Pour « Zone Interdite », un reporter a « fait équipe » avec les pompiers

  • Ce dimanche, M6 propose un documentaire en immersion avec les pompiers de Paris dans Zone Interdite.
  • Pour être au cœur de l’action, le journaliste Manuel Laigre a suivi une formation avec les sapeurs-pompiers de Paris en amont de son tournage.
  • « Le jour où il y a un feu, c’est effrayant parce qu’on ne s’occupe plus de vous », se rappelle-t-il.

Les images sont plus qu’impressionnantes. Dans les premières secondes du documentaire proposé par Zone Interdite ce dimanche sur
M6, on assiste à la formation de la brigade de
sapeurs-pompiers de Paris. Dans un caisson, des flammes dantesques sont prêtes à prendre le pouvoir sur les futures recrues. Parmi elles, un intrus : le journaliste Manuel Laigre.

Dans le cadre de son film, le reporter a décidé de suivre une partie de cette formation exigeante pour apprivoiser le feu et filmer au plus près les interventions des secours. Il raconte à 20 Minutes comment s’est passé cet entraînement, la difficulté de faire son travail face à des situations extrêmes et la peur qu’il a pu ressentir lorsqu’il avait la caméra en main.

Est-ce votre premier reportage avec des pompiers ?

C’est mon premier documentaire sur les pompiers, je ne suis pas un spécialiste en la matière. Je n’ai pas trop tourné avec les secours, je n’y connais rien, je n’ai même pas mon diplôme de secouriste. Mais j’étais ravi de le faire. C’était aussi la demande de la chaîne de faire quelque chose de différent pour qu’on ait le sentiment d’apprendre des choses, qu’on ne soit pas passif et qu’on soit au plus près avec des témoignages pour avoir le ressenti des pompiers que l’on soit au plus près des flammes.

Comment vous est venue l’idée de passer une formation ?

On me demande de faire un documentaire différent donc je me dis qu’on va tourner avec une autre caméra pour obtenir quelque chose de plus cinématographique. Arrive le premier feu, et la déception est énorme. J’arrive au pied de l’immeuble, impossible de rentrer. Mais c’est normal : je n’avais pas l’équipement. C’est une énorme frustration, je vois mes personnages rentrer, sortir de l’immeuble, des histoires à raconter et moi qui attend devant. Je me dis que je ne peux pas continuer. On demande alors un rendez-vous avec les gradés de la brigade et on leur demande naïvement si on peut passer la formation. Ils ne nous répondent pas immédiatement, ça prend quelques semaines et on arrive à mettre en place cette formation de cours particuliers avec quelques passages en groupe puisque la formation dure quatre mois, dont deux mois de secours à la victime.

Mais la vôtre n’a pas duré quatre mois au total ?

Je suis intervenu sur les deux derniers mois et on a réussi à éliminer tous les cours qui sortaient du cadre : tenir une lance à incendie, toutes ces choses qui étaient de la manipulation. Ce qui était intéressant pour moi, c’était de me familiariser avec les flammes, la chaleur, le matériel, savoir s’équiper seul et surtout ne pas déranger, savoir où se positionner et reconnaître le danger sur les fumées, lesquelles sont dangereuses, lesquelles peuvent vous brûler. L’enjeu, c’était de trouver sa place. Le problème aussi, c’est qu’en formation, c’est aseptisé. On est dans une pièce, on envoie de la chaleur, des flammes, ça fait peur, il fait chaud, on se brûle. Mais quand on arrive sur un feu, il y a des gens qui passent devant vous, qui sortent de l’immeuble en courant, qui vous rentrent dedans. Ça nous a pris un an de tournage parce qu’il y a eu toute cette adaptation, on ne peut pas arriver comme ça et entrer dans un feu. Ça a mis du temps.

Comment avez-vous fait pour faire correctement votre travail de journaliste dans ces situations extrêmes ?

Des fois, on me disait que ce n’était pas le moment de poser une question, que ce soit sur les incendies ou sur la formation. Quand c’est la formation, je m’arrangeais pour faire ça à des moments plus appropriés. Mais sur les feux, très souvent je posais ma question et je n’avais pas la réponse. Le danger, je ne le perçois pas comme eux. Des fois, je m’avance un petit peu trop donc j’ai le droit à un petit signe. Mais ça n’a jamais été méchant. Je me suis battu pour avoir cette formation, pour les convaincre, la réussir parce que s’ils avaient décelé un souci, ils m’auraient dit stop. J’ai réussi à tout obtenir et le jour où il y a un feu, c’est effrayant parce qu’on ne s’occupe plus de vous.

Avez-vous parfois eu peur alors ?

Vous rentrez dans ce hall d’immeuble, ça sent très fort le brûlé, vous croisez des gens à contresens. On lit la peur sur leur visage. À un moment, je me suis dit « est-ce que c’est bien ce que je suis en train de faire ? Qu’est-ce qu’ils ont vu ? Quelles sont les choses qui les ont effrayés ? » Il y a eu un petit flottement lors du premier feu. Ce n’est plus aseptisé, tout le monde crie, les pompiers aussi. On ne connaît pas tous les dangers, on ne sait pas s’il y a des victimes, si ça va exploser. J’ai eu peur la première fois mais après, ça passe vite parce que l’immeuble est investi. Ça a duré quelques minutes, même sur les autres feux c’est passé.

Est-ce facile de prendre de la distance avec son sujet pour un documentaire comme celui-ci ?

Les médecins que j’ai rencontrés me disent qu’il faut un peu d’empathie pour être bon donc déjà c’est compliqué. Très souvent, je me suis projeté sur les interventions. C’est compliqué de mettre des barrières entre les victimes et nous. Ensuite, avec les personnages, il fallait être proche d’eux dans des situations aussi compliquées parce qu’on fait équipe. Quand on arrive sur un événement, on rentre dans l’intimité de ces gens qui vivent une situation horrible et qui voient une caméra qui débarque. Il fallait qu’on ne fasse qu’un avec l’équipe médicale pour réaliser ce documentaire. Il fallait que la présence de la caméra ne dérange pas l’intervention. Je commençais mes prises de vues assez loin et puis je m’approchais au fur et à mesure, je gagnais la confiance de l’entourage des victimes pour essayer de ne pas travestir la réalité. L’objectif, c’était de ne rien changer à la réalité.

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