"16 ans" : Philippe Lioret réinvente "Roméo et Juliette" dans une version sociale
Philippe Lioret actualise le conflit entre Montaigu et Capulet dans 16 ans sorti mercredi 4 janvier. Une modernisation convaincante, qui repose sur un scénario prenant, une mise en scène réaliste et une interprétation émouvante. La vision innovante d’un classique par un cinéaste en constante réinvention.
Romance contrariée
Léo entre en Seconde dans un nouveau lycée, déterminé à quitter la boîte à Bac privée où l’avait inscrit son père. Il y rencontre Nora dont il tombe amoureux et réciproquement. Mais le frère de l’adolescente, manutentionnaire dans l’hypermarché local dont le père de Néo est le directeur, est renvoyé. Entre ce frère qui refuse de voir sa sœur fréquenter le fils du responsable de son licenciement, et un père immigré qui s’oppose à cette liaison, l’amour de Léo et Nora devient impossible.
La dernière version de Roméo et Juliette remonte à celle de Baz Luhrmann (Roméo + Juliette, 1997). Si elle était déjà contemporaine (avec Leonardo DiCaprio), elle flirtait avec le thriller, alors que 16 ans revient à la romance contrariée des origines. Avec de jeunes acteurs, Sabrina Levoye et Teïlo Azaïs qui ont l’âge des rôles, et le regard bienveillant de Philippe Lioret (Je vais bien, ne t’en fais pas), 16 ans raconte une histoire de toujours comme pour la première fois.
Antagonisme indéfectible
La famille, le couple et le social nourrissent les films de Philippe Lioret : Paris Brest, Le Fils de Jean, Toutes nos envies, Welcome. Les trois thèmes se retrouvent dans 16 ans, où deux jeunes amoureux voient leurs origines familiales et sociales contrarier leur amour naissant. La guerre entre les deux familles ne repose que sur un malentendu, mais c’est une brèche dans laquelle s’engouffrent les deux parties pour régler leur contentieux social.
Il s’incarne dans ce conflit entre la famille modeste de Nora vivant dans une cité, et celle, résidentielle et bourgeoise, de Léo. Le film ne tourne toutefois pas au manichéisme. Philippe Lioret valorise plutôt les conséquences d’un antagonisme indéfectible que subissent deux adolescents, comme dans la tragédie de Shakespeare. Romanesque, psychologue et artisan méticuleux, Philippe Lioret convainc une fois de plus avec une histoire simple, mais traitée de main de maître, avec émotion.