De Cut Killer à Fifou et Fred Musa, cinq livres pour amateurs de hip-hop à glisser sous le sapin

Il y en a pour tous les âges et tous les goûts cette année, dans la sélection hip-hop de fin d’année : deux beaux livres de photos grand format lourds à tout point de vue, les autobiographies du légendaire DJ Cut Killer et de l’animateur phare de Skyrock Fred Musa, et même une encyclopédie du rap pour les plus jeunes. L’un d’eux fera-t-il le bonheur d’un de vos proches pour les fêtes ?

« Fifou Archives » du photographe Fifou

Il est LE photographe du rap français. PNL, Kery James, SCH, Dinos, Youssoupha, Soprano, Hatik ? Inutile de les nommer, la liste est interminable : tous les rappeurs d’ici (et quelques Américains) sont passés devant l’objectif de Fifou ces vingt dernières années. Tombé dans le rap à l’adolescence, Fabrice Fournier de son vrai nom a commencé par dessiner ses héros. Puis, élève de l’école d’art Olivier de Serre, le jeune illustrateur et graphiste réalise des flyers, des logos et des pochettes de mixtapes pour des rappeurs débutants. Lorsque la photo arrive presque par accident dans sa vie, lors d’une séance de shooting de pochette pour Kool Shen, Fifou, qui est passé entre temps par la presse, a déjà toutes les cartes en mains pour devenir un photographe et un directeur artistique majeur. Comme il nous l’a raconté l’été dernier, il va se jeter à corps perdu dans le boulot et affermir son style au fil du temps tout en s’adaptant à l’univers des artistes, de l’ange noir de la pochette Noir Désir de Youssoupha à celles toutes récentes de Gazo. Un style qui repose à la fois sur la mise en scène et la poésie urbaine dont on admire l’évolution au fil des pages de ce beau livre, l’esthétique trash et les poses gangsta laissant la place au fur et à mesure à une élégance imagée qui fait mouche, les fameuses « punchlines visuelles » qui font sa renommée. 

Fifou Archives
de Fifou et Bastien Stisi (Clique éditions, 580 p, 59 €)

« Ice Cold, l’histoire des bijoux hip-hop  » de Vikki Tobak

Dans cet autre ouvrage format XL aux photos magnifiques, Vikki Tobak retrace dans le détail l’histoire des bijoux des stars du rap, ces objets clinquants incrustés de pierres précieuses, tout en analysant leur symbolisme et leur pouvoir. Ces parures de plus en plus coûteuses et démesurées ont fait leur apparition dans les années 80, autour du cou des premières icônes du rap comme Slick Rick, LL Cool J, Roxanne Shanté, Run-DMC ou Eric B. & Rakim. Depuis, la surenchère de ces sautoirs bling en terme d’extravagance n’a plus cessé. Ce fut le fameux pic à glace en diamant qui empêcha Method Man d’embarquer à bord d’un avion, ou le pendentif géant Bart Simpson en diamants bleus, blancs et jaunes de Gucci Mane, qui lança la vogue des pièces inspirées de personnages de dessins animés. D’où vient ce goût de l’ornementation ostentatoire ? Que signifie-t-il ? Pourquoi et comment les rappeurs se sont-ils pris de passion pour tout ce qui brille ?  « Mes bijoux sont mon costume de super-héros, un prolongement de ma magnifique peau noire », explique Slick Rick. A ceux tentés de n’y voir que compétition, vanité et arrogance, ce livre répond aussi subversion, identité et transcendance. Avec en regard les preuves édifiantes en images, photos d’archives et clichés iconiques signés de pointures telles Janette Beckman, Jamel Shabazz ou David LaChapelle. 

Ice Cold, l’histoire des bijoux hip-hop
de Vikki Tobak Format XL (Taschen, 390 p, 89)

