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Audrey Fleurot : "J’ai 43 ans et je n’ai jamais été aussi bien"
Femme parfaite mais d’un nouveau genre. Dans « HPI», la série policière de TF1, Audrey Fleurot, mère célibataire à haut potentiel intellectuel, joue une tornade qui fait des ménages et résout des énigmes. Un personnage rebelle et provocant qui lui ressemble bien plus que toutes les bourgeoises qu’elle a incarnées depuis sa révélation dans « Engrenages». Sur les tournages comme à la maison, elle refuse qu’on lui dicte ses choix. Pour nous, le musée Rodin a ouvert ses portes
Pour la décrire, depuis quinze ans, on épuise la palette des métaphores cuivrées. On fait parler le feu. Étincelles, braises, flammes : toutes les étapes de la combustion y passent. Cette image de beauté incendiaire l’étonne toujours. Actrice caméléon, Audrey Fleurot accepte le glamour comme terrain de jeu… à condition de ne pas s’y sentir piégée. Contre les étiquettes qui collent à la peau et les rôles préconçus, elle a trouvé sa parade : l’humour. C’est ce charme-là qu’elle a distillé dans « HPI », la nouvelle comédie policière de TF1. L’actrice a pu participer à l’écriture de la série et développer son rôle de femme de ménage à haut potentiel intellectuel, embauchée comme consultante par les forces de l’ordre. « D’habitude, dit-elle, je vais vers le personnage. Pour une fois, je l’ai ramené à ce que je suis… C’est une version de moi moins policée. »
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Elle est Morgane Alvaro, une mère célibataire qui traîne sur le terrain son bébé, ses galères et ses reparties sans filtre. On dirait la fille de Sherlock Holmes et de Julia Roberts dans « Erin Brockovich », cachant derrière son excentricité outrancière une sensibilité à fleur de peau. « Dans son rapport contrarié à l’autorité, sa puérilité, elle a un niveau de testostérone plus élevé que la plupart des femmes. Inverser les rapports traditionnels m’a plu. Souvent, dans les comédies, c’est la femme qui est un contrepoids à l’immaturité des hommes. L’ordre et la raison ? Ce n’est pas représentatif de ce que nous sommes, mes copines et moi. Le duo de comédie que je forme avec Mehdi Nebbou détonne : il joue le policier psychorigide, et moi, l’adulescente ! C’est moderne, original, et ça me correspond plus. » Avec elle, les dimensions cathartiques et politiques du jeu se donnent la main : en découvrant et en boostant des facettes refoulées ou moins explorées de sa personnalité, la comédienne véhicule d’autres formes de féminité pour les jeunes spectatrices. « La sophistication est une possibilité, pas une nécessité. »
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Pourquoi jouer sans cesse les femmes fatales quand on peut s’épanouir dans tous les registres ? Elle vient de finir le tournage de « Mensonges », un thriller en série pour TF1, et d’un film de genre pour Arte, « Esprit d’hiver ». En juillet, elle sera encore la Dame du lac à l’affiche de l’adaptation cinématographique de « Kaamelott », la fantaisie historique d’Alexandre Astier devenue culte. En un an, elle a tourné quasiment 300 jours sur 365. Son besoin d’interpréter mille vies, cette amatrice de tango le compare à l’état de lâcher-prise, l’instant de grâce rarissime qu’elle recherche dans la danse. « Les athlètes de haut niveau ou les grands mystiques éprouvent ça. Le tango est un moment d’improvisation parfois très fort, surtout quand on ne connaît pas son partenaire. Il peut y avoir une sorte de coup de foudre. » C’est sur la piste qu’elle a trouvé l’amour et rencontré le père de son fils, le réalisateur Djibril Glissant. « Dans la danse, précise-t-elle, on pressent déjà la générosité, l’enthousiasme, la patience. On touche à un endroit intime, viscéral, de l’autre. Ce dialogue des corps préfigure une connexion entre deux sensibilités, deux rapports au monde. » Le sien, ludique et sensible, passionné et légèrement rebelle, est né dès l’enfance avec le rêve d’une vie : « Monter sur scène. »
Audrey Fleurot a 8 ans quand son père, pompier de garde à la Comédie-Française, l’emmène voir une pièce. Sur son strapontin, elle est émerveillée par la machinerie des décors, la présence des acteurs, les reflets et les ombres du parterre au paradis. Cette révélation, la comédienne confie l’avoir tellement racontée qu’elle ne sait parfois plus si la scène a vraiment eu lieu… Mais elle se souvient parfaitement de son impatience de petite fille, à la maison, avant l’émission « Au théâtre ce soir » et les apparitions de Maria Pacôme. Elle fait une école de cirque, s’inscrit dans deux conservatoires d’arrondissement à Paris, réussit à 19 ans le concours de l’Ensatt, la « Rue Blanche », délocalisée à Lyon, avant de prendre le large. S’ensuivent une décennie d’initiation et d’exaltation, trois spectacles par an, dix mois sur douze sur la route : le théâtre subventionné, le frisson des grands textes sans la peur des salles vides, et puis cet esprit de troupe qu’elle va bientôt retrouver sur le tournage des sagas télévisées. Elle a été révélée au cinéma en 2011 par le succès fulgurant d’« Intouchables », mais c’est avec la longévité des séries « Engrenages » et « Un village français », huit saisons pour la première, sept pour la seconde, qu’Audrey Fleurot est entrée dans le salon des Français.
