Coronavirus à Nice : « Le public nous donne l’impression d’exister… » Privés de scène, des musiciens rongent leur frein

Gigi de Nissa est un groupe de musique, formé il y a dix ans, qui met en avant l’art de vivre à la niçoise, des mélodies traditionnelles et des textes en occitan niçois

Bientôt un triste anniversaire pour le monde entier, et particulièrement pour le secteur culturel. « Depuis mars, on a fait trois concerts », résume Louis Pastorelli, chanteur et guitariste de Gigi de Nissa. Avec le reste du groupe, ils continuent de se voir pour répéter parce que « c’est important. De cette manière, on espère préparer un futur radieux ».

Normalement, à cette période, Gigi de Nissa arpente les rues et s’y installe pour jouer, en plein carnaval de Nice. « Pour les artistes et même pour toute la population, c’est un événement qui sert à nous approprier la ville et la vie », lance, un peu nostalgique, le guitariste et chanteur. Avec le Covid-19 et la situation sanitaire qui ne s’améliore pas, les membres du groupe ont peiné à se retrouver et à exister.

« Le public, c’est le premier truc qui te donne l’impression d’exister »

Depuis la fin du deuxième confinement, les membres de Gigi de Nissa se retrouvent une fois par semaine chez Louis Pastorelli et jouent… pour eux-mêmes. « Ce sont des moments dont on a besoin, affirme Cédric Le Donne, aux percussions. On se sent vivant quand on est ensemble. On prépare quelques morceaux, on fait notre répertoire. Ce qui manque, c’est l’aspect humain. Faire de la musique, c’est la partager physiquement ».

« Le public, c’est le premier truc qui te donne l’impression d’exister », ajoute Nicolas Saibene, qui joue tous types d’instrument à cordes. Pour eux, pas de réseaux sociaux, de vidéos à partager ou d’interactions particulières avec une communauté virtuelle. « Il faut être au contact des gens pour voir si ce qu’on fait marche », souligne le percussionniste. Alors, ils ont testé de s’installer dans la rue et de jouer. « Ce n’était pas pour demander de l’argent, mais pour voir si ce qu’on avait travaillé plaisait aux passants », précise Louis Pastorelli. Mais finalement, « c’est trop risqué », répondent les musiciens. 

« C’est faux de croire qu’on peut créer davantage »

Sans demander de l’argent, non, parce qu’ils ont « de la chance d’être intermittents du spectacle » ou de travailler à côté. Sauf leur accordéoniste, Milena Pastorelli, qui n’a pas pu cumuler ses heures pour le statut. Elle développe : « C’est démotivant pour les jeunes. Là, je rame complètement pour faire ce que j’aime. Tout n’est plus aussi sûr pour mon avenir que s’il n’y avait pas eu le coronavirus. J’en viens à me demander si je ne vais pas changer de voie professionnelle ». « Alors qu’elle a les compétences et le potentiel pour continuer dans la musique », affirme le reste du groupe. 

Pour les musiciens, cette période de crise ne peut pas être, comme on pourrait le croire, « une période de création ». Le guitariste détaille : « Il faut avoir des perspectives et des rêves pour créer. Faire de la musique, ça te prend ta vie. Dans ce contexte, on lutte pour prendre ce temps qui nous inspire. La création vient de ce qu’on vit et des émotions qui naissent de ces moments. Donc c’est faux de croire qu’on peut créer davantage parce qu’on a du temps ».

En attendant, ils s’installent dans la grande pièce de la maison niçoise, chacun prend son instrument. Les pieds tapent le sol pour donner le rythme. Les sourires et les hochements de têtes lorsque les premières notes résonnent confirment ce qu’ils clamaient : « Il faut des lieux et des rencontres pour que les choses se passent. La musique, ça se vit et ça se ressent ».

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