Nostalgie 1962 : "Intervilles", l'amour vachette

Animé par le trio Léon Zitrone, Guy Lux et Simone Garnier, le jeu a réjoui les soirées d’été des téléspectateurs avec son esprit potache et ses vachettes sacrées.

Le trio initial formé par Léon Zitrone, Guy Lux et Simone Garnier cédera sa place à Olivier Chiabodo, Fabrice, Nathalie Simon et Jean-Pierre Foucault.

©PIAU FREDERIC / BESTIMAGE

Les Français, dont le moral était plombé par les huit ans de la guerre d’Algérie, se délectèrent de l’arrivée sur leur petit écran à l’été 1962 des épreuves comico-sportives d’Intervilles. Des jeux de gamins et de vilains potaches qui voient le jour le 19 juillet de cette année. Inspirée d’un programme italien, Campanile sera, l’émission diffusée à l’époque sur la première chaîne de la RTF, puis sur l’ORTF, devint vite un des chouchous du public. Du concept initial, un match entre localités à base de questions et de chansons, Guy Lux ne conserve que la querelle de clochers et le quiz final. L’émission dut son immense popularité à l’attelage improbable formé par Guy Lux, Léon Zitrone et Simone Garnier, l’arbitre blonde de ce jeu cathodique populaire.

Le potache est servi !

©Michel Ristroph via Bestimage

Le principe était simple et efficace : des candidats de deux villes concurrentes s’affrontaient en un derby fratricide dans une série d’épreuves physiques et ludiques abracadabrantes, sans queue ni tête, tournant à la foire d’empoigne. On voyait ainsi jouter des villes comme Dax contre Saint-Amand-les-Eaux, Tarbes contre Saint-Malo, Mont-de-Marsan contre Le Puy du Fou ou Cabourg contre Troyes. Mais, si le but était de faire gagner son équipe, l’autre objectif était surtout d’assurer le spectacle. Et pour cela, la chaîne ne lésinait pas sur les moyens pour mettre à rude épreuve les zygomatiques des téléspectateurs doigts de pieds en éventail avec des jeux loufoques : chamboule-tout, dégringolades dans la piscine, cavalcades sur tapis roulants avec seaux d’eau, glissades sur des surfaces savonneuses… le tout déguisé dans des accoutrements plus bouffons les uns que les autres.

Oh ! La vache !

©GONGORA Marie-Anne via Bestimage

Toutefois, l’émission ne serait rien sans l’héroïne qui créa sa renommée : la fameuse vachette landaise. Même avec ses cornes altières emboulées, le farouche animal lâché dans l’arène faisait tourner en bourrique les candidats qui devaient redoubler de vivacité pour ne pas mordre la poussière et échapper à la bête en furie. À tel point que la divine bovine est devenue l’icône de ce barnum populaire, certaines d’entre elles accédant même à la célébrité comme la fameuse Rosa.

Un duo capable du pitre

“On m’a cassé mes lunettes, mais tout va bien !”

Les téléspectateurs se réjouissaient de la mauvaise foi des deux dinosaures de la télévision qui s’en donnaient à cœur joie avec le célèbre « En voiture, Simone ! » de Guy Lux et la faconde de Big Léon, alors présentateur vedette du journal télévisé de la RTF, jusqu’ici peu familier de ces amusements de kermesse. Les Français adoraient l’imposante stature de ce dernier, ses saillies verbales, ses symphonies d’exclamations. En 1971, lors de la finale Dax-Carcassonne, Léon Zitrone reçoit un paquet de cacahuètes à la figure et déclare dans la plus grande confusion et joyeuse pagaille : « Je voudrais rassurer les miens qui sont devant leur écran et leur dire que, finalement, en dehors du fait qu’on m’a cassé mes lunettes et que je n’y vois rien, tout va bien » ou encore le célèbre : « Guy, je ne vous entends plus, on a cassé mes lunettes ». En quelques semaines, Intervilles devint un véritable phénomène au point de servir de prétexte à un sketch de Michel Serrault et Jean Poiret.

Les jeux sont faits

Après plusieurs années de flottement, de jeu de chaises musicales entre plusieurs chaînes, la machine populaire à divertir rend l’antenne en 1991 avec sa formule antique. Adieu Guy, Léon, Simone ! En 1995, quatre nouveaux zozos, l’insubmersible Jean-Pierre Foucault, Fabrice, Olivier Chiabodo et Nathalie Simon reprennent sur TF1 les vachettes par les cornes avec cette valeur sûre du petit écran. En 1997, Thierry Roland remplace Fabrice et en 1998, Julien Courbet se substitue à Thierry Roland. Foucault et Courbet rejouent le duo Lux-Zitrone d’antan. Tels Don Camillo et Peppone, les présentateurs font assaut de chamailleries et contestent systématiquement l’arbitrage. Outre la valse des animateurs, la programmation d’Intervilles devient de plus en plus chaotique et aléatoire. Ainsi retrouvera-t-on le jeu préféré des Français en 2004 sur France 2 avec un nouvel horaire et un pénultième changement de célébrités aux commandes : Nagui, Juliette Arnaud et Patrice Laffont puis, sur France 3, dès 2006, Tex et Julien Lepers, dès 2009, Nelson Monfort et le patineur Philippe Candeloro, spécialiste des dérapages pas toujours contrôlés et, enfin, en 2013, de retour sur France 2, Olivier Minne et Nathalie Simon avant de tomber le rideau avec des audiences en chute libre et des programmes, air du temps oblige, où l’on préfère révéler chez les candidats le ninja qui sommeille en eux…

Dominique PARRAVANO

DE GAULLE, PREMIER FAN !

Le général de Gaulle était un grand fan d’Intervilles au point d’interrompre une discussion officielle avec le chancelier allemand Adenauer pour pouvoir regarder l’émission. Il l’apprécie tant qu’il réclame une version européenne à Guy Lux. Le 26 mai 1965 naissent les Jeux sans frontières. Par la suite, on s’empaillera dans la neige (Interneige) et à plus grande échelle (Intercontinents).

Un sujet qui vache !

Stop ou top à la vachette ? En 2020, lorsque Nagui annonce le retour d’Intervilles dans une nouvelle version qu’il produira lui-même, l’animateur, défenseur de la cause animale, précise que le jeu reviendra, mais sans les vachettes, de sorte qu’elles se muent en mascottes de la discorde. Un appel au boycott de l’émission est lancé par les villes d’arènes françaises et par l’Union des villes taurines françaises. Un groupe Facebook intitulé « Non à Intervilles sans vachette » réunira plus de 16 000 membres.

Cette année-là…

19 JANVIER Premier voyage du paquebot France.

19 MARS Cessez-le-feu en Algérie.

14 MAI Georges Pompidou est nommé Premier ministre par Charles de Gaulle.

4 AOÛT Mort de l’actrice américaine Marilyn Monroe.

22 AOÛT Attentat du Petit-Clamart.

28 OCTOBRE Référendum sur l’élection au suffrage universel du président.

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