"Des hommes" : Gérard Depardieu, Jean-Pierre Darroussin et Catherine Frot rouvrent les plaies de la guerre d'Algérie

Lucas Belvaux (Pas son genre) adapte le roman de Laurent Mauvignier Des hommes (Les Éditions de Minuit) avec trois comédiens au diapason d’une œuvre ambitieuse. La guerre d’Algérie vue au prisme d’une mémoire refoulée : celle de deux survivants, quarante ans après, habités par un secret, une énigme, un trauma effacé qui remontent à la surface. Une tragédie vécue à rebours, sur les écrans mercredi 2 juin.

Filmer le silence

Alcoolique indigent, Bernard, dit Feu de bois (Gérard Depardieu), offre à sa sœur Solange (Catherine Frot) un bijou inestimable lors d’une fête organisée dans un village pour ses 60 ans. Le cadeau venant de ce « clochard » inspire des doutes sur sa provenance et provoque un pugilat, mais il rappelle à Radu (Jean-Pierre Daroussin) le temps où il était avec Feu de bois soldat en Algérie, quarante ans plus tôt. Incapable de se remémorer précisément le lien entre les deux événements, Radu remonte le fil de sa vie.

Cet oubli renvoie au voile jeté par l’Etat français sur les « événements d’Algérie », une guerre (1954-1962) dont il faut éradiquer le nom. De retour au village, Radu a rayé cette guerre de sa mémoire et a retrouvé sa place dans la communauté ; Bernard n’en a pas plus parlé, mais en est revenu en miettes, vivant en marge, affublé du surnom Feu de bois. Taiseux, Radu ne communique pas plus avec son entourage. Tous deux, à leur façon, portent encore les stigmates du conflit. L’origine de ce mutisme est le propos du film.

Grande et petite histoire

La construction éclatée du récit rappelle celle du documentaire d’animation Danse avec Bachir, de Ari Folman (2008), où un ex-soldat de Tsahal occulte sa guerre du Liban, vécue 20 ans plus tôt. L’oubli, l’amnésie des horreurs étatiques de la guerre est commune aux deux films. Cette mémoire effacée se reconstitue au fil de flash-back qui aboutissent à une révélation. A partir du cadeau intriguant, romanesque, que fait Feu de bois à sa sœur, Lucas Belvaux développe un film politique sur la guerre.

S’il s’agit ici de la guerre d’Algérie, elle n’était pas nommée à l’époque, contrairement à celles du Liban, du Vietnam, ou des guerres mondiales. Un signe des plus révélateurs qui donne tout son sens au film et évite tout militantisme pour l’une ou l’autre des parties. La guerre est dénoncée comme manipulation des consciences, effacement de l’individu au profit de la raison d’Etat. Lucas Belvaux donne priorité au récit sur la forme, il s’efface pour mieux dénoncer la grande histoire qui écrase la petite.

La fiche

Genre : Drame
Réalisateur : Lucas Belvaux
Acteurs :  Gérard Depardieu, Catherine Frot, Jean-Pierre Darroussin, Yoann Zimmer
Pays : Belgique / France
Durée : 1h41
Sortie : 2 juin 2021
Distributeur : Ad Vitam

Avertissement : des scènes, des propos ou des images peuvent heurter la sensibilité des spectateurs

Synopsis :
Ils ont été appelés en Algérie au moment des « événements » en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d’autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies. Mais parfois il suffit de presque rien, d’une journée d’anniversaire, d’un cadeau qui tient dans la poche, pour que quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier.

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