"Des larmes de bonheur" attendues pour la réouverture au public lundi soir de la Scala de Milan

Après six mois de silence dus au coronavirus, des airs d’opéra résonneront à nouveau à la Scala de Milan, mythique scène italienne, qui rouvre ses portes au public lundi soir 10 mai, pour un concert dirigé par son directeur musical Riccardo Chailly.

L’Orchestre philharmonique de Vienne, sous la baguette de Riccardo Muti, prendra le flambeau mardi, 75 ans jour pour jour après le concert historique d’Arturo Toscanini célébrant la réouverture de la Scala en 1946, reconstruite après les bombardements pendant la guerre en 1943.

« C’est une double renaissance : Toscanini a ouvert la Scala après la guerre et nous, on cherche à la faire revivre après la pandémie, il y a la même volonté de survie », s’enthousiasme Stefano Cardo, clarinettiste basse de l’orchestre de la Scala depuis 2007, avant de se rendre à sa répétition.

L’Italie, qui a payé un lourd tribut à la pandémie avec plus de 122.000 morts, a rouvert ses cinémas et salles de spectacle depuis le 26 avril. La Scala n’a pas été épargnée par le virus, avec au total 144 cas de Covid recensés, dont 64 au sein du choeur.

« L’applaudissement final qui nous a manqué »

Des techniciens s’affairent sous les dorures de la prestigieuse salle de l’auditorium dominée par des loges drapées de velours rouge et connue pour son acoustique exceptionnelle, afin de poser les derniers câbles.

Stefano Cardo confie être « un peu nerveux » avant le concert symphonique qui débutera par le majestueux Patria oppressa (« Patrie opprimée ») dans Macbeth de Giuseppe Verdi interprété par le Choeur de la Scala. « Nous avons enregistré plein de concerts en streaming, mais c’était du virtuel, là c’est différent, avec le public c’est un moment intense d’émotion qu’on partage, comme l’applaudissement final qui nous a manqué ».

Afin de respecter les normes de distanciation entre les musiciens, le parterre a été recouvert d’un plancher où a pris place l’orchestre, le public est cantonné aux balcons, l’entracte supprimé et les bars fermés: fini les habituels tintements des flûtes à champagne et petits fours.

Au programme des festivités : gel hydroalcoolique, prise de température, masques protecteurs, avec une jauge limitée à 500 spectateurs par représentation pour 2.000 places assises.

Malgré ces restrictions, les sensations seront fortes : « nous avons tous écouté des concerts enregistrés depuis notre fauteuil, mais ça n’a rien à voir avec l’émotion de la musique en direct, la qualité et la beauté du son naturel », confesse Dominique Meyer, directeur de la Scala depuis la mi-2020, qui avait dirigé auparavant pendant dix ans l’Opéra de Vienne.

« Je suis sûr qu’avec le retour des spectateurs à la Scala, il y aura des larmes de bonheur » 

directeur de la Scala

 

Le concert du maestro italien Riccardo Chailly, chargé de symboles, se termine par le célèbre choeur des esclaves de Nabucco de Verdi avec son Va’pensiero, ode à la liberté mêlant beauté et tristesse déjà entonnée lors du concert de Toscanini en 1946.

Très attendue, la jeune soprano norvégienne Lise Davidsen fait ses débuts à la Scala, en interprétant des airs de Tannhäuser de Wagner, d’Ariane à Naxos de Richard Strauss ou encore de la Dame de pique de Tchaïkovski.

Symbole

« La Scala a toujours été un symbole pour les Milanais et pour l’Italie, c’est la deuxième marque italienne en termes de notoriété, derrière Ferrari », relève Dominique Meyer, économiste de formation.

Et « c’est paradoxalement la Scala qui donne le signal du redémarrage de tout un pays, alors qu’au début de la crise sanitaire on entendait que la culture n’était pas une activité essentielle », contraignant les théâtres à de longues fermetures.

Après avoir enchaîné des représentations virtuelles loin de leur public, les musiciens et chanteurs de la Scala se montrent impatients de retrouver la scène. « C’était triste de rester fermés si longtemps. Il manquait la passion, préparer un concert fait partie de la vie d’un musicien, de son identité », soupire Damiano Cottalasso, un violoniste de 54 ans.

Au sein de l’orchestre qui a pris sa place au parterre, « nous sommes au centre de la salle, protagonistes d’une renaissance du théâtre et de la musique en général … quand on joue pour soi-même, on est comme des plantes qui se dessèchent ».

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