"Sous les figues" : un film sur des Tunisiennes "modernes et connectées" en zone rurale

La cinéaste Erige Sehiri met en scène dans son film Sous les figues des jeunes Tunisiennes rurales « tellement modernes et connectées » dans des zones défavorisées, capables de créer un espace de liberté dans un environnement conservateur. Le film sort en salle le mercredi 7 décembre.

Durant 1H32, ce premier long métrage de fiction de la cinéaste franco-tunisienne tourné en plein été dans le nord-ouest défavorisé de la Tunisie, relate les confidences, petits secrets, amours naissantes ou disputes entre ouvriers agricoles, en majorité des femmes, affairés à cueillir des figues.

Distribué en Europe, le film a été pré-sélectionné pour représenter la Tunisie aux Oscars en 2023 comme meilleur film étranger.

« Casser le cliché »

Sous une chaleur écrasante, le verger, situé près de la ville de Kesra,« représente un espace de liberté où les ouvriers, surtout les jeunes, parlent et discutent de tout, en toute liberté », a expliqué lors d’un entretien à l’AFP la réalisatrice Erige Sehiri, 40 ans.

Dans une sorte de huis clos, les acteurs, tous des amateurs, habitués au travail des champs ou sur les marchés de gros, y racontent en partie leur vie, aussi rude que l’arbre du figuier, avec des moments de fragilité.

« C’est un film inspiré de faits réels, que j’ai entendus de femmes ouvrières agricoles qui travaillent durement toute l’année et aussi de jeunes lycéennes qui viennent l’été », explique la réalisatrice. L’un des principaux personnages, Fidé, est interprété par Ameni Fdhili, une étudiante qui dans la vraie vie ramasse des cerises pendant ses vacances d’été.

Ce sont surtout les filles, aidées parfois d’un jeune garçon, qui cueillent les figues mûres pour les passer à des adultes représentant l’ancienne génération. Ceux-ci les placent ensuite soigneusement dans des caisses, sous le contrôle implacable d’un jeune patron irascible, symbole du patriarcat traditionnel.

Réalisé avec un budget modeste de 300 000 euros, Sous les figues est « un film sur l’individu et sur le collectif car l’un ne va pas sans l’autre, ils fonctionnent ensemble », explique Erige Sehiri.

Le film évoque également la solidarité entre les jeunes femmes qui partagent leur nourriture et des envies d’émancipation, comme lorsqu’elles partent se promener avec les garçons au bord d’une rivière ou qu’elles se font belles, après leur dur labeur, et prennent des selfies pour leurs comptes Facebook ou Instagram.

« Notre jeunesse est tellement moderne, comme toutes les autres dans le monde », souligne la réalisatrice qui tenait à « casser le cliché des femmes rurales représentées, en général à l’étranger, comme misérables et renfermées ».

Deux générations

Réalistes, parfois un peu cyniques, Fidé et ses amies sont conscientes du manque d’opportunités et de la situation économique difficile de leur pays, mais elles se donnent le droit de rêver à une autre destinée.

La réalisatrice montre aussi des femmes d’âge mûr, fatiguées par le poids des années, qui consacrent leur pause à faire la sieste ou à discuter de leurs douleurs physiques et morales.

Deux générations se croisent pour créer « un effet-miroir parce que peut-être ces ouvrières reflètent-elles l’avenir de ces jeunes filles, et en même temps, pour montrer la nostalgie qu’elles ont » de leur jeunesse, selon Erige Sehiri.

« Agréablement surprise » de la « facilité de ces jeunes à s’exprimer d’une manière simple, sincère et spontanée », la cinéaste a donné la possibilité aux acteurs d’improviser les dialogues tout en respectant le scénario. 

Erige Sehiri voulait faire un film « différent et spécial », sans imaginer cependant qu’il remporterait plusieurs prix ou représenterait son pays aux Oscars. Sous les figues a en effet obtenu le Tanit d’argent aux Journées cinématographiques de Carthage en octobre après avoir décroché le Bayard d’or du Festival du film francophone de Namur (Belgique) et le prix du jury Ecoprod pendant La Quinzaine des réalisateurs à Cannes. En Allemagne, il a tout récemment décroché le premier prix du festival du film francophone de Tübingen à Stuttgart.

« Je suis très contente ! Cela ne pourrait pas être mieux pour un premier film de fiction joué par des amateurs ! C’est même extraordinaire », se réjouit Erige Sehiri.

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