"Des chiffres et des lettres" : tout savoir sur l'émission culte !

Avec plus d’un demi-siècle au compteur, ce jeu à la grand-papa qui met les neurones à vif a su traverser les années en s’adaptant à l’air du temps.

C’est l’émission la plus vieille du paysage audiovisuel, derrière l’immarcescible Jour du Seigneur : cinquante-huit ans que résonnent les « consonne ! » et « voyelle ! » impérieux des candidats, et un demi-siècle que retentit celui du « compte est bon ! » Il y a, en effet, deux dates pour le jeu inventé par le prolifique Armand Jammot : 1965, celle du lancement du Mot le plus long, et 1972, celle de l’intégration des calculs dans ledit Mot le plus long pour former Des chiffres et des lettres.

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En 1965, c’est Christine Fabréga, une dame blonde à la mise en plis cartonnée qui officie. À ses côtés, Max Favalelli, le célèbre arbitre-cruciverbiste, à la connaissance quasi encyclopédique des dictionnaires. Diffusée d’abord tous les quinze jours, l’émission devint hebdomadaire dès 1968. Si le jeu, tel qu’il se pratique aujourd’hui, comporte des tirages de neuf lettres, Le Mot le plus long, lui, n’en avait que sept. Après l’âge d’or du début des années 80 (le programme passait à 19 heures et parfois en prime), le divertissement prend un coup de vieux avec l’arrivée du jeu plus glam de La Roue de la fortune sur TF1 puis glisse doucement peu avant 17 heures, au sortir de la torpeur de la sieste. En 2006, le jeu change d’horaire et de chaîne, migrant de France 2 vers France 3 avec une épreuve qui se corse et comporte dix lettres.

P comme Présentateur

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Entre 1972 et 1989, Patrice Laffont joue les Sphinx pendant les 45 secondes durant lesquelles les candidats se triturent les méninges. « Il m’est arrivé de suivre Roland-Garros sur une petite télé », avouera-t-il. Quelques erreurs de casting plus tard (Laurent Cabrol et Max Meynier qui ne surent pas trouver leur place), c’est Laurent Romejko, le blondinet météorologue, qui entre dans le sarcophage des Chiffres et des lettres en 1992. L’arrivée du présentateur – qui paraît dix ans de moins – dans le cœur des retraités qui ne juraient que par Julien Lepers s’accompagne d’une petite révolution : l’informatique. Les dictionnaires sont remplacés par un rutilant logiciel baptisé « Ariellette » (en hommage à sa manieuse), le tableau noir de Bertrand Renard supplanté par une autre machine, le « Renardeau », et Arlène Tempier, tireuse de chiffres, promue présentatrice des émissions religieuses le dimanche matin sur France 2.

Tandem, c’est idem

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Le jeu a acquis également ses lettres de noblesse avec les inséparables Arielle Boulin-Prat, qui explore le dictionnaire à la recherche des mots les plus farfelus des compétiteurs, et Bertrand Renard, agrégé de lettres, ancien brillant candidat chevelu qui calcule plus vite que son ombre, doté d’une stupéfiante mémoire des dates et d’un goût sûr pour les curiosités géographiques de la France.

Des chiffres et des lettres, c’est le royaume du Régé Color : les deux tiers de son public dépassent les 60 ans, en majorité des femmes. L’émission est suivie en moyenne par plus d’un million de téléspectateurs. Même si, du temps où il n’y avait que trois chaînes, on atteignait régulièrement une audience d’une dizaine de millions.

R comme Relooking

En 2001, Michèle Cotta, alors aux manettes de France 2, songe à jeter le jeu aux oubliettes de l’Ina (Institut national de l’audiovisuel). Puis se ravise et rappelle Laffont qu’elle bombarde producteur de l’émission, l’une des seules encore fabriquée en interne. Celui-ci lifte le générique, augmente les maigres gains des lauréats, reconfigure le plateau, et introduit une nouvelle épreuve, le duel, au cours de laquelle les candidats doivent deviner un mot le plus rapidement possible.

Depuis septembre dernier, l’émission est uniquement diffusée le week-end (samedi et dimanche à 17 h 10 sur France 3), avec le départ sur fond de polémiques des arbitres historiques Bertrand Renard et Arielle Boulin-Prat (lire encadré), remplacés par Stéphane Crosnier et Blandine Maire. À mi-parcours de la saison, le bilan reste mitigé. Le samedi, près de 600 000 téléspectateurs en moyenne (6,2 % de part de marché) sont encore fidèles à l’émission. En espérant que cet ultime changement, ne (con) sonne pas le glas de ce jeu culte…

Dominique PARRAVANO

Et aussi…

Les maux pour le dire !

On croyait Arielle Boulin-Prat et Bertrand Renard vissés à jamais à leur pupitre : elle aux lettres, lui, aux chiffres. C’est main dans la main qu’ils ont affronté une même infortune : avant l’été 2022, France Télévisions, leur employeur, depuis 1975 pour lui, 1986 pour elle, a relégué le jeu quotidien à la case du week-end, soit deux passages hebdomadaires au lieu de cinq. Les deux animateurs, payés 240 euros bruts par émission, n’entendent pas perdre 60 % de leurs revenus et sont toujours en conflit avec la direction.

Des clubs à gogo

Les clubs sont de vrais relais du programme hors écran, qui permettent « d’entretenir la flamme en dehors de la télévision, explique Laurent Romejko. Peu d’émissions ont une telle vie associative extra-télévisuelle. Des tournois sont organisés. Il y a environ 300 clubs dans toute la France. »

Cette année-là…

1ER JANVIER Mort du chanteur Maurice Chevalier.

28 JANVIER Lancement de la R5 (Renault 5). Dotée d’un moteur de 5 chevaux fiscaux, elle transportera des millions de familles françaises.

8 MARS Entrée en vigueur du décret sur la contraception.

20 MARS Premiers essais du TGV001, un turbotrain expérimental.

16 JUIN L’effondrement du tunnel de Vierzy, près de Soisson, dans l’Aisne, fait 108 morts.

18 JUIN Le mémorial en hommage à Charles de Gaulle est inauguré à Colombey-les-Deux-Églises, en Haute-Marne, où il repose.

23 JUIN Naissance du futur champion du monde de football Zinedine Zidane.

30 JUIN Le premier McDonald de France s’ouvre à Créteil (Val-de-Marne).

14 AOÛT Mort de l’acteur Pierre Brasseur.

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