"Beck's Bolero", "Superstition", "Where Were You"… 10 morceaux qui ont forgé la légende de Jeff Beck
Jeff Beck s’en est allé rejoindre Jimi Hendrix, Stevie Ray Vaughan, BB King… et ils vont sans doute jammer pour l’éternité. Les nombreuses réactions élogieuses à l’égard du guitariste mort mardi à 78 ans témoignent de l’empreinte qu’a laissée le guiariste sur la scène rock. Retour sur son parcours à travers quelques-uns de ses morceaux emblématiques.
1 « Stroll On » dans « Blow Up » de Michelangelo Antonioni (1966)
En 1965, Eric Clapton quitte les Yardbirds pour rejoindre les Bluesbreakers de John Mayall. C’est tout d’abord Jimmy Page qui est pressenti pour le remplacer. Mais celui-ci très actif en tant que musicien de studio recommande Jeff Beck pour occuper le poste. Un an plus tard, Page intègre finalement lui aussi le groupe. On peut voir les deux guitaristes dans le film Blow up de Michelangelo Antonioni, au cours d’une scène où le personnage principal Thomas assiste à un concert des Yardbirds qui jouent le morceau Stroll On, en réalité Train Kept A-Rollin’ avec de nouvelles paroles. Dans ce passage devenu culte, Jeff Beck brise sa guitare à la manière de Pete Townshend. C’était une demande du réalisateur qui au départ avait imaginé les Who pour cette scène. Avec sa moue dépitée car il n’arrive pas à obtenir le son qu’il souhaite, Jeff Beck marque les esprits. Sa légende est en marche.
2 « Beck’s Bolero » (1966)
Jeff Beck ne reste pas longtemps au sein des Yardbirds. Fin 1966, quelques mois après l’arrivée de Jimmy Page, il tente l’aventure en solo. Et son premier enregistrement s’appelle tout simplement « le Boléro de Beck » ! Inspiré du célèbre morceau de Ravel, il est enregistré en compagnie de Jimmy Page à la guitare rythmique, John Paul Jones à la basse, Nicky Hopkins au piano et Keith Moon à la batterie. Beck y déploie déjà toute sa maîtrise de l’usage du bottleneck et de la distorsion. Jimmy Page citera le thème musical dans How many more times sur le premier album de Led Zeppelin qui sort en 1968. Bien qu’enregistré en 1966, Beck’s Bolero est intégré au disque Truth en 1968, le premier album du Jeff Beck Group avec notamment Rod Stewart au chant et Ron Wood à la basse.
3 « Definitely Maybe » (1971)
Après des dissensions avec Stewart, le Jeff Beck Group éclate quelques semaines avant le festival de Woodstock où il devait jouer. Une nouvelle formation voit le jour en 1970 avec le même nom mais une orientation musicale différente. Le guitariste délaisse le hard-rock en concurrence avec Led Zeppelin pour un style teinté de soul et rhythm and blues. Le morceau qui clôt le deuxième album de cette nouvelle formule du Jeff Beck Group en 1971 est un petit joyau, à nouveau instrumental. La guitare de Beck s’envole dans des contrées stratosphériques, et même pour cette performance en direct à la télévision en 1972, le guitariste tenait à reproduire les deux solos qui se superposent en se réenregistrant une deuxième fois par-dessus la prestation live.
