Victoires de la musique : Tiakola, Jacques, Lujipeka et Pierre de Maere, qui sont les révélations masculines 2023 ?

Ils ne viennent pas de naître, pour la plupart, et leur nom bruisse dans le milieu musical depuis plusieurs années déjà. Mais la crise sanitaire n’a pas facilité leur ascension. Raison de plus pour découvrir, si vous ne les connaissez pas encore, Jacques, Lujipeka, Tiakola et Pierre de Maere, en lice en tant que révélations aux 38e Victoires de la musique. Tous ont prévu de jouer durant la cérémonie qui se déroule vendredi 10 février 2023 à La Seine Musicale (Boulogne-Billancourt), à suivre en direct sur France 2 à partir de 21h10.

Jacques

Inclassable, insoumis, anticonformiste : ce sont les adjectifs qui résument le mieux Jacques. Depuis ses débuts il y a sept ans avec le EP Tout est magnifique, cet artiste de musique électronique cultive farouchement ses différences. « Fasciné par la transe la plus pointue » et par le dancefloor, sa singularité s’est d’abord affirmée dans une recherche expérimentale à la fois ludique et dansante, basée sur les sons de son environnement mis en boucle. Son image de savant fou, qu’il entretient avec une tonsure capillaire hors norme qui a aidé très tôt à identifier son personnage, il la développe aussi sur scène, où il est capable comme peu de ses pairs d’improviser avec des objets du quotidien et de composer en direct avec le public, et avec une certaine magie. L’an passé, après deux ans de mutisme mis à profit pour se ressourcer au Maroc, Jacques a sorti enfin son premier album LIMPORTANCEDUVIDE, qui développe une nouvelle facette, plus accessible, celle d’une pop-synthétique fraîche et inventive chantée en français. Quant aux textes et aux clips, ils reflètent les digressions lunaires et vertigineuses que génère en permanence son cerveau en surchauffe. « On valorise la croissance, la richesse, la créativité, le phallus etc. Alors que l’absence, le manque et le rien sont toujours perçus négativement. Il faut au contraire se souvenir de l’importance du vide », disait-il à Tsugi Magazine au moment de la sortie de son album. Qu’il remporte ou pas la Victoire Révélation cette année n’y changera rien : on a décerné à Jacques depuis longtemps la médaille de l’originalité.

Lujipeka

Avec le collectif de rap rennais Columbine, dont il était une des deux voix principales, Lujipeka a sorti trois albums entre 2016 et 2018 (Clubbing For Columbine, Enfants Terribles et Adieu Bientôt). Une triplette qui a fait souffler un vent de renouveau sur le rap d’ici, et conquis rapidement une génération entière. Avec eux, Lujipeka a connu les salles combles dans toute la France et la fièvre des foules de très jeunes fans, à majorité féminine. En 2019, le rappeur aux cheveux longs prenait le large en solo tout en continuant à creuser le même sillon des tourments et du désenchantement adolescents, une pointe de préoccupations de jeune adulte en supplément. Son premier album, Montagnes russes, paru en novembre 2021, l’a imposé à la fois comme chanteur (il module davantage et s’y affranchit un peu de l’autotune) et comme un auteur capable d’aborder tous les sujets, y compris les plus graves comme les violences conjugales et la santé mentale, sans jamais se départir d’un ton désabusé et d’un romantisme juvénile qui font mouche auprès de sa génération. « Elle a du venin sur les dents mais pas d’sang sur les mains / On n’est pas si différents quand elle prend ses médicaments / Personne ne sait qu’elle est malade, on n’en parle pas, on se balade / Moi aussi, on m’a proposé d’me reposer à l’hôpital », rime-t-il sur le rythme reggae de Poupée Russe. Après s’être vu confier la résidence création de cinq jours aux Trans Musicales en 2021, Lujipeka, 27 ans, remplira seul pour la première fois le Zénith de Paris le 31 mars.

Tiakola

Il voulait être footballeur, il est devenu rappeur. Mais Tiakola a mis la même énergie et la même rigueur dans sa musique et ses rimes que celle d’un athlète visant la médaille d’or. Résultat : son premier album Melo, paru fin mai 2022, s’est hissé directement numéro un des ventes en France. Un succès qui couronne un parcours entamé au sein du collectif 4Keuss, un groupe de potes de la Courneuve où il a grandi, qu’il avait rejoint une fois ses rêves de Coupe du monde enterrés. Avec eux, il a sorti deux albums, A cœur ouvert (2018) et Vie d’artiste (2020) avant de s’imposer en solo, d’abord grâce à une nuée de featurings avec des rappeurs en vue comme Gazo, Dinos ou Niska, puis sur son album Melo, comme « mélodieux« . De fait, les mélodies doucement obsédantes constituent le point fort de ses chansons, idéales pour onduler lascivement sur la piste de danse, qu’elles proviennent du mariage intime entre beats de rap moderne, R’n’B et musiques d’Afrique de l’Ouest (Tiakola, William Mundala de son vrai nom, est d’origine congolaise), ou de son phrasé autotuné, particulièrement chaloupé et chantant lui aussi. Dans ses textes, il alterne espoir et peur du lendemain, allusions fumeuses au deal, sérénades sentimentales et paroles de sagesse. « Sexe, drogue, tous ces diamants s’exportent« , chante-t-il, « Tout ça est éphémère, on n’emporte rien avec soi » six pieds sous terre. Rien n’empêche cependant de ramener un trophée musical à la maison de son vivant (avant de s’offrir l’Olympia le 12 mars).

Pierre de Maere

Son premier album Regarde moi vient tout juste de sortir (le 27 janvier) et déjà tous les regards sont effectivement braqués sur lui. Mieux, ils voient double : le Belge Pierre de Maere, 21 ans, concourt en effet dans deux catégories aux Victoires vendredi, celle de la Révélation mais aussi celle de la Chanson de l’année, où il est opposé aux pointures Juliette Armanet (La Flamme), Clara Luciani (Cœur), Stromae (L’Enfer) et OrelSan (La Quête). Cette chanson qui fait trembler les stars, c’est Un jour je marierai un ange, 40 millions d’écoutes sur Spotify et un triomphe sur le réseau social chinois Tik Tok, nouvel arbitre des tendances musicales. Avec son univers soigné, ce jeune artiste marche sur les traces de Stromae, son compatriote et héros absolu. Comme lui, Pierre de Maere a réuni ses trois passions dans son projet : la musique, la photo et la mode. Comme lui aussi, il entend garder farouchement le contrôle sur sa création et travaille en famille, en l’occurence avec son grand frère Xavier, 24 ans, ingénieur du son. Rien n’a été laissé au hasard pour partir à la conquête des foules populaires qu’il dit viser : diversité des climats de pop synthétique, rêveurs ou dansants, signature vocale privilégiant les envolées aigües et les « r » roulés à la belge, clips léchés et personnage au look très étudié. Sous son assurance qui peut passer pour de l’arrogance, on trouve aussi une bonne dose d’auto-dérision, qui va de pair avec une honnêteté cash. Qui d’autre revendique sans rougir « faire du cucul » ? Qui avoue aussi candidement « être un petit peu superficiel » ? Sa lucidité mérite en tout cas d’être saluée. 


Source: Lire L’Article Complet