À chaque génération, son teen show

Dawson, les Frères Scott, Sex Education : si chaque génération a ses propres teen show, ce n’est sans doute pas un hasard et l’évolution de l’écriture, des intrigues abordées, reflète ces changements sociétaux.

À quelques exceptions près, chaque génération d’adolescents possède ses propres séries de référence. Qu’elles nous fassent rêver, réfléchir ou réagir, elles ont marqué nos jeunes années et restent encore maintenant associées à de nombreux souvenirs. Pour autant, en traversant les décennies, ce type de fictions a connu de nombreux bouleversements pour atteindre un réalisme désormais bienvenu.

Génération X (1980-90) : Des teen shows très éloignés de la réalité

– Sauvés par le gong (1989 – 1992)

Sauvé par le Gong a été diffusé en France à partir de 1991 sur Antenne 2 (!) créant une véritable folie chez les adolescents de l’époque qui découvrait alors une sitcom certes édulcorée, mais qui les faisait rêver à chaque épisode. Ici point de sujets fâcheux abordés, les aventures de Zack, Kelly, Jessie, Slater, Lisa et Screech au lycée de Bayside finissent toujours bien et on est ébahis face à l’esthétique des quatre acteurs principaux.

Beverly Hills (1990 – 2000)

Beverly Hills 90210 ou l’une des premières séries dramatiques destinées aux adolescents. Oui, les protagonistes habitent le quartier le plus huppé de Los Angeles mais la fiction produite par Aaron Spelling aborde des sujets tels que la drogue, l’alcoolisme ou les grossesses non désirées. À son apogée, l’arrivée des jumeaux Brendon et Branda Walsh, issus d’une famille moyenne, dans la vie des très riches Kelly Taylor, Dylan Mckay, David Silver, Steve Sander ou encore Donna Martin, est regardée par plus de 20 millions de téléspectateurs aux Etats-Unis. La série est même nommée dès sa première saison aux Golden Globes Awards.

Parker Lewis ne perd jamais (1990 -1993)

Parker Lewis ne perd jamais n’a jamais été reconnue pour son réalisme, mais c’est un parti-pris, voire un gimmick scénaristique. Le trait est grossi à des fins humoristiques : l’immense corpulence de Kubiac, les nombreuses vitres cassées par Musso, la principale du lycée, ou encore la fameuse synchronisation des montres qui n’oublie pas de parodier la série Mission Impossible. Démontant tous les codes télévisuels d’alors – notamment la beauté plastique des acteurs – Parker Lewis n’en est pas moins profondément ancré dans la culture de l’époque avec de nombreuses références à Madonna ou des clins d’œil à Beverly Hills 90210. Ses guest stars particulièrement atypiques pour une série ado – Ozzy Osbourne, Ziggy Marley ou Weird Al Yankovic – conféreront définitivement à la série le statut de fiction décalée. Certainement trop en avance sur son temps, le programme est fortement lissé lors de sa troisième saison et perd son essence. Elle sera annulée dans la foulée.

– Hartley, coeurs à vif (1994 – 1999)

Seule série australienne dans un paysage télévisuel profondément marqué par la culture américaine, Hartley cœurs à vif se distingue de ses pairs par la diversité de son cast et surtout le quartier dans lequel se déroule l’action. Ici point d’argent coulant à flots ou de belles voitures, mais une population middle class de Sydney vivant des problèmes d’adolescents. Les intrigues sont sulfureuses – Rose, l’une des héroïnes, entame une relation avec un professeur – dramatiques, Nick, le protagoniste mourra avant même la seconde saison du programme ou profondément réalistes : l’un des enseignants est gay et certains des parents éprouvent des difficultés psychologiques ou financières à élever leurs enfants.

