique au CNRS, note qu’il était « extrêmement compliqué de comparer des mesures demandées aux populations » de plusieurs pays, arguant qu’il faudrait plutôt prendre en compte « l’application des mesures ».
Ainsi, l’absence de confinement en Suède n’a pas empêché le respect scrupuleux des consignes gouvernementales, appelant à travailler à domicile ou à éviter les transports en commun. Si bien qu’au printemps dernier, « les données de mobilité de la Suède montraient une chute de la mobilité comparable à celle en France lors du deuxième confinement », note Stéphane Dhersin.
Dans la modélisation, le temps représente le moment où a été prise la décision de confiner. Or, l’impact de cette décision ne peut être visible directement après la mise en œuvre des mesures. Il existe donc également un biais temporel dans l’étude.
- Le choix des pays sans restrictions
Troisième problème : le choix d’utiliser la Suède et la Corée du Sud comme groupe contrôle, c’est-à-dire comme exemples des pays n’ayant pas mis en place de restrictions. Contrairement à l’idée souvent répandue, des limitations ont bien été mises en place en Suède, comme expliqué plus haut.
De plus, la Suède a « enregistré moins de cas au début de la pandémie simplement parce qu’elle avait l’un des plus faibles nombres de tests de tous les pays » inclus dans l’étude. « Comparer le nombre de cas en Suède et en Italie n’a guère de sens si l’on ne tient pas compte des disparités dans le nombre de tests effectués », explique Gideon Meyerowitz-Katz.
De son côté, la Corée du Sud a connu l’une des périodes d’enseignement à distance « les plus longues au monde », pointent Gideon Meyerowitz-Katz et Loni Besançon. Ainsi, les définitions de « restrictions » choisies par les auteurs de l’étude sont trop « subjectives » selon les deux chercheurs.
D’autres études sur le sujet
D’autres travaux ont croisé les données issues de différents pays, dont des pays qui n’appliquent pas le confinement, afin d’obtenir des conclusions sur l’efficacité d’une telle mesure.
L’une d’elles, publiée en juin, a constaté que les pays appliquant le confinement ont mieux réduit le nombre de nouveaux cas positifs. Les auteurs précisent que cette efficacité survient après 10 jours de confinement, et continue à s’accroître en moyenne jusqu’au vingtième jour après le début de la mesure.
Les chercheurs de l’Imperial College of London ont quant à eux comparé dans une étude publié dans la revue Nature en juin, pour plusieurs pays européens (dont la France, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne…), le nombre de décès enregistrés avec le nombre de décès prédit par une simulation alternative où le confinement n’aurait pas eu lieu. Leurs résultats : de mars à mai, ce sont « 3,1 millions en moyenne (entre 2,8 et 3,5 millions) de décès qui ont pu être empêchés en Europe grâce aux mesures publiques liées au confinement ». Dans un pays comme la France, « le chiffre des décès évités est au-dessus de 600 000 », notent les chercheurs.
Une autre étude, publiée le 19 mai, basée sur les données quotidiennes exportées de 32 pays, pose une condition temporelle pour que cette efficacité soit plus grande : « Nous constatons que plus les interventions gouvernementales sont fortes à un stade précoce, plus elles sont efficaces pour ralentir ou inverser le taux de croissance des décès », expliquent les auteurs. En clair, plus le confinement est adopté tôt face à la vague, plus il est utile.
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