Assis ou debout, les festivals en plein air peuvent-ils s'adapter d'ici cet été ?
« A partir du 1er juillet, les festivals de plein air en configuration debout pourront reprendre, selon une jauge de 4m2 par festivalier et dans une limite qui sera définie par le préfet en fonction des circonstances locales« , a exposé la ministre de la Culture, auditionnée le 6 mai par la Commission des Affaires culturelles à l’Assemblée nationale. Si l’obligation de garder les spectateurs assis représentait un véritable challenge pour les acteurs de la musique actuelle, ils s’inquiètent dorénavant de devoir complètement se réorganiser pour répondre à ces nouveaux critères…
Une configuration debout possible mais difficile à mettre en oeuvre
Cette nouveauté est « une bonne nouvelle » pour Jérôme Tréhorel, directeur du Festival « Les Vieilles Charrues » qui se tiendra du 8 au 18 juillet, à Carhaix-Plouguer (Finistère). « C’est une première étape. Les choses évoluent, la projection de la situation semble s’améliorer« , se réjouit-il à franceinfo Culture. Malgré tout, faute de temps, il maintient l’organisation assise prévue jusque-là, en laissant la possibilité aux spectateurs de se lever et de danser s’ils le souhaitent. L’évènement organisé à Carhaix en Bretagne (270 000 spectateurs en 2019) a planché sur un dispositif de 10 soirées de concerts, du 8 au 18 juillet, au lieu de quatre journées habituelles.
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De nombreux festivals avaient déjà, en amont des annonces de Roselyne Bachelot, annulé leur édition en raison de la contrainte de maintenir un public assis. C’est le cas des Eurockéennes de Belfort (128 000 personnes en 2019), du Hellfest (180 000 spectateurs en 2019) ou encore de Solidays (228 000 personnes en 2019). D’autres, qui avaient justement confirmé leur intention de se maintenir quitte à s’adapter, se retrouvent aujourd’hui face à un dilemme de taille : faut-il se réorganiser à seulement quelques mois de la tenue de l’événement ?
« Nous sommes le 7 mai, certains de nos adhérents jouent fin juin« , s’alarme Aurélie Hannedouche, responsable du Syndicat des musiques actuelles (Sma), à franceinfo Culture. « Il faut savoir combien de festivaliers on peut finalement accueillir et prévoir en conséquence le matériel et les installations ad hoc… Et rien ne garantit que le préfet valide la position debout. Beaucoup risquent de s’en tenir à ce qui a été dit pendant les concertations [avec le ministère de la Culture, ndlr]. Réorganiser un événement comme ça un mois avant sa tenue, c’est trop lourd. » « Nous, c’est assis« , a conclu à l’AFP Gérard Pont, patron des Francofolies de la Rochelle (10-14 juillet).
4m2 par festivalier
Les 4m2 par festivaliers annoncés par la ministre de la Culture paraissent encore très flous. « Si on parle d’un terrain de 4 000 m2 pour 1 000 personnes, ça peut s’envisager […]. Mais si on parle d’un carré de 4m2 par personne, c’est ingérable« , a réagi Aurélie Hannedouche. « Est-ce que chaque festivalier doit rester sur une petite croix par terre, sans avoir le droit de bouger de son carré ? Aujourd’hui, on n’en a pas la moindre idée« , a-t-elle souligné à Radio France. « Ça fait partie des petites astérisques qui ont été déroulées dans les annonces du président de la République ».
La question des déplacements sur site, vers le bar ou les sanitaires, pose également problème. Le Sma a rédigé une lettre ouverte à Emmanuel Macron afin d’obtenir, d’ici le 15 mai, des détails concrets sur les mesures qu’il est encore possible de mettre en place – car de nombreux festivals n’ont, compte-tenu des incertitudes, pas encore ouvert leur billetterie. « Des gens viennent en couple ou en groupes d’amis et ils vont demander, ce qui est légitime, à être ensemble« , a de son côté commenté à l’AFP Malika Seguineau, du Prodiss (Syndicat du spectacle musical et de variété).
Une jauge adaptée aux conditions sanitaires par les préfets
La jauge pourra quant à elle, comme la configuration debout, être revue par la préfecture en fonction de la circulation du virus. Mais pour Jérôme Tréhorel, il est déjà trop tard pour l’augmenter. Le festival des Vieilles Charrues est passé d’une configuration de 70 000 personnes debout par soir à 5 000 assises. « Accueillir plus de monde […] cela veut dire augmenter la taille du site, augmenter le nombre de sanitaires, de stands de restauration, de bars, augmenter les parkings« , souligne-t-il à franceinfo Culture. « On est à la phase où on va lancer la billetterie, annoncer la programmation dans quelques jours. On ne va pas se mettre en risque. »
L’autre point qui inquiète Aurélie Hannedouche concerne les délais de décision des autorités, comme elle l’avance à l’AFP. « Si le préfet nous répond dix jours avant une manifestation, ce sera trop tard« , objecte-t-elle. « Nous avons 40 à 50 de nos adhérents qui veulent organiser un événement en juillet-août. S’ils n’ont pas de réponse d’ici le 15 mai, ils vont annuler, c’est trop flou et trop risqué« .
Quid du pass sanitaire ?
A priori, l’instauration d’un pass sanitaire sera obligatoire. L’accueil du public dépendra donc de la présentation d’un test PCR négatif de moins de 48h ou d’un certificat de vaccination. « Le pass sanitaire peut permettre de pallier la distanciation impossible dans une configuration debout. C’est ainsi que nous entendions ce nouveau dispositif comme une aide à la reprise des activités complexes« , a avancé Malika Seguineau. « Il n’y aura pas de tests sur place. […] Il faudra se faire tester avant et avoir un pass sanitaire valide en amont du festival‘, précise Jérôme Tréhorel.
Mais ce pass sanitaire pose des problèmes éthiques et logistiques. « Qui aura la responsabilité de le vérifier ? » s’interroge Aurélie Hannedouche. « Nous ne sommes pas à l’abri que des spectateurs nous en présentent un faux. D’autre part, un employeur ne peut légalement obliger ses salariés à se faire tester ou vacciner. On ne peut pas être cohérent si l’on impose ce pass sanitaire au public sans s’assurer que nos prestataires, bénévoles et artistes en disposent également. »
Pour des festivals qui durent parfois 5, 6 jours ou plus, reste fnalement la question du renouvellement du test PCR. « Les festivaliers devront-ils se refaire tester sur place ? Si oui, les laboratoires du coin sont-ils en mesure d’absorber le flux de personnes ? On attend le 15 mai pour obtenir des certitudes« , conclut Aurélie Hannedouche. « C’est vital, car si ces éditions 2021 échouent, les festivals risquent de ne tout simplement plus exister l’année prochaine.«
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