Six très beaux livres sur la musique à offrir pour les fêtes

En panne d’inspiration pour vos cadeaux de fin d’année ? Un beau livre est toujours bienvenu. En studio avec Bashung, embarqués avec Alain Dister dans la folle Amérique des sixties, lancés à la poursuite du mystère Thélonious Monk, ou bien encore vibrant avec Led Zeppelin, le Nigérian Fela Kuti ou Jimi Hendrix, voici quelques idées pour fondus de musique.

« Alain Dister en Amérique, 50 ans de photographie »

Gros coup de cœur pour cet ouvrage magnifique du grand rock critic, écrivain et photographe Alain Dister. Aimanté depuis toujours par l’Amérique, il partage avec nous sa vision des Etats-Unis qu’il a arpentés de long en large durant 50 ans. Parti à l’aventure en 1966, avec son Canon FP en bandoulière, direction New York, il va rapidement mettre le cap sur Los Angeles puis « le San Francisco de la défonce et du sourire« , berceau de la contre-culture où déferle alors la vague hippie. Là il se met « au diapason d’un monde en mouvement » et s’y intègre grâce à « la main tendue de la photographie« . Il prend en photo les artistes débutants Sonny and Cher, Beach Boys, Janis Joplin et Frank Zappa, mais aussi la rue et son ébullition, les graffitis, les parcs, la jeunesse égarée de Haight-Ashbury, les motards à la Easy Rider, les manifs anti-guerre du Vietnam, et plus globalement toute une bohème en révolte. Toujours fauché, il vit dans des communautés généreuses où l’on partage tout, du lit à la nourriture, et de la dope au sexe. A New York, il loge dans des hôtels miteux et côtoie aussi la marge et… Jimi Hendrix avec lequel il se lie. Peu après, il fait la jonction entre hippies et punks, avec Patti Smith, les Ramones et les New York Dolls. Entre textes habités et photos à hauteur d’homme, il restitue l’esprit d’une époque, ressurgie intacte de ses archives pour ce livre. « Je n’avais pas le sentiment de faire un travail de reporter. Plutôt d’écrire, en images, un carnet de route, avec ses amitiés, ses lieux de vie transitoires, le quotidien de la rue, les souvenirs de concerts« , écrit-il. En « témoin concerné« , Dister porte un regard unique et lucide (parfois désenchanté au fil du temps) sur les personnes, les villes et les paysages, où la vie palpite à chaque page. (LN)

Alain Dister en Amérique, 40 ans de photographie (Albin Michel, 320 p, 39 € )

 

« En studio avec Bashung », de Christophe Conte

Portrait d’un artiste, de sa façon de travailler et de son cheminement musical et esthétique, ce livre ne montre pas uniquement Bashung en studio, contrairement à ce que pourrait laisser penser le titre. Dans cette enquête fouillée éclairée de nombreux témoignages de collaborateurs et d’extraits d’interviews de Bashung lui-même, le journaliste Christophe Conte, longtemps pilier des Inrockuptibles, qui fut foudroyé tout jeune par Pizza, suit le chanteur au travail durant quarante ans. De Roman Photo (1977) à Bleu Pétrole (2009), il raconte la genèse de chaque album et son contexte, l’avancement parfois tortueux et l’enregistrement, jusqu’à la sortie. Bashung n’était pas plus parolier que compositeur. Pourtant, « il savait précisément ce qu’il voulait » et les « pièges littéraires et sonores » qu’étaient ses chansons lui ressemblaient profondément. Son processus de création était unique: en chercheur inspiré, il contrôlait le vaisseau sans en avoir l’air, tâtonnant et doutant souvent, prenant son temps. « Il laissait aux autres l’entière initiative de conduire sa musique dans des espaces inconnus, des dimensions inattendues, quitte à rétablir le gouvernail dans la dernière ligne droite pour atteindre le point fixé« , écrit l’auteur. Un ouvrage exhaustif fourmillant d’anecdotes, de photos et de documents, qui aborde Bashung dans toute sa complexité, en plus d’être un régal littéraire. (LN)

En studio avec Bashung de Christophe Conte (Seghers, 213 p, 29€ )

« Mystère Monk », sous la direction de Franck Médioni

Disparu il y a 40 ans, le pianiste et compositeur américain Thélonious Monk (1917-1982), géant du jazz, nous a laissé de grands classiques comme Round Midnight, Blue Monk ou In Walked Bud. Insaisissable, fantasque, énigmatique, ce génie qui ébranlait harmonies et certitudes n’a jamais cessé de fasciner et d’intriguer les mélomanes. Pour explorer le « mystère Monk« , le journaliste et écrivain Franck Medioni a réuni plus de 120 textes (tantôt courts, tantôt longs), articles, souvenirs réels, récits fictifs, poèmes, signés par d’innombrables musiciens (Gillespie, Rollins, Solal, Corea, Lubat, Frisell, Fred Hersch, Amy Winehouse…), personnalités des lettres (Kerouac, Cortázar, Echenoz, Sollers…), du cinéma (Tavernier, Eastwood…), entre autres. L’iconographie, somptueuse, réunit clichés et œuvres de photographes (Fleiss, Leloir, Kasparian, Le Querrec…), dessinateurs (Cabu, Willem, Muñoz, Prudhomme…), peintres (Miquel Barceló, Brandon Celi, Atsoupé…)… Une somme impressionnante qui s’harmonise dans un habillage élégant entre noir et blanc et brun doré. (AY) 