– Dawson (1998 – 2003)

Dawson est un adolescent romantique et passionné par le cinéma. Il vit une adolescence dans la paisible petite ville de Capeside entouré de ses deux meilleurs amis : Pacey Witter et Joey Potter qui est secrètement amoureuse de lui. Lorsque Jen Lidley débarque de New York, leurs vies vont complètement être chamboulées. Plusieurs fois rappelée à l’ordre Outre-Atlantique par les associations de parents, la série diffusée aux Etats-Unis sur la WB, chaîne estampillée « adolescents », subit de nombreuses transformations pour sa traduction française, les dialogues étant jugés trop crus. Pour autant, la fiction créée par Kevin Williamson est saluée justement pour la justesse de ses répliques, ses nombreuses références culturelles et la qualité de sa bande-originale.

– Roswell (1999 – 2002)

Roswell ou comment prendre un événement surnaturel qui a passionné le monde – et continue de le passionner – et le transformer en une histoire d’amour entre un extra-terrestre et une humaine ? Si la relation entre Max Evans et Liz Parker est extraordinaire, elle est empreinte d’un romantisme qui fait rêver les jeunes filles fans de la série. En outre, le programme promeut des valeurs amicales faisant écho chez les adolescents de l’époque et bon nombre d’entre eux se reconnaissent en Max, Isobel et Michael lorsqu’ils sont obligés de cacher certaines choses à leurs parents. Après une première saison au firmament des audiences, les téléspectateurs désertent la seconde saison. Une campagne active des fans débouchera sur un renouvellement de dernière minute sur la chaîne UPN, qui commande une nouvelle salve d’épisodes, mais sans grand succès, la série est annulée au bout de trois saisons.

Entre la fin de Sauvés par le Gong en 1993 et le début de Dawson, seulement 5 ans se sont écoulés et, bien au-delà du format et du genre, se profilent déjà des différences importantes dans la manière de traiter les problèmes liés à l’adolescence. Une tendance qui va marquer les intrigues des séries des prochaines générations.

Génération Y (1990-2000) : Moins de sitcoms, plus de drames

Les Frères Scott (2003 – 2012)

La rivalité entre les frères Scott a passionné les adolescents puis les jeunes adultes pendant neuf saisons. Présentée comme une série sur deux demi-frères ennemis, Nathan et Lucas, qui vont apprendre à s’apprivoiser, la fiction va s’éloigner de ces prémices pour se concentrer sur des sujets plus universels mais, ô combien passionnants, les difficultés du couple, l’amitié, la famille… Clairement destiné à un public jeune – à la fin de la quatrième saison, les protagonistes ont seulement 18 ans – le programme a, petit à petit, déplacé sa cible en faisant des sauts dans le temps. Un pari réussi puisque Les Frères Scott est l’une des séries pour adolescents affichant le plus d’épisodes à son compteur.

Newport Beach (2003 – 2007)

Newport Beach ou le choc des origines ! Ryan Atwood est un adolescent qui a grandi dans le quartier très défavorisé de Chino en Californie au sein d’un foyer en crise. Lorsqu’il est recueilli par Sandy Cohen, l’avocat de l’aide judiciaire, il va découvrir le voisinage huppé de Newport Beach, ses codes et ses personnages fascinants. Souvent comparée aux Frères Scott, la fiction crée par Josh Schwartz, aux commandes également de Gossip Girl, a durablement impacté les adolescents des années 2000 avec ses couples phares, sa dynamique garçon-impopulaire-et-geek-qui-arrive-à-séduire-la-plus-belle-fille-du-lycée et la mort choquante de l’une des protagonistes.

Gossip Girl (2007 – 2012)

En matière de drogue, de sexe et de scandales, Gossip Girl n’a pas lésiné ! Dès l’affiche promotionnelle – avant même la diffusion de son premier épisode – les associations de parents s’en prennent à la fiction jugée bien trop inappropriée pour des adolescents. Pourtant, les aventures de Blair, Serena, Chuck et Nate, adolescents riches de l’Upper East Side new-yorkais, et de Dan et sa sœur Jenny, bien moins aisés que leurs camarades mais décidés à s’intégrer à cette élite passionnent, de la garde-robe des protagonistes à la bande-originale rythmant les épisodes. Un reboot de la série est actuellement en développement pour une diffusion en 2021 sur HBO Max.

