Des cinéphiles « en manque » se retrouvent dès 8 heures devant l’Alhambra

  • Comme partout en France, le petit cinéma l’Alhambra, dans les quartiers Nord de Marseille, a pu rouvrir ses portes.
  • Ce cinéma d’art et d’essai, élu cinéma préféré des Français en 2018, a retrouvé ses fidèles dès la première séance, ce mercredi à 9 heures.
  • Des cinéphiles qui se disaient en manque de l’expérience d’un film sur grand écran.

La première séance est dans une heure, mais les premiers spectateurs sont déjà là. « On est arrivé à 8 heures car on pensait qu’il y aurait trop de monde », s’amuse Maggy. Malgré l’heure matinale, les fidèles de l’Alhambra, ce petit cinéma des quartiers Nord​ de
Marseille,
élu cinéma préféré des Français en 2018, n’auraient manqué la projection de Deux, la première après plus de six mois de fermeture, pour rien au monde.

« Je viens régulièrement ici, donc venir à la première séance, c’est une façon de marquer le coup pour l’équipe de ce cinéma qui se donne du mal, confie Françoise, une habitante de l’Estaque, quartier voisin de l’Alhambra. Mais je suis aussi venue pour me faire plaisir ! Je suis très cinéphile, et franchement, moi, ça m’a plus manqué d’aller au cinéma qu’au bistrot ! »

« J’étais en manque »

Certains sont mêmes venus de loin, à l’image de Nathalie, habitante du Lubreron et grande fan de l’Alhambra, qui a fait une heure de route pour s’enchaîner plusieurs séances dans son cinéma préféré. « Une réouverture comme ça, ça se fête, sourit-elle. Franchement, moi, j’en ai souffert. J’étais en manque de théâtre, en manque de ça. C’est comme si on m’avait coupé ma nourriture essentielle pour moi. Ça ne me procure pas la même chose d’aller au supermarché, vous voyez… Quand on voit comment ça se passait dans les transports en commun, on se dit que fermer un cinéma était un non-sens ! »

Et pour ces cinéphiles matinaux, qu’importe le film, pourvu qu’on ait l’ivresse des salles obscures, après six mois et demi de fermeture. « Même si ça avait été un dessin animé, je serai venue, s’amuse Kiki. C’est quand même autre chose que regarder un film chez soi, à la télévision ! » « Enfin le retour de la vie !, s’exclame Paule. Je n’ai pas regardé de film durant tout le confinement, car pour moi, les films, c’est au cinéma. Alors là, j’avoue, je pleurais jour et nuit ! » « On nous a privés de tout ce qui est collectif, regrette Sylviane. Le cinéma c’est aussi un rendez-vous social. On partage un moment ensemble, on entend les autres rire. C’est une émotion irremplaçable. Ça n’a rien à voir avec Netflix ou regarder un film dans son salon… Toujours avec les mêmes ! »

« Ça me fait bizarre »

En ce jour de réouverture, les équipes de l’Alhambra accueillent leurs premiers spectateurs avec un café et des croissants, dans une joyeuse ambiance. Une euphorie que Cécile, employée de ce cinéma, peine à réaliser. « Cette réouverture pour moi, c’est assez vertigineux, confie-t-elle. C’est comme si ça n’était pas réel, de l’ordre de la science-fiction. Ça me fait bizarre de voir des gens arriver, alors que c’est normal ! »

Soudain, William Benedetto, le maître des lieux, tape des mains pour annoncer le début imminent de Deux, film césarisé qui ouvrira le bal ce mercredi 19 mai. Les spectateurs prennent place, et on devine derrière les masques les sourires et la joie. « J’étais censé travailler moi ce matin, je ne suis pas censé être là ! », souffle un spectateur dont on taira logiquement le prénom.

« Ça va rester un mauvais souvenir très vite »

Comme le protocole sanitaire l’exige, deux fauteuils séparent chaque groupe de spectateurs, et la salle pour le moment qu’à 35 % de sa capacité totale, soient 90 places. Avant que la lumière s’éteigne, William Benedetto prend le micro. « Je suis ravi de vous accueillir après ces mois d’arrêt, confie-t-il. Ça va rester un mauvais souvenir très vite, et vous allez reprendre vos habitudes, si ce n’est pas déjà fait. J’imagine que vous avez retrouvé les parties de la salle où vous aimez bien vous mettre : plutôt en bas, en haut… Nous aussi, ça nous fait quelque chose. »

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Les projecteurs s’éteignent, pour laisser place aux traditionnelles bandes-annonces qui feront oublier, le temps de quelques heures, l’épidémie de coronavirus en cours en France. Comme avant. Ou presque comme avant : sur l’écran géant, les premières images projetées en ce jour de réouverture sont consacrées… au protocole sanitaire en vigueur dans le cinéma.

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