«Madame Claude» mise à nu à l'aune de #MeToo

  • Fernande Grubet alias Madame Claude dirigeait un réseau de prostituées de luxe dans les années 1960-70.
  • La réalisatrice Sylvie Verheyde et la comédienne Karole Rocher montrent une version plus crue ses agissements.
  • Ce film flirte avec le polar et le cinéma d’espionnage pour livrer une réflexion passionnante sur la condition féminine.

Fernande Grubet vous connaissez ? Peut-être pas sous ce nom mais son pseudonyme de
Madame Claude est sans doute plus familier. C’est lui qui donne son titre au film de Sylvie Verheyde, disponible sur Netflix ce vendredi. Cette proxénète star et son réseau de prostituées de luxe triées sur le volet évoluaient dans le Paris des années 1960-70.

Elle a été incarnée par Françoise Fabian sous la direction de Just Jaeckin en 1976 puis par
Alexandra Stewart sous celle de François Mimet en 1981. Ces versions plutôt sexy de sa biographie ne pouvaient plus passer au XXIe siècle. La réalisatrice de Sex Doll et Confessions d’un enfant du siècle balaye le mythe glamour pour confier à
Karole Rocher, bouleversante, le soin de se rapprocher de la réalité. « Aujourd’hui encore, Madame Claude reste une figure d’émancipation sociale et féministe. Mais elle n’en demeure pas moins un monstre » déclare la réalisatrice dans le dossier de presse.

Une histoire de femmes

Le mythe a la vie dure. « Pour ma mère, Madame Claude représentait un exemple féminin de réussite sociale, qui avait trouvé́ le moyen de prendre le pouvoir sur les hommes », insiste la cinéaste. C’est donc une réflexion sur la condition féminine qu’elle offre avec ce biopic passionnant qu’elle décrit comme « basée sur des faits réels s’inspirant de la vie imaginée de Fernande Grudet, dite Madame Claude » dès les premières images. Sylvie Verheyde s’est livrée à de copieuses recherches sur Madame Claude qui aimait prendre des libertés avec la réalité pour se créer une vie d’aventurière La réalisatrice a revu la légende à son tour. Avec, notamment, l’intrusion d’une jeune femme émancipée (superbe Garance Marillier découverte dans Grave de Julie Ducournau) qui bouleverse la vie de cette « patronne » caparaçonnée dans sa solitude.

Un voyou au féminin

La réalisatrice n’angélise pas son sujet. La proxénète considérait ses « filles » comme des propriétés de rapport pouvant être tabassées par des « amis » car le mot « client » était interdit. « Comme tous les antihéros des films noirs, elle dit quelque chose de la société, estime la cinéaste et dans le même temps, on ne peut pas valider ce qu’elle fait. » Loin de glorifier la prostitution, le film montre la lutte pour la survie d’une femme contrainte à la dureté par sa condition. Le sexe est la seule arme dont elle dispose pour s’imposer dans une société patriarcale. Mais il n’est jamais montré de façon érotique. « Elles ne font pas l’amour, elles bossent », martèle Sylvie Verheyde.

Maquerelle de la République

Ce surnom de « Maquerelle de la République » que Madame Claude détestait est aussi clairement illustré par Sylvie Verheyde. La proxénète évoluait dans les coulisses du pouvoir entre monde de la politique et show-business, entre grand banditisme et services secrets. Elle était réputée pour conserver des documents sur ces clients. Construit comme un polar, le film flirte avec le cinéma d’espionnage pour faire comprendre la grandeur puis la décadence d’une femme qui a exploité le patriarcat comme elle a été utilisée par lui. Il y a beaucoup d’humanité dans le portrait de Madame Claude que brosse Sylvie Verheyde.

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