Skins (2007 – 2013)

Les séries anglaises ne répondant pas aux mêmes exigences puritaines que leurs pendants américains, Skins ne peut être comparée aux programmes destinés aux adolescents Outre-Atlantique. Les problèmes sont traités sans détour – une position scénaristique qui sera d’ailleurs critiquée par certains journalistes – et touchent une bande d’adolescents aux caractéristiques multidimensionnelles raciales, physiques et psychologiques. Pour maintenir ce réalisme, le cast de la série a souvent été renouvelé – plutôt que de confier des rôles de jeunes adultes à des acteurs quasi-trentenaires – permettant également de faire évoluer les intrigues abordées.

The Vampire Diaries (2009 – 2017) – Teen Wolf (2011 – 2017)

The Vampire Diaries et Teen Wolf font partie de la vague surnaturelle qui a marqué les séries du début des années 2010. Penchant nettement du côté de l’allégorie plutôt que du réalisme, ces fictions enchantent particulièrement les adolescentes. La première se concentre sur la rencontre d’Elena Gilbert, orpheline de 17 ans, et d’un mystérieux nouvel élève, Stefan Salvatore, qui n’est autre qu’un vampire. La seconde, elle, est une adaptation libre du film de 1985 dans laquelle un adolescent populaire se fait attaquer par une bête et se transforme en loup-garou. Les deux fictions font les beaux jours de leurs chaînes respectives et propulsent les acteurs sur le devant de la scène.

Pretty Little Liars (2010 – 2017)

À mi-chemin entre la série mystérieuse et le teen show, Pretty Little Liars narre les aventures de quatre amies : Aria Montgomery, Emily Fields, Hanna Marin et Spencer Hastings dont les liens ont explosé suite à la mort d’Allison, la cinquième de la bande. Un an après le drame, chacune commence à recevoir des textos anonymes révélant leurs secrets les plus intimes. N’ayant d’autre choix que de se réunir pour découvrir l’identité du corbeau, les lycéennes vont user de nombreux subterfuges pour tenter de mener une existence normale tout en essayant d’affronter les problèmes liés à l’adolescence. Si Pretty Little Liars n’a jamais réellement été un succès d’audience, elle reste la première fiction à avoir dépassé le demi-million de commentaires sur Twitter pour un seul épisode, en 2012, bien avant la prégnance de Netflix.

Les adolescents appartenant aux premières années de la Génération Z ont connu un véritable âge d’or des teen-shows. Nombreux, parfois légers mais non moins empreints d’un réalisme bien plus présent que chez leurs prédécesseurs, ils se bousculent, parfois se marchent dessus mais parviennent tout de même à passionner. En outre, la disparition progressive des sitcoms ciblant les ados oblige les scénaristes à développer des intrigues plus solides capables de s’étendre sur la longueur.

Generation Z (2000-) : De la diversité et moins de tabous

Sex Education (2019 – )

Dès ses premiers épisodes, Sex Education a été saluée par la critique, notamment pour sa manière très réaliste de dépeindre le sexe chez les adolescents. Les prémices de la fiction sont pourtant simples : Otis, fils sensible et intelligent d’une sexologue très décontractée s’associe à Maeve, une lycéenne au look gothique, sexuellement active afin de donner des conseils à leurs camarades. Les deux protagonistes sont entourés d’Eric, meilleur ami gay et afro-américain d’Otis, d’Aimee, BFF évaporée et sans filtre de Maeve, d’Adam qui rejette son homosexualité, ou encore de Lily et Ola, deux adolescentes découvrant leurs premiers émois lesbiens. Une diversité encore rare pour une fiction destinée aux lycéens mais, qui pourtant laisse entrevoir le futur des séries pour ados.

Riverdale (2017 – )

Adaptée du populaire Archie Comics, la série Riverdale était précédée de fortes attentes qui auraient pu la paralyser. Le résultat est pourtant réussi et la fiction distribuée par Netflix dans les pays francophones est un succès faisant des personnages d’Archie donc, de Jughead, Veronica et Betty des visages familiers du petit écran. Portée par une bande originale ultra-travaillée, Riverdale souffre pourtant de son côté over the top qui en fait une fiction que l’on suit moins pour l’intérêt des intrigues que pour le “plaisir coupable” qu’elle procure !