4 Superstition (1973)
En 1973, Jeff Beck revient au hard rock en formant le trio Beck-Boggert-Appice avec la section rythmique de Vanilla Fudge et Cactus, Tim Boggert et Carmine Appice. On entend le guitariste chanter sur le titre d’ouverture Black Cat Moan, mais le morceau de l’album qui retient l’attention est Superstition. Tout le monde connaît ce mega-tube de Stevie Wonder, sorti sur son album Talking Book en 1972. Mais ce que l’on sait moins, c’est que c’est Jeff Beck qui a apporté l’idée de l’intro de batterie ainsi que du riff caractéristique de la chanson, joué au Clavinet par le jeune prodige de la soul. Pourtant, Superstition est au seul crédit de Stevie Wonder, d’autres sources indiquant que le pianiste aveugle aurait trouvé le motif au clavier en jouant uniquement sur les touches noires du fait de sa cécité. La version de Wonder est effectivement en Mib ce qui corrobore cette vision des faits, tandis que la version de Beck est en Mi, tonalité bien plus adaptée à la guitare. Sur cette version live, Jeff Beck utilise l’effet « Talkbox », comme il fera sur She’s a woman et Thelonious. Un procédé qui donne une sonorité « parlante » à la guitare
5 « Cause We’ve Ended as Lovers » (1974)
On peut imaginer l’amertume du guitariste face au succès de Stevie Wonder avec Superstition. Mais pas rancunier, Jeff Beck le remercie sur son album Blow by Blow avec ce morceau qui va devenir l’un de ses plus emblématiques. « Dédié à Roy Buchanan et merci à Stevie », ainsi est sous-titré Cause We’ve Ended as Lovers sur la pochette de cet album qui voit Beck prendre le virage du jazz-rock en 1974. En devenant un morceau-phare du répertoire du guitar-hero, ce titre offert par Wonder est finalement un juste retour des choses. Une guitare qui pleure, des notes qui s’étirent à l’infini, et un effet violon justement dans le style de Buchanan. Ce bluesman sous-estimé était un adepte de la Telecaster, et Beck a longtemps interprété ce morceau sur ce même modèle de guitare, comme ici lors d’un concert avec Eric Clapton.
6 « Star Cycle » (1980)
A partir de ce passage au jazz-rock, Jeff Beck va offrir des solos de plus en plus virtuoses. L’album There and Back qui sort en 1980 est un florilège de morceaux de bravoure. C’est à cette période que le guitariste change sa façon de jouer. Il opte pour une technique au doigts et abandonne le mediator. Il raconte qu’un jour il a fait tomber son mediator sur scène et qu’il ne le retrouvait plus, ce qui l’a incité à ne plus jouer qu’aux doigts. Il a également reconnu plus sérieusement que cette technique lui permettait d’obtenir des sonorités impossibles au mediator, et qu’il trouvait dommage de ne pas se servir de tous les doigts de sa main droite. Des doigts qui finiront par être assurés pour 7 millions de livres sterling, selon The Guardian. Cette version live de Star Cycle en 1983 est un exemple parmi d’autres de cette nouvelle technique de jeu qui va devenir sa signature sonore au cours des eighties.
7 « People Get Ready » (1985)
En 1985, l’album Flash marque les retrouvailles avec Rod Stewart pour une reprise de Curtis Mayfield. People Get Ready mêle la voix rauque du chanteur et les envolées aériennes du guitariste. Produit par Nile Rodgers, ce disque revient à un style plus mianstream avec neuf chansons sur les onze titres, quand les précédents albums étaient entièrement instrumentaux.
8 « Where Were You » (1989)
L’album Guitar Shop consacre encore un peu plus Jeff Beck dans le monde de la guitare. Les « shredders » des années 80 comme Steve Vai, Joe Satriani ou Yngwie Malmsteen revendiquent son influence. Mais à la différence des guitaristes très démonstratifs qui oublient parfois un peu l’émotion, Jeff Beck utilise son incroyable technique au service d’un discours musical. Where Were You en est un parfait exemple. Un toucher inimitable et un son à la fois flottant et toujours d’une extrême justesse. La paume de la main constamment posée sur la barre de vibrato, en même temps que l’auriculaire contrôle le bouton de volume… tout un art.
9 « Crazy Legs » (1993)
Et pour se démarquer de la vague des guitaristes qui en font des tonnes, Jeff Beck sort au début des années 90 Crazy legs, un album de pur rock’n’roll. Le guitar-hero qui a emmené la six-cordes dans des territoires inexplorés sait aussi se souvenir des influences qui ont marqué sa jeunesse. Rien de tel que du bon rockabilly où pour l’occasion le guitariste ressort le mediator, pour jouer dans le style du légendaire Cliff Gallup.
10 « A Day In The Life » (2007)
Parmi ses nombreuses reprises d’autres artistes, on peut citer sur ces deux dernières décennies surtout Little Wing de Jimi Hendrix et A Day In The Life qui clôt le mythique Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles. Une façon de se réapproprier le morceau qui force le respect. Faisant fi des paroles, Jeff Beck n’a que la mélodie comme simple moteur musical et donne à la chanson une dimension presque symphonique. Il existe de nombreuses versions, mais celle-ci en 2007 au festival Crossroads d’Eric Clapton est particulièrement émouvante, avec Beck saluant le public à la fin. Un morceau en forme d’épitaphe.
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