Tom Ford, designer plus ultra

Dans le passé, il s’est illustré avec l’esthétique “porno chic” et une mode flamboyante, entre jet-set et paillettes. Ses silhouettes ont fait merveille lorsqu’il était directeur artistique de Gucci – qu’il a remis au centre du jeu –, puis chez Saint Laurent et enfin à la tête de sa maison.

Depuis ses bureaux de Los Angeles, le créateur texan et président du CFDA (Council of Fashion Designers of America) poursuit sa vision créative.

Tom Ford, sa vision de l’après COVID-19

Pour le printemps-été 2021, il a imaginé un vestiaire festif, inspiré des grandes heures des 70’s et du Studio 54, de la mannequin Pat Cleveland et de l’illustrateur Antonio Lopez. Ouvrant la porte à la légèreté avec ces robes fluides, ces tops pailletés…

Bref, ces looks électrisants qui donnent envie de se jeter sur la piste.

Marie-Claire : Vous dirigez votre maison, mais vous êtes aussi président de la CFDA. À ce titre, vous êtes très écouté et avez une vision globale de la situation. Comment envisagez-vous les répercussions de la crise sanitaire sur le secteur de la mode dans les mois à venir ?

Tom Ford : La pandémie globale et les crises économique et politique que nous devons affronter ne peuvent qu’influencer la sensibilité des designers et des créateurs. Malheureusement, je pense qu’on est loin d’être au bout de cette pandémie. Je pense même que l’hiver pourrait être apocalyptique.

Comment le secteur peut-il faire face ?

La mode devrait presque hiberner pendant un petit moment. Si vous ne pouvez pas aller à une fête, pourquoi auriez-vous besoin d’une robe ? Si vous n’allez pas au bureau, pourquoi auriez-vous besoin d’un nouveau costume ?

Beaucoup d’entreprises du secteur ne s’en relèveront pas. Avoir survécu à cette période sera un motif de fierté…

Y a-t-il quand même des raisons d’espérer ?

Je pense que lorsque le monde va redémarrer, et je veux dire vraiment redémarrer, le désir de mode refoulé va rejaillir. Il y aura un soulagement, un retour de l’optimisme. La mode va survivre et même prospérer.

Le fait de soigner son apparence, son style, cela fait partie de la nature humaine. C’est dans notre culture d’exprimer notre personnalité, nos valeurs à travers les vêtements.

Comment avez-vous vécu ces derniers mois ? Et comment avez-vous travaillé ?

Comme tout le monde, j’ai lutté. J’ai dû licencier des gens talentueux, et ça m’a fendu le cœur. Les tensions raciales et le climat politique toxique ont été durs à supporter. Je suis épuisé de tout cela.

Ces derniers temps, vous avez affirmé votre engagement écologique. Vous avez notamment conçu une montre entièrement à partir de plastiques venus des océans…

Je pense que le moment est idéal pour sortir une telle montre. Il est nécessaire de sensibiliser les consciences aux dangers des plastiques dans notre environnement. Un jour, j’ai vu un spot publicitaire pour une association qui nettoie les océans.

Quand vous faites un don, elle vous envoie un petit bracelet en plastique recyclé. J’ai trouvé cette idée très ingénieuse ! Je me suis dit que ce serait génial si on pouvait faire ça dans une version de grande qualité, un accessoire que vous pourriez garder.

J’ai donc décidé de faire une montre à partir du design de mon modèle 002. Tout le packaging est aussi en plastique des océans ou en papier recyclé. Je suis incroyablement fier de cette montre.

Comment imaginez-vous l’après dans la mode ? Le digital va-t-il dominer ou les shows physiques vont-ils reprendre ?

Quand la mode se relancera, je crois que les défilés reprendront. Avec le digital, on n’obtient pas la même énergie, la même excitation qu’avec un défilé live. Les vêtements ont besoin d’être vus, de bouger, et l’énergie dégagée par la combinaison des mannequins, de la musique, des lumières, du public…

Aucune présentation virtuelle ne peut l’égaler ! Mais le plus important, ce sont les vêtements. De beaux vêtements. Pour cela, nous avons besoin d’ateliers, de mannequins, de modélistes, de couturières, bref, de tous les gens qui travaillent si dur pour aboutir à une bonne collection.

Réunir de telles équipes, en temps de pandémie, est impossible. Mon bureau et mon atelier à Los Angeles sont actuellement fermés car nous sommes considérés comme « non-essentiels ». Mais il faut reconnaître que travailler via Zoom rend ce processus créatif extrêmement difficile.

Votre collection printemps-été, pourtant, dégage une énergie folle. Vous avez même dit que vous vouliez des vêtements qui « font sourire »…

Pour moi, créer des vêtements qui donnent le sourire, c’est la seule option désormais ! Tout le monde est déprimé. Pourquoi voudrais-je faire des vêtements qui rendraient les gens encore plus tristes qu’ils ne le sont ?

Nous n’avons pas besoin de vêtements ternes en ce moment. Nous avons besoin d’un peu de légèreté. Ou, au moins, d’entrevoir un peu de lumière au bout du tunnel.

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