"Tàr" : Cate Blanchett en cheffe d’orchestre obsédée par son métier, passe du génie à la schizophrénie
En lice pour un troisième Oscar, Cate Blanchett incarne dans Tàr une cheffe d’orchestre star, solitaire et perfectionniste, accusée de harcèlement par des musiciens qu’elle mène… à la baguette. Ce portrait psychologique méticuleux et tout en retenue d’une femme de pouvoir sous l’emprise de son métier-passion, sort en salles mercredi 25 janvier.
Stradivarius de l’écran
Lydia Tàr est au faîte de sa carrière de cheffe d’orchestre quand elle est nommée à la tête de l’ensemble symphonique de Berlin. Elle fait en même temps la promotion de son livre et répète une très attendue 5e symphonie de Mahler. Solitaire et passionnée par son art, sa vie bascule quand elle manifeste des troubles du comportement, des excès de pouvoir qui vont désagréger ses rapports aux autres et l’isoler.
Maestro, Divertimento, Neneh Superstar, et en attendant La Femme de Tchaïkovski : le monde de la musique classique tient bonne place sur les écrans en ce début d’année. Quatrième film de Todd Field, Tàr poursuit l’approche psychologique et sociétale du réalisateur apparue dans In the Bedroom et Little Children. A la différence près qu’il a devant sa caméra Cate Blanchett, véritable stradivarius de l’écran. Au cœur de son sujet, la névrose d’une professionnelle, obsédée par son métier de cheffe d’orchestre, un art qui la dévore et fait le vide autour d’elle.
Spirale névrotique
Belle, froide, distante, précise, exigeante et talentueuse, telle se présente Lydia Tàr, cheffe d’orchestre prodige qui ne vit que pour la musique. Elle trouve en Cate Blanchett l’interprète idéale pour incarner une femme parvenue aux plus hautes responsabilités de sa discipline, à la tête d’une des plus grandes formations symphoniques du monde. Todd Field choisit de montrer son environnement intime et professionnel, sa fragilité dans ses rapports aux autres, certains iront jusqu’à l’accuser de harcèlement. Le résultat d’une exigence envers elle-même qui aura un effet boomerang.
Le réalisateur est concentré sur son personnage, dans une forme classique qui reflète la culture de Lydia Tàr. Sa névrose se déploie jusqu’à un dernier plan inattendu qui ouvre sur un ailleurs. La caméra de Todd Field est observatrice et tout en retenue, faisant de Lydia Tàr un cas d’école. Il nous entraîne dans une spirale qui dépasse l’univers musical, pour en faire une allégorie de la perte de l’identité au travail. Un grand film, on ne peut plus contemporain.