Nostalgie 1975 : Midi Première, la clé des chants
À l’heure du déjeuner, de 1975 à 1981, Danièle Gilbert animait un divertissement en direct qui sillonna la province. Les aléas de cette émission demeurent cultes.
Pour l’éternité, la France profonde de l’ère giscardienne aura pour Danièle Gilbert cette bienveillance pateline que l’on réserve à la tatie de la famille. Micro à la main, cette animatrice coiffée en cloche allait au contact des Français qui se reconnaissaient dans cette jeune fille toute simple, originaire de Chamalières, en Auvergne, fief de Valéry Giscard d’Estaing. L’élection de ce dernier ouvre en effet une ère de modernité dans la petite lucarne avec la dissolution de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) et la création de trois nouvelles chaînes (TF1, Antenne 2 et FR3). Un véritable âge d’or pour les émissions de variétés dont Midi Première. Diffusé sur TF1 à l’heure du déjeuner, ce programme fera les beaux jours de l’antenne du 6 janvier 1975 au 1er janvier 1982. Ce rendez-vous de la mi-journée succédait à Midi trente que la blonde et populaire animatrice présenta également sur la première chaîne de 1972 à 1974.
La télé en goguette
Midi Première labourait la province française du lundi au vendredi, essaimant dans son sillon cathodique une noria de célébrités hexagonales, voire internationales, et de vedettes « locales ». L’émission était quasi toujours en direct, souvent en extérieur, au milieu de spectateurs présents sur le lieu de tournage avec une touche bon enfant, sans complexe et couacs autorisés. Une émission itinérante avec ses jalons étapes, sorte de caravane quotidienne du Tour de France où passer dans une ville ou une région sert toujours de prétexte pour rappeler les gloires locales constitutives de l’identité française et offrir une leçon de géographie nationale.
Des ratés cultes
Derrière ses airs timorés et son carré sage, l’animatrice cachait un professionnalisme à toute épreuve et gérait à la perfection les directs et leurs aléas en toutes circonstances. Même par gros temps lorsqu’en compagnie des Charlots, en octobre 1978, elle présente l’émission depuis le Lac Blanc, à Orbey dans les Vosges alsaciennes sous une pluie battante et face à un vent contraire. Un play-back raté ? L’animatrice enchaîne et conforte l’artiste penaud. Une foule envahissante ? Danièle fait preuve d’autorité et remet de l’ordre. Elle n’hésite pas non plus à payer de sa personne, comme en 1979, à Tignes, lorsqu’elle débute l’émission en atterrissant en Deltaplane. S’invitent aussi, régulièrement, ratés de playback et autres imprévus. Certaines prestations d’artistes resteront cultes. Ainsi celle où Ringo mime les paroles de La fille que j’aime en 1977 tout en rudoyant un manifestant, ou encore le playback de Dalida sur le titre Il y a toujours une chanson en 1978 qui ne part pas à la bonne vitesse. En décembre 1981, Line Renaud et Loulou Gasté débarquent sur le plateau avec un jour d’avance, sans savoir qu’ils sont à l’antenne.
©James Andanson
Michel Delpech, Claude François, Sheila, Mireille Mathieu et tant d’autres ont tous leur rond de serviette dans l’émission qui ne se cantonne pas aux seules vedettes du spectacle (Raymond Aron est ainsi l’invité de Midi Première en mars 1977). En juillet 1975, Valéry Giscard d’Estaing, alors président de la République, interrogé par Danièle Gilbert, y vante les mérites de… son chien. Forte d’une audience robuste, l’animatrice, figure populaire, jubile de ce sacre télévisuel. Mais l’alternance politique de 1981 sonne le glas de la carrière de la reine de la mi-journée.
Midi dernière !
Le 1er janvier 1982, Midi Première doit ainsi tirer sa révérence. « On ne comprend pas tellement pourquoi on nous a demandé de partir et que nous n’avons rien après », avait-elle expliqué deux jours auparavant, la larme à l’œil. « En 1982, on m’a montré la porte alors que le succès était là. Si j’avais voulu me battre, ça ne se serait pas passé comme ça, mais je ne sais pas quémander. J’ai besoin du désir de l’autre, analysait-elle en 2019. Si la sanction était venue du public, j’aurais été très malheureuse. Là, c’était une décision d’en haut, extraprofessionnelle. »
Les Visiteurs du jour, émission plus intellectuelle présentée par Anne Sinclair, remplace le programme populaire. Les audiences sont désastreuses et sa diffusion tourne court cinq mois plus tard. Danièle Gilbert commence alors une seconde carrière : celle d’éternelle aspirante à un retour à la télévision. La petite lucarne ne la rappellera pas, sauf pour lui faire évoquer à l’envi le tournant de mai 1981 et son éviction.
LES DÉBUTS DE LA POLITIQUE-SPECTACLE
©TF1
Danièle Gilbert a enregistré un de ses plus célèbres Midi Magazine avec Valéry Giscard d’Estaing dans les jardins de la mairie de Chamalières. Les images du jeune édile taquinant l’accordéon sont restées cultes. Le futur président y expliquait avoir appris à en jouer alors qu’il servait dans les forces françaises en Autriche à la fin de la guerre. Face à une Danièle Gilbert dodelinant du chef, il interprète un air d’Aristide Bruant, Je cherche fortune autour du Chat noir. En juillet 1975, rebelote : Midi Première s’invite avec Michel Delpech dans le parc de l’Élysée. Ce goût de la politique-spectacle coûtera sa carrière à l’animatrice.
La Grande Duduche
Pendant treize ans, Danièle Gilbert a accompagné les Français à l’heure du déjeuner. Speakerine de l’ORTF à Clermont-Ferrand, l’animatrice fait ses débuts dès 1967 à la télé nationale tous les samedis entre midi et 13 heures. Son carré blond, son sourire à toute épreuve et son aisance la consacrent comme nouvelle star du petit écran. Elle passe en semaine et lance Midi Magazine avec Jacques Martin (qui l’affuble du surnom de Grande Duduche).
Chaque midi, elle s’installe dans une ville de province. Après Jacques Martin, c’est Pierre Bellemare qui l’accompagne dans ses pérégrinations. En 1975, c’est la gloire : elle est seule aux commandes de Midi Première qui consacrera sa renommée.
Des débutants devenus célèbres
Francis Cabrel et le jeune groupe britannique Supertramp, entre autres, firent leurs débuts à Midi Première. Le 10 avril 1975, Renaud y fait aussi sa première “télé” en chantant Camarade bourgeois, s’accompagnant à la guitare !
Dominique PARRAVANO
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