Pourquoi Ganni x Ester Manas est la collab' la plus attendue de la saison

Octobre 2022. Comme chaque saison, le défilé Ester Manas printemps-été 2023 ouvre le premier samedi de la Fashion Week de Paris et réuni ainsi un public friand non-seulement des pièces défendues par Ester Manas et Balthazar Delpierre – les deux créateurs de la marque – mais aussi des valeurs qu’ils portent.

Ce 1er octobre 2022, l’avant dernière silhouette portée par la mannequin Alva Claire se compose d’une jupe en tulle multicolore au drapé incroyable et d’un t-shirt blanc à col rond où se mêlent les logos de la marque aux côtés du label scandinave Ganni.

Un frissons d’excitation semblent traverser les nombreuses femmes dans la salle : printemps 2023, les deux marques présenteront ensemble une collection estivale.

Ganni x Ester Manas : deux marques qui changent la mode féminine

Une robe bleu, taillée dans un mesh recyclé à l’imprimé piscine s’attache autour du cou et suit les courbes du corps. Plus loin une autre robe en mesh, bordeaux cette fois-ci, aux manches longues et aux drapés tout aussi saillants. Bienvenue dans la collaboration Ganni et Ester Manas pour le printemps-été 2023.

Si vous êtes une lecteurices assidu.e du Marie Claire, ces deux noms sont loins de vous être étrangers. La raison de cette présence constance depuis quelques années est simple : les deux marques proposent depuis leur début une mode inclusive et aux velléités écoresponsables. 

Quand on aime le travail des gens, il faut leur dire. Donc je leur ai juste dit : « vous êtes nos nouveaux favoris » – Ditte Reffstrup

Par inclusive, on entend une mode pensée le plus possible pour vos corps, non pas ceux qu’on essayent de vendre en canon de beauté mais bien ceux qui nous font face dans le miroir. 

Ganni, le label de mode danois créé par Ditte et Nicolaj Reffstrup propose depuis son lancement au début des années 2000 une mode audacieuse et unique qui entend montrer à quel point on peut penser la mode féminine au pluriel.

Il n’y a pas « la femme Ganni » mais des Ganni Girls, des femmes qui portent des vêtements qui leur permettent de se sentir bien, d’avancer dans leur quotidien tout en pensant à l’avenir. Preuve s’il en faut, la marque a obtenu le fameux label éco-responsable B-Corp.

De son côté, le duo derrière Ester Manas a fait de son défilé un moment incontournable de la Fashion Week parisienne et ce malgré le fait qu’il ne propose que des pièces pensées pour le soir.

Si la mode d’Ester Manas plaît c’est parce qu’elle est sensuelle, joyeuse et qu’elle montre la beauté de tous les corps et comment la mode peut y contribuer.

Une collaboration entre ces deux labels signifiait donc une conversation à bâtons rompus non seulement sur la collaboration mais aussi sur la mode féminine et son avenir.

Marie Claire : Comment avez-vous découvert l’existence de vos marques respectives ?

Balthazar Delepierre : On connait Ganni depuis longtemps. J’ai étudié le design pendant cinq ans et j’ai été fascinée par la typographie utilisée par la marque. Ils étaient même sur notre moodboard quand on a réfléchi à lancer notre propre label. Et ce qui est génial c’est que dès le début notre rapport à la marque n’était pas forcément lié à la mode mais bien à l’esprit qui s’en dégage. Et après notre premier défilé, je crois que c’était le jour d’après, Ester a reçu un message sur notre compte Instagram et… peut-être que Ditte peut raconter la suite.

Ditte Reffstrup : Je pense qu’il est intéressant d’ajouter que j’ai une relation amour-haine avec les réseaux sociaux que j’essaye de ne pas utiliser de manière extensive. Mais j’adore regarder les défilés et notamment ceux de Paris, ville-mère de la mode. Je me souviens être un peu déçue, de voir les mêmes castings, les mêmes mannequins, défilés après défilés… Jusqu’à ce que je découvre Ester Manas. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours aimé la mode, car elle fait battre mon cœur plus vite. Donc j’ai vu leur défilé, j’ai vu le talent, l’énergie, la jeunesse et aussi parce qu’ils étaient les seuls à avoir un casting divers et intéressant. J’ai eu le sentiment qu’ils allaient s’emparer de Paris alors je leur ai dit. Quand on aime le travail des gens, il faut leur dire. Donc je leur ai juste dit : « vous êtes nos nouveaux favoris ».

Ester Manas : J’étais déjà une Ganni girl donc j’ai dit à Balthazar :  » je pense que c’est un faux » (rires).  Je ne pensais pas que ce soit possible. 

La mode est un milieu dur et il n’y a pas énormément de marques avec lesquelles nous pouvons collaborer aux vues de nos valeurs. – Balthazar Delepierre

Qu’appréciez-vous au sein de vos marques respectives ?

