Nostalgie 1967 : mardi soir, tout est permis !

Un film suivi d’un débat. Si le concept est simple, il fit le succès, pendant 25 ans, de la première émission où les téléspectateurs prenaient la parole.

Un générique, monté à grand renfort de percussions, aussi angoissant qu’hypnotique, une pochette filmée en gros plan. Une main soulève la chemise cartonnée pour dévoiler le nom du film que les téléspectateurs verront avant le débat : Les Dossiers de l’écran surgissent au bon vieux temps de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) le 6 avril 1967. Ce jour-là, la deuxième chaîne (la future Antenne 2) inaugure les soirées « verticales », autrement appelées « continues ».

Le concept est simple : proposer un programme divisé en deux parties, chaque mardi soir. Durant la première, un film est diffusé, et la seconde accueille un débat en plateau autour du thème abordé par le long-métrage, avec témoins et contradicteurs installés au cœur d’un faux salon bourgeois.

Le mythique “SVP 11-11”

Diffusée en direct, l’émission devient la tête de gondole d’une télévision qui se transforme alors en acteur du débat de la vie politique, sociale, culturelle et de la relation avec le téléspectateur. Un espace de liberté s’ouvre après la première partie de soirée, aristocratie de l’Audimat, où, passé 22 h 30, l’heure tardive délie les langues. La continuité avec la fiction évite ainsi à l’émission de traiter d’une question que l’actualité n’impose pas forcément.

Prévue à l’origine pour quatre soirs, elle a tenu presque vingt-cinq ans, jusqu’au 6 août 1991. C’est Guy Darbois, collaborateur d’Armand Jammot qui sélectionnait les films, les thèmes, et gérait le célèbre « SVP 11-11 », ce numéro que l’on pouvait appeler pour poser, parfois en direct, sa question aux invités. La première eut pour thème le nazisme, avec, en prélude, Les Maudits, le film de René Clément. Le succès fut tel qu’on scinda à sa suite l’émission en deux : seuls les téléspectateurs dont le numéro se terminait par 1, 2, 3, 4 ou 5 pouvaient tout d’abord appeler avant d’être rejoints par les autres. En vain. Le standard sautait dès que le débat sans langue de bois devenait hautement inflammable.

Historique, sociétal et populaire

De nombreux thèmes souvent historiques seront abordés (les criminels de guerre nazis, Hiroshima, Louis XVII, la montée du nazisme, la résistance à Hitler, Napoléon, le débarquement en Normandie, la traite transatlantique des esclaves…) mais aussi des sujets plus sociétaux (la loterie nationale, la délinquance juvénile, les hôpitaux psychiatriques, les erreurs judiciaires, les casinos, la recherche médicale, la peine de mort, la corrida, le racisme quotidien…). Plusieurs présentateurs cornaqueront ce programme populaire : Yves Courrière jusqu’en 1968, Joseph Pasteur, de 1968 à 1975, Alain Jérôme de 1975 à 1987, Charles Villeneuve, de 1987 à 1988, et Claude Sérillon de 1988 à 1991.

Frustration

Le clap de fin de l’émission mythique, à l’été 1991, sera plutôt feutré. En effet, le 880e numéro sera enregistré sans que personne ne sache alors qu’il s’agissait du dernier. D’où la frustration d’Alain Jérôme, en tant que producteur, de n’avoir jamais pu dire au revoir aux téléspectateurs. Le standard du SVP 11-11 aurait sûrement été mis à rude épreuve !

Audiences records et valeurs sûres 

©MAZEAU JEAN MARIE/SIPA

Certaines personnalités médiatiques s’avérèrent plutôt clivantes lorsqu’elles se retrouvèrent seules face au feu nourri des questions des téléspectateurs, à l’instar d’ Yves Montand , en 1984. L’audience pulvérisa alors tous les plafonds : passé minuit, entre 13 et 15 millions de téléspectateurs étaient encore devant leur poste ! Valéry Giscard d’Estaing – face à 60 Français – ne se priva pas non plus de cet exercice autocentré, de même qu’ Éric Tabarly, Alain Delon, Richard Nixon ou Alexandre Soljenitsyne.

En caméra fâchée

Les soubresauts de l’actualité ne facilitaient pas toujours l’organisation de l’émission, notamment peu de temps après la guerre des Six Jours. Après la diffusion d’Exodus d’Otto Preminger, un débat sur les origines et les circonstances de la fondation de l’État d’Israël devait réunir des représentants arabes et israéliens. Du fait de l’extrême tension, les protagonistes seront installés dans deux studios différents. Joseph Pasteur s’entretiendra avec les invités arabes, et Alain Jérôme, avec les Israéliens.

La mort en direct !

Le 2 avril 1974, peu après 23 heures, un assistant glisse un petit mot à Alain Jérôme alors en plein débat. Le président de la République Georges Pompidou vient Les invités présents vont de ce fait de décéder. devoir improviser les premiers hommages.

Dominique PARRAVANO

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