"Le Marchand de sable" : Steve Achiepo réalise un suspense social percutant sur le mal-logement et ceux qui en font commerce
Il y a de la joie dans les premières images du long métrage de fiction de Steve Achiepo, Le Marchand de sable, en salles le 15 février. Mais elle sera éphémère. Parmi les convives de cette soirée chez Djo, interprété par Moussa Mansaly, il y a Tantine Félicité (Aïssa Maïga) et ses trois enfants qui ne savent pas où dormir. En leur ouvrant la porte, Djo qui habite chez sa mère et qui y accueille sa fille en garde alternée, va mettre la main dans un engrenage.
Dans sa quête effrénée pour trouver un toit à Félicité, qui comme des milliers d’autres a fui la Côte d’Ivoire à cause de la crise politique qui frappe le pays en cette année 2011, il va inexorablement se transformer en marchand de sommeil. Ses intentions sont pourtant louables au départ : Félicité le sollicite pour aider d’autres réfugiés comme elle et Djo, lui-même, veut quitter l’appartement désormais surpeuplé de sa mère.
Le Marchand de sable est une exploration douloureuse du mal-logement et de l’habitat indigne. On s’entasse, on se marche dessus, on subit la promiscuité qui peut avoir des conséquences quand on est un père divorcé en charge de sa petite fille. Sans compter les problèmes d’hygiène. Le film de Steve Achiepo a parfois des allures de documentaire tant il est concret. Le long métrage est soutenu par la Fondation Abbé Pierre qui milite contre l’habitat précaire.
Le dilemme pour alimenter le suspense
Filmé au plus près, à l’instar de la plupart des protagonistes du film, Moussa Mansaly donne chair à son personnage avec une grande véracité. Le réalisateur Steve Achiepo et son héros agrippent le spectateur pour ne plus le lâcher. Le suspense est nourri par le dilemme qui ne quitte plus Djo, confronté à des situations insoutenables dans son nouveau business. Il n’est d’ailleurs pas le seul. La mère de sa fille, Aurore (Ophélie Bau), est une assistante sociale qui se sent de plus en plus impuissante face à la détresse de ceux qui s’adressent à elle. Achiepo développe ainsi, en parallèle, deux univers confrontés aux mêmes difficultés. Les cas de conscience de l’assistante sociale, qui doit « respecter » les « procédures », font écho, dans un autre registre, aux pressions subies par Djo qui s’est associé à un malfrat. Ce dernier, incarné par Benoît Magimel, illustre l’indifférence criminelle des vrais salauds passés maîtres dans l’exploitation de la misère humaine.
Dans Le Marchand de sable, la photo est sombre et les couleurs saturées : comme dans cette scène où Djo se remet de ses émotions dans un long couloir habillé d’un mobilier rouge. Cette ambiance lugubre, accentuée par la bande originale de l’exceptionnel Amine Bouhafa, conforte le propos de la fiction. Steve Achiepo, qui s’est offert un petit (mais percutant) rôle, maîtrise parfaitement sa narration et fait montre de ses talents de metteur en scène. Notamment dans la façon dont il utilise le regard d’Augustine (Anysha Nsa Zimbu), l’un des enfants de Félicité, comme une fenêtre sur la mauvaise conscience de Djo. Ou encore quand il s’agit de décrire l’indicible car c’est bien à cela que renvoie le mal-logement et ceux qui en profitent, bafouant la dignité humaine. Le premier long métrage de Steve Achiepo est une réussite, aussi bien pour sa portée sociale que pour son parti pris esthétique.