Ditte Reffstrup : Il est important qu’il y ait un respect mutuel quand on fait une collaboration et qu’on puisse voir l’adn de chacune des marques. Et j’ai su lorsqu’on s’est rencontrés – parce que c’était facile de parler de mode mais aussi de la vie – que c’était un bon match. Leur courage est très inspirant et j’ai beaucoup appris d’eux.

Balthazar Delepierre : On partage effectivement beaucoup de choses mais c’était incroyable de voir qu’une marque installée puisse partager autant de valeurs et d’ambitions avec nous. On utilise les mêmes matières, les mêmes mannequins parfois… La mode est un milieu dur et il n’y a pas énormément de marques avec lesquelles nous pouvons collaborer aux vues de nos valeurs.

Ester Manas : On s’est vues avant de signer la collaboration. L’équipe de Ganni nous a d’abord invitée à passer une semaine avec elle à Copenhague, simplement pour s’assurer que nous pouvions travailler ensemble. Et c’est fou car personne n’y pense. Prendre le temps de se découvrir, de comprendre comment on travaille… J’ai voulu signer dès qu’ils l’ont proposé.

Ce n’est pas quelque chose que l’on entend tous les jours. Quel doit être le rôle d’une collaboration selon vous ?

Ditte Reffstrup : Il y a une beauté dans le fait de se connecter avec de jeunes générations, peu importe si nos esthétiques sont similaires ou si nous venons de lieux différents. Et quand on a une marque, on veut faire en sorte qu’elle se porte bien mais elle se renforce en travaillant avec des gens différents.

Balthazar Delepierre : C’est aussi une bonne manière de partager des expériences, de combiner des processus et puis pour nous Ganni est à une autre échelle. Ça nous montre ce qu’il est possible de faire.

Ester Manas : Quand on partager des valeurs, c’est aussi une opportunité pour nous de pousser notre vision de la meilleure manière. Parfois il nous est difficile de développer quelque chose parce que nous sommes encore petits, donc une telle combinaison de valeurs nous permet d’aller plus loin.

Parlez-nous de la collection

Ester Manas : Tout commence avec Sunset Body, notre collection pour le printemps-été 2023. La collection avec Ganni a été co-crée au moment où l’on a présenté notre collection SS23. C’était une conversation sur l’été, de la sensation du soleil sur sa peau, d’être aussi beau que l’on peut être sur la plage malgré l’idée de summer body … C’était notre point de départ et pour nous c’était l’opportunité de développer du beachwear puisque Ganni a l’expérience et le savoir-faire de ces lignes.

Ditte Reffstrup : Je revenais juste de Miami et j’étais inspirée par la manière dont les gens s’habillent, leur attitude… Et l’idée de Ganni a toujours été de créer des vêtements dans lesquels les gens se sentiraient bien que ce soit sur la plage mais aussi partout où ils vont. Et puis Esther sait créer de silhouettes sexy, avec des drapées…

Ester Manas : C’était un bon match, la technique du rushing avec la forme de Ganni, le mix de nos manières de construire un vêtement… Et puis la manière dont ils créent des textiles. C’était une recette de nos deux marques. Et pour les imprimés c’est aussi un mix de nos deux adn.

Ditte, dans une de nos interviews précédentes vous parliez de vouloir insuffler un peu plus de sexy dans vos collections et on sait que c’est partie prenante de l’adn d’Ester Manas. Quelle est votre vision du sexy ? A-t-elle évoluer avec cette collaboration ?

Ditte Reffstrup : Sexy pour moi veut dire se sentir bien. Quelqu’un qui portant un denim oversize et un t-shirt oversize peut être sexy si elle a l’attitude. Mais pour parler des vêtements de manière spécifique, montrer un peu de peau est le sexy ultime et j’adore comment Ester travaille. Elle sait trouver le bon équilibre. Je portais une jupe pour le défilé et au début je ne pensais pas que cela me correspondait mais j’étais triste de l’enlever. Ester Manas créé des vêtements qui donnent tellement de force, de pouvoir et dans lesquels on se sent bien, qui nous redonnent confiance en nous-même.

Balthazar Delepierre : On était impressionné par le fait que Ganni peut habiller autant de filles et femmes avec un sens du style aussi fort. On voit la femme Ganni et il émane d’elle tellement de confiance que, comme disait Ditte, ça en devient sexy. Nous avons notre propre vision du sexy mais les mêler nous a permis d’ouvrir de nouvelles portes.

Ester Manas : Nous on fait de l’eveningwear mais de voir la manière dont Ganni construit une collection et le type de système dont ils combinent leurs différences influences m’a beaucoup appris. Et on essaye d’appliquer ce fonctionnement : comment développer le sexy mais dans un vestiaire plus complet.