Mystère Monk (Seghers, 368 p, 42 €)

« Fela Rébellion Afrobeat »

Catalogue de la belle exposition que la Philharmonie de Paris consacre à l’inventeur de l’afrobeat Fela Anikulapo Kuti jusqu’en juin 2023, cet ouvrage soigné raconte le parcours mouvementé de cette grande figure de la musique. Un parcours tout aussi politique que musical de ce leader populaire nigérian engagé et panafricaniste surnommé le black president. Pour inventer l’afrobeat, Fela puise aussi bien dans le highlife d’Afrique de l’ouest et les rythmes yoruba, que le jazz et la soul. Sa musique, que ce multi-instrumentiste joue entouré d’un groupe de dizaines de musiciens, choristes et danseuses, anime les nuits fiévreuses de son propre club de Lagos, le Shrine. Mais parce que ses chansons (et sa vie) critiquent férocement les travers néo-coloniaux de la société africaine et se moquent de la corruption du pouvoir nigérian, cette forte tête est persécuté, battu et jeté en prison maintes fois par la junte militaire au pouvoir dans les années 70. Ce beau livre réunit, comme l’exposition à la Philharmonie, des dizaines de documents rares prêtés par la famille de Fela ainsi que de très nombreuses photos. En particulier celles du Français Jean-Jacques Mandel, qui immortalisa le musicien dans l’intimité de sa maison rebaptisée la République de Kalakuta, en famille et souvent en slip, jouant du saxophone. Les remarquables textes et analyses qui irriguent ce livre, signés de spécialistes et de compagnons de route du musicien, constituent un véritable plus : ceux-là ne sont pas à l’exposition. (LN)

Fela Rebellion Afrobeat (Textuel et Philharmonie de Paris, 208 p, 49 euros)

« Led Zeppelin par Led Zeppelin »

En 2018, Led Zeppelin se fendait d’un beau livre en anglais pour fêter ses 50 ans, le « seul livre illustré officiel » du groupe de rock britannique, que Glénat a l’heureuse idée d’éditer cette année en français (et avec une couverture orange au lieu du noir originel). Il s’agit essentiellement d’un livre de photos signées de pointures internationales (dont les Français Gassian, Tarlé et Leloir), qui raconte en images et de façon chronologique la folle épopée de Jimmy Page, Robert Plant, John Paul Jones et John Bonham, de 1968 à leur dissolution en 1980 après la mort de leur formidable batteur. Souvent saisis sur scène en pleine action, penchés sur leurs instruments ou leur micro, dans un déploiement d’énergie quasi palpable, mais aussi hors scène, dans les rues et les aéroports (y compris devant leur avion personnel), les quatre fantastiques sillonnent le monde de l’Inde à l’Australie, et jouent devant des foules de plus en plus nombreuses. Jusqu’au dernier concert exceptionnel, le Celebration Day du 10 décembre 2007 au 02 de Londres, avec Jason Bonham (le fils de John), où les trois survivants ont autant d’allure et de style que leur musique, inusable. Dix-huit pages de souvenirs et commentaires, tout aussi passionnants, concluent le livre. (LN)

Led Zeppelin by Led Zeppelin (Glénat, 400 p, 49,95 €)

« Kiss  The Sky – Jimi Hendrix 1942-1970 » BD de Mezzo et Dupont

S’il n’était pas mort prématurément en 1970 à l’âge de 27 ans, Jimi Hendrix aurait eu 80 ans cette année. L’occasion de sortir une très belle BD consacrée aux jeunes années du guitariste gaucher, un second tome étant prévu ultérieurement sur son ascension fulgurante dès le moment où l’Américain pose un pied en Angleterre en 1966, à l’âge de 24 ans. Sur un scénario de Jean-Michel Dupont, le dessinateur Mezzo se concentre donc ici sur l’enfance misérable du futur prodige de la six cordes, balloté entre une jeune mère alcoolique et un père parti au combat, puis aux années d’apprentissage de la vie d’artiste dès 16 ans, tumultueuses elles aussi, dans tout un tas de groupes, auprès de figures telles les Isley Brothers et Little Richard. Avec le besoin de jouer et des rêves de gloire chevillés au corps. Le duo Mezzo et Dupont, qui a déjà signé une BD remarqué sur le mythique bluesman Robert Johnson, entre dans les détails de ce parcours romanesque et multiplie les anecdotes éclairantes particulièrement bien documentées. Au plan graphique, le dessin expressif et puissant de Mezzo fait le choix d’un trait épais et noir, doublé d’un sens aigu du détail – on pourrait encadrer chaque planche. Au final, cet album est aussi sombre, dense et électrique que son sujet. Le tome 2 sera en couleurs, psychédélisme oblige. On l’attend de pied ferme. (LN)

Kiss The Sky de Mezzo et JM Dupont (Glénat, 88 p, 24,50 €)

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