Musique : avec 4,5 millions d'exemplaires vendus en 2020, le vinyle ne connaît pas la crise

Alors que le CD, en pleine disgrâce, a subi une chute de 27,1% en 2020, le vinyle a connu une progression de 10,2% avec 4,5 millions d’unités vendues selon le bilan du Snep (Syndicat national de l’édition phonographique). Une sacrée performance à l’heure de la musique dématérialisée reine et après une année marquée par la fermeture des points de vente lors des premiers confinements causés par la crise sanitaire.

Le disque à sillons n’est plus seulement culte, mais retrouve un pouvoir d’attraction. « C’est l’objet parfait par sa taille, son format, sa légèreté, sa longévité, j’ai des vinyles qui ont dix ans et qui sont encore tout frais« , s’emballe le célèbre critique-rock Philippe Manoeuvre, interrogé par l’AFP, pas surpris de ce retour en grâce, notable depuis six ans.

Le fétichisme de la pochette n’y est pas pour rien. « Combien d’après-midi ai-je passé à décrypter la pochette de Sticky Fingers (des Rolling Stones, ndlr) ? Ah tiens, c’est Ry Cooder qui fait la guitare sur Sister Morphine ! La pochette, c’est l’objet magique qui ouvre d’un seul coup les portes de l’univers des musiciens« , abonde-t-il encore.

Des collectionneurs plus jeunes

La dimension collector peut compter. « On fait beaucoup d’éditions limitées, numérotées à la main parfois, ça prend une vraie valeur: en réponse au tout-digital, il y a eu ce besoin de contre-culture« , note ainsi pour l’AFP Cyril Roux, éditeur chez Diggers Factory, start-up du vinyle.

Contrairement à une autre idée reçue, le vinyle n’est pas réservé aux vieux collectionneurs: 40% de son chiffre d’affaires est généré par les moins de 35 ans, établit le Snep. « Une grande partie des gens de plus de 50 ans qu’on avait convaincus dans le passé de racheter en CD leur vinyles ne referont pas le chemin arrière: on le voit dans nos boutiques, le vinyle, c’est une consommation de trentenaires et moins« , confirme auprès de l’AFP Julie David, à la tête du Gredin (Groupement des disquaires indépendants).

« Il y a une qualité de son différente du digital, un grain d’écoute particulier« , dépeint encore Cyril Roux. Mais pas de querelles de chapelles: un tiers des abonnés payants au streaming achètent « régulièrement » des vinyles, souligne le Snep dans son rapport.

Diggers Factory, au large éventail d’activités – distribution, réédition, créations originales, etc. – peut témoigner de la renaissance du vinyle. Fondée en 2015, la structure est passée « de deux personnes à une vingtaine, on va devoir changer de locaux (rires) », déroule pour l’AFP un de ses co-fondateurs Alexis Castiel.

Les disquaires classés « commerces essentiels »

Qui dit bonne santé dit concurrence. « En ce moment, c’est un peu la guerre pour avoir de bons fournisseurs, on ne révèle pas les noms des presseurs avec qui on travaille« , confie Cyril Roux. Le marché n’est pas seulement national. Un maxi 45 tours de Serge Gainsboug (disparu il y a 30 ans), fruit d’une collaboration avec l’Ina (l’Institut national de l’audiovisuel), a été « vendu aux USA, au Japon« , décrit Cyril Roux.

Un horizon sans nuage ? Non. « Le prix du vinyle augmente pas mal, trop à notre goût« , glisse Julie David. « Ces derniers temps; avec une TVA à 20 %, contrairement au livre où elle est à 5,5 %, ça fait cher dans le budget quand on a 20 ans« , regrette-t-elle. Mais la bonne nouvelle est que les disquaires, mot qui a fait son apparition ces derniers mois dans les bouches de Jean Castex ou Emmanuel Macron, ont été classés commerces « essentiels« , comme les libraires.

Belle victoire pour un maillage de 250 disquaires indépendants contre environ 3 000 libraires. « On a réussi à montrer qu’on était présents, actifs, on avait interpellé Franck Riester (précédent ministre de la Culture) mais Roselyne Bachelot est, disons, plus sensible à ces métiers culturels, disquaires ou libraires« , décrypte Julie David.

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