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J’ai longtemps eu peur de me réveiller de nouveau dans la peau de la fille que j’ai été
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Pendant plus de dix ans, elle a porté ses personnages de Joséphine et d’Hortense, a grandi avec eux et s’est hissée au rang d’actrice populaire. Pour apprendre à s’aimer et à exister sans se trahir, le parcours a été long. Elle dit que la féminité est un chemin. Le sien a commencé par la douleur d’une ado mal dans sa peau parce qu’elle était « vraiment ingrate ». Le corps va changer avec l’âge, mais le sentiment d’imposture a mis du temps à s’estomper : « J’ai longtemps eu peur de me réveiller de nouveau dans la peau de la fille que j’ai été. Que la parenthèse enchantée puisse se refermer et le sort retomber. » À 38 ans, elle pose à demi nue et lascive en une de « Lui ». Elle a encore besoin de se prouver que son reflet a changé dans le regard des autres. De prendre une revanche personnelle sur le passé.
Aujourd’hui, Audrey Fleurot a appris à lâcher prise ; elle ne ressent plus la nécessité de faire rimer son image avec fantasme ou séduction. « J’ai 43 ans et je n’ai jamais été aussi bien. » Est-ce le fait d’être mère d’un petit Lou, 5 ans, qui lui a permis d’aller à l’essentiel ? Si elle se défend d’avoir changé radicalement avec la maternité et revendique sa propre part d’« adulescence », une grande partie de l’aventure rime désormais avec quotidien. À la maison, avec son fils et ses deux beaux-enfants en garde alternée, elle est encore entrée dans son rôle en résistant à toutes les injonctions : jouer avec les enfants en permanence, par exemple. « Étant petite, je me suis ennuyée, et je sais à quel point l’ennui permet le rêve et nourrit la créativité. J’essaie de leur inculquer ça. Pourquoi les stimuler sans cesse, les rendre performants ? Moi, ça m’angoisse. Je ne force pas mon fils à suivre des cours d’anglais ou de piano. J’ai envie qu’il prenne son temps. » Son seul combat : la politesse, et puis une vision sans préjugés du rôle des femmes et des hommes. « Ce qui est certain, c’est qu’il saura laver son linge et se faire à manger seul ! »
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Il n’y a rien qui dit que la maman doit être à la maison. Ça peut aussi être le papa
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Audrey Fleurot a tourné « L’idéal », de Frédéric Beigbeder, alors qu’elle était enceinte. Elle a repris le chemin de la scène trois semaines après son accouchement. N’est-ce pas une manière d’offrir à Lou une vision plus moderne et plus juste de la féminité ? Elle acquiesce mais raconte faire quotidiennement face à la culpabilité… notamment renvoyée par d’autres femmes ! « Parce que son père l’emmène plus souvent à l’école, le moindre souci en classe est attribué au fait que je dois manquer à mon fils… Alors qu’avec lui je parle très ouvertement de mon travail. Il n’y a rien qui dit que la maman doit être à la maison. Ça peut aussi être le papa. »
Pas question donc de refuser un rôle important sous prétexte qu’il l’éloigne des siens. Mais quand elle tourne en province, elle essaie de rentrer tous les week-ends et, avec son fils, de « marquer des points en créant des moments forts dont il se souviendra ». Faite pour le jeu, les royaumes de l’imaginaire et l’irruption de l’exceptionnel sur la scène de l’ordinaire, elle voudrait désormais incarner une pirate ou un zombie à l’écran. Et puis, dès la réouverture des salles de spectacle, reprendre la pièce « Bug », de Tracy Letts. Pendant deux ans, elle avait tout fait pour la monter… Après deux représentations, en mars 2020, comme une ironie du sort, ce huis clos a été interrompu par les mesures de confinement. Comédienne de théâtre et actrice au long cours, Audrey Fleurot rêve aussi de voir « La comédie humaine » adaptée à la télévision. Parce qu’elle aime les grandes fresques d’époque au souffle épique, elle va bientôt rejoindre le tournage d’une série sur des destins de femmes pendant la Première Guerre mondiale : « Les combattantes ». Elle n’a pas besoin de jouer la comédie pour en être une au quotidien.
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