L’idée de Ganni a toujours été de créer des vêtements dans lesquels les gens se sentiraient bien – Ditte Reffstrup

Parlez-nous de ce processus…

Ester Manas : Une vraie partie de ping-pong (rires) On s’est envoyé un moodboard et puis on a commencé à parler, on a pu voir tous les modèles qu’on aimait, décidé ce qu’on voulait développer avant de voir avec Ditte les dessins et déterminer les pièces qu’on avait envie de créer. Puis toutes les deux, nous sommes entrées dans le détail pour ajouter un peu plus de Ganni ou un peu plus d’Ester Manas. Ensuite sont venus les prototypes

Ditte Reffstrup : On a commencé par l’histoire puis est venue la question des couleurs, les imprimés…

Vous travaillez chacun avec vos partenaires respectifs. C’était comment de travailler à 4 ?

Ditte Reffstrup : Nicolaj cherche surtout à assurer que les collections soient éco-responsables, pour le reste, à savoir les designs, je m’appuie surtout sur mon bras droit et mon équipe. Mais pour cette collection, je me répète, mais c’était très facile.

Balthazar Delepierre : Je pense aussi qu’on vit à une époque où l’on n’a pas besoin d’égos démesurés pour créer une collection. L’essentiel est de parvenir à embrasse tout type d’idée si on veut réussir et créer des pièces pertinentes. On est loin de l’époque où un seul designer décidait pour tout le monde.

Vous insistez sur le fait que cette collaboration soit inclusive. Pourquoi c’est important de le dire ?

Ditte Reffstrup : Je travaille dans la vente au détail depuis que j’ai 14 ou 15 ans et une des premières choses qui m’a marqué c’est le nombre de femmes qui se sentent mal dans leur corps, notamment dans les cabines d’essayages. Je me sentais frustrée et impuissante.

Et puis c’était majoritairement des marques françaises qui taillent si petit… Mon travail était de vendre mais rien ne leur correspondait. Sur un défilé ou dans un magazine de mode, les vêtements sont magnifiques, mais il ne correspond pas à la réalité des corps.

Quand on a commencé Ganni, j’ai voulu créer des vêtements adaptés aux corps réels de la vie et non pas ceux qui sont valorisés par la mode. Mais pour nous aussi cela a été difficile, au début nous n’allions que jusqu’à la taille 44 jusqu’à ce qu’une amie me dise qu’elle n’entrait dans aucunes de nos pièces.

Et même en entrant sur le marché US on nous a fait comprendre qu’il nous faillit plus de tailles si on voulait conquérir ce marché. On travaille dans cette industrie et à force de ne voir qu’un seul corps on oublie la réalité.

Depuis 2020, on va jusqu’à la taille 52. J’étais donc très déçue par cette fashion week pour l’automne-hiver 2023-2024 qui me donnait l’impression qu’on faisait reculer nos avancées sur ces conversations.

De notre côté, on a entendu des gens dire lors de la dernière fashion week être « heureux que la tendance curvy est terminée ». La mode doit comprendre que ce n’est pas une tendance. – Balthazar Delepierre

Balthazar Delepierre : De notre côté, on a entendu des gens dire lors de la dernière fashion week être « heureux que la tendance curvy est terminée ». La mode doit comprendre que ce n’est pas une tendance.

Ester Manas : On fait des vêtements adaptables que l’on divise en deux tailles. Alors que c’est partie intégrante de la marque, aucune boutique ne nous a acheté de Taille 2.

Balthazar Delepierre : C’est juste de l’image pour eux. On est si peu à faire de la mode inclusive dans ce secteur, les marques se reposent sur nous alors que tout le monde peut s’inscrire sur ce créneau.

Ganni est aussi connue pour son approche écoresponsable. Est-ce que vous pouvez parler de comment cela a été pensé pour cette collection ?

Ditte Reffstrup : C’est notre point de départ. Pour cette collection on a travaillé nos cotons, mesh et jerseys recyclés habituels. Donc en un sens c’était simple.

Et pour vous Balthazar Delepierre et Ester Mans, vous avez appris quelque chose à ce sujet au contact des équipes de Ganni ?

Balthazar Delepierre : chez Ester Manas on fait ce que l’on peut, à notre niveau, pour être le plus éco-responsables possible mais on est sur une échelle différente de celle de Ganni. À leur côté on a appris que ça devait leader le design.

Quel est le pouvoir de la mode selon vous ?

Ditte Reffstrup : Pour moi c’est très simple. La mode peut permettre de se sentir bien, changer notre humeur. Certains pensent que la mode se réduit à sa composition, une couleur, une coupe… mais cela influe sur nous.

Ester Manas : Elle a le pouvoir de partager une idée en la rendant belle et désirable. La mode c’est partager et permettre de convaincre les gens alors on doit l’utiliser car c’est la meilleure manière de faire passer certains messages. En beauté.

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