« Mixtape 2.0 », l’autobiographie de Cut Killer

Le parcours du Dj le plus connu de France se confond avec celui du hip-hop d’ici. Son autobiographie raconte donc à la fois l’ascension d’un fils d’immigrés marocains grandi dans le quartier parisien de Strabourg Saint-Denis, et en parallèle l’émergence de ce côté ci de l’Atlantique de tout un mouvement. Au milieu des années 80, à l’adolescence, Anouar Hajoui, futur Dj Cut Killer, tombe la tête la première dans le hip-hop avec l’émission télévisée Hip-Hop de Sidney et les soirées au Globo qui se déroulent en bas de chez lui. De toutes les disciplines du mouvement, c’est celle de DJ, avec son pouvoir sur les danseurs, qui le fascine le plus, d’autant qu’elle lui paraît dans ses cordes. S’il observe inlassablement Dee Nasty, ce sont les scratchs virtuoses du DJ de Philadelphie Cash Money qui vont le décider à devenir DJ A 17 ans, il a déjà trouvé son nom de scène et il veut « tout défoncer« . En trois mois d’entraînement intensif sur ses platines, il atteint un niveau de compétition puis participe aux championnats internationaux. Avec ses copains de IZB, il organise des soirées, et va écumer les magasins de Londres et de New York, le Graal. Viennent ensuite les mixtapes, dont il se fait une spécialité, et son émission sur Radio Nova, quand il ne met pas le feu aux nuits parisiennes ou ne compose pas les BO de films comme celle, cultissime, de La Haine. Si vous avez aimé le film Suprêmes (dont il a signé la BO) ou la série Le Monde de Demain, voici l’occasion de glaner un autre précieux point de vue, richement illustré, sur cette époque pleine de sève, de passions et d’idéaux.

Mixtape 2.0
 de Cut Killer avec Julien Civange (Robert Laffont, 220 p, 29)

« Rap Story l’encyclopédie du rap » d’Olivier Cachin

A l’heure ou le hip-hop aborde la cinquantaine, il n’est pas inutile de jeter un œil dans le rétroviseur sur l’incroyable épopée du rap, né dans les quartiers déshérités des Etats-Unis et devenu le style musical le plus écouté. Cet ouvrage très clair écrit pour les plus jeunes par Olivier Cachin, spécialiste français des musiques urbaines depuis 30 ans, se concentre sur la chronologie du rap, avec ses artistes majeurs aux Etats-Unis et en France, de Tupac à Diam’s et de Kendrick Lamar à Soprano. Il aborde aussi bien la myriade de styles (conscient ou dansant, gangsta ou trap) que les rapprochements entre rap et reggae ou rap et Japon. Sans oublier le rap belge (Damso, Lous & the Yakuza…) et les histoires de clashs dans un genre musical qui n’en manque pas des deux côtés de l’Atlantique (les meilleurs étant réservés aux micros). Ce livre, orné à chaque page des dessins de Lazoo est ponctué en outre de petites interviews avec Bigflo & Oli, nés dans les années 90. « Comme on est jeunes, on découvre la saga du rap à retardement. N’hésitez pas à faire comme nous et à apprendre l’histoire du rap !« , recommandent-ils aux lecteurs. Cet ouvrage a été « conçu pour être un pont entre les générations » : s’il s’adresse en première intention aux très jeunes, les parents pourront aussi y jeter un œil histoire d’aborder sans préjugés ce genre encore trop souvent incompris.

Rap Story
d’Olivier Cachin illustré par Lazoo (Flammarion Jeunesse, 16,90€)

« Ma Planète Rap, 30 ans de radio » de Fred Musa

Qu’on apprécie ou pas Skyrock et son animateur vedette Fred Musa, personne ne peut nier qu’ils ont accompagné l’ascension du rap français ces vingt-cinq dernières années. Dans cette autobiographie, le petit gars grandi à la Courneuve et fasciné dès ses 8 ans par la radio qu’il écoutait avec passion et un brin d’obsession, se raconte. Ses premiers pas dans les radios libres, son pied mis dans la porte à la fin des années 80 à Skyrock, puis son ascension au sein de la station où il a vu, aux manettes de l’émission phare Planète Rap, défiler au micro toute la crème du rap français. Sa chance, c’est d’être tombé au moment où fut imposé en 1994 aux radios françaises de diffuser 40% de chansons d’expression française. Le patron de Skyrock Laurent Bouneau fait alors le pari d’être « premier sur le rap« . D’abord calée le dimanche soir, sa petite émission 100% rap marche si fort que Fred Musa s’impose rapidement tous les jours de la semaine de 20h à 21h. Depuis, sa voix est devenue aussi connue des auditeurs que les rappeurs qu’il reçoit. Pour ce livre, le journaliste Vincent Brunner semble avoir recueilli sa parole presque sans filtre sur des dizaines d’heures. Car il a beaucoup à dire – une vraie pipelette cet animateur ! Ce livre fourmille forcément d’anecdotes drôles et croustillantes et de réflexions plus intimes et autres analyses du milieu et du métier. Musa nous raconte par exemple la naissance en direct du hit inusable La boulette de Diam’s, confirme toutes les histoires vraies qu’il a inspiré à la série Validé, rend hommage à plusieurs rappeurs, mais règle aussi ses comptes (avec Booba notamment). Son point de vue sur le rap d’ici mérite le détour.

Ma Planète Rap, 30 ans de radio
de Fred Musa avec Vincent Brunner (Hors Collection, 207 pages, 24,90)

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