– 13 Reasons Why (2017 – 2020)

La première saison de 13 Reasons Why a fait l’effet d’une bombe ! Si le suicide est un phénomène tristement fréquent chez les adolescents, il n’a jamais été abordé de manière aussi réaliste que lors des épisodes de la première saison du programme de Netflix ! Lorsque Hannah Baker se donne la mort, Clay Jensen est dévasté. Amoureux de sa camarade, mais trop timide pour lui avouer ses sentiments, le jeune homme va tenter de comprendre son geste en écoutant les cassettes laissées par la jeune femme. Un pitch engageant qui a tenu ses promesses durant la première saison puis s’est fortement essoufflé dans les épisodes suivants. L’acuité avec laquelle est dépeint le mal-être des adolescents est salué par la presse, la série est l’un des plus gros succès de la plateforme de streaming.

Elite (2018 – )

Surfant sur le succès surprise de La Casa de Papel, la série espagnole Elite a rapidement séduit le jeune public de Netflix. Samuel, Nadia et Christian sont trois étudiants issus de la classe ouvrière propulsés dans le lycée très huppé de Las Encinas. Difficilement acceptés par leurs camarades, ils vont être pointés du doigt lorsque Marina, l’une des élèves va être retrouvée morte. Un teen show enrobé d’une bonne dose de thriller dont le rythme rapide et maîtrisé va particulièrement séduire.

Euphoria (2019 – )

Sans doute la série actuelle pour adolescent.es avec le moins de tabous (peut être un peu trop ?), Euphoria choque autant qu’elle ne séduit. Certains mettent en avant ses nombreuses scènes de nudité, de drogue et de violence quand d’autres saluent sa capacité justement à banaliser le sexe. Portée par une Zendaya particulièrement inspirée – son rôle de Rue Bennet lui a d’ailleurs valu une nomination aux Emmy Awards 2020 – le programme de HBO met en scène des lycéens de la génération Z rencontrant des problèmes réels de lycéens de la génération Z entre omniprésence des réseaux sociaux et névroses profondes.

Avides de se retrouver dans des séries qui leur ressemblent, les adolescents de la génération Z précoces et plus aptes à verbaliser leurs envies se tournent désormais vers des programmes décomplexés et libérés de tous interdits narratifs.

Le teen show intergénérationnel

Buffy contre les vampires (1997 – 2003)

Peu de séries arrivent à traverser les générations comme Buffy contre les vampires. Le programme destiné à l’origine pour les adolescents est devenu, au fur et à mesure, un véritable porte-drapeau du féminisme regardé autant par les adultes que par les plus jeunes, et d’aucuns prennent sa narration comme un modèle d’écriture télévisuelle. Les problèmes évoqués à l’époque, sous des dehors de phénomènes surnaturels, restent étrangement très actuels et si l’on fait l’impasse sur la qualité des effets spéciaux, force est de reconnaître que la fiction imaginée par Joss Whedon demeure l’une des mieux écrites de l’histoire de la télévision.

Mention spéciale

Hélène et les garçons (1992 – 1994)

Hélène et les garçons a été la première grande sitcom française destinée aux adolescents. Si les personnages sont pourtant à l’orée de l’âge adulte – la série suit Hélène et ses amis alors qu’ils entament des études supérieures – le côté lisse de la narration et l’absence de drames la désignent clairement comme un programme jeunesse. Malgré les critiques assassines, le succès est fulgurant – plus de 52 % de parts de marché quotidiennes – et pousse AB Productions à décliner une kyrielle de sitcoms reprenant les mêmes codes édulcorés.

La transformation narrative des teen show s’est calquée  – sans grande surprise – sur l’évolution émotionnelle des adolescents. À mesure que ceux-ci gagnaient en précocité, en réflexion et en prise de parole, ils ont impacté la justesse des intrigues qui leur étaient destinées. Terminées les séries mettant en scène des héros trop beaux et sans problèmes, les nouvelles fictions montrent désormais des protagonistes imparfaits et complexés, auxquels les jeunes générations peuvent s’identifier.

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