Mort d’Alber Elbaz, le créateur qui voulait changer les codes du luxe

Le génial créateur de mode Alber Elbaz est mort le 24 avril 2021 à 59 ans, emporté par la Covid-19. En 2013, lors d’une collaboration avec Lancôme, lui, l’homme complexé s’était confié à Gala sur les codes qui règnent sur le luxe et la société. Des paroles qui résonnent très fort à l’heure du body-positive et de la mode inclusive.

A propos de


  1. Alber Elbaz

Le monde de la mode perd encore l’un des siens avec la mort d’Alber Elbaz survenue le samedi 24 avril 2021 à l’âge de 59 ans. Après la mort du regretté Kenzo Takada en octobre 2020, c’est au tour du talentueux créateur israélo-américain de disparaître, des suites de la Covid-19. Alber Elbaz avait ranimé la maison Lanvin de 2001 à 2015, collaboré avec H&M pour une collection capsule, imaginé une robe pour Minnie ou encore customisé le fameux mascara Hypnôse de Lancôme et toute une ligne de fards et de faux-cils.

Un passionné, ami et adoré des stars qui ne cessent de lui rendre hommage depuis l’annonce de son décès. Facilement reconnaissable à sa silhouette bonhomme, ses lunettes carrées et son éternel nœud papillon.Il ne se départissait jamais de son humour et de sa gentillesse, En 2013, Alber Elbaz avait accordé une interview à Gala, à l’occasion de sa collaboration avec Lancôme, dont voici quelques extraits.

Vous jouez beaucoup sur l’humour et la fantaisie, des valeurs rares dans le luxe…

Alber Elbaz : Oui… Une boutique où tout est parfait, où les vendeurs ont l’air de mannequins, c’est un peu une pharmacie. Moi j’ai besoin de rêver, pour a passer à l’acte et acheter un produit. C’est ça la démocratisation du luxe, ne pas chercher à faire des clones qui mangent la même chose dans les mêmes lieux avec les mêmes aspirations, mais donner un peu plus de bonheur aux gens.

Gala : Vous dites « Ce qui est beau est moderne », qu’entendez-vous par là ?

Alber Elbaz : A chaque fois que je vois quelque chose d’un peu moche, on me dit « mais c’est super moderne » et je me demande si le moche est le moderne d’aujourd’hui. Une création est le reflet du moment, ou son opposé ce qui est plutôt mon parti pris. Aujourd’hui, on manque de temps, de silence, d’esthétisme alors j’essaie d’inventer des tenues plus personnelles qui soient juste belles, car le beau ne se démode pas.

Gala : Et cela vous réussit, vous êtes un créateur star !

Alber Elbaz : Non, moi je suis un designer, pas une célébrité. Je ne pense pas être une star ou devoir en être une parce que je ne suis pas le produit, mais le producteur. Ce que je crée, ce n’est pas juste pour être vendu mais aussi pour être touché et regardé par les autres.

Gala : Vous dansiez sur une vidéo pour Lanvin, vous savez vous mettre en scène !

A.E : Honnêtement, je ne m’aime pas du tout sur les photos et sur les vidéos. Mais l’ambiance était tellement cool que je me suis dis «  mais moi aussi je peux danser » ! Une fois de plus c’est une histoire de codes. De comment on doit être, combien on doit peser si on travaille à la télévision, est-ce qu’on est autorisé à avoir des cheveux bruns et bouclés ou est-ce que c’est que seulement blond et lisse ?

Je veux changer les codes. Parce que quand on me dit « c’est comme ça », je ne peux pas travailler. J’ai besoin de me fier à mon intuition, c’est ça le luxe. Je défendrai toujours le luxe français parce qu’il y a un savoir-faire qui n’existe nulle part ailleurs, des laboratoires d’idées, des gens passionnés qui travaillent 12h par jour avec toute leur âme, leur énergie et leurs émotions juste pour nous faire rêver.

Gala : Comment est née l’idée de cette collaboration avec Lancôme ?

Alber Elbaz : Je connais bien Youcef Nabi, (aujourd’hui Directeur général de Coty ndlr) et il m’a proposé de travailler ensemble sur les mascaras Hypnôse, sur le regard. L’idée m’a plu, car s’il y a bien une chose que j’aime chez moi, ce sont mes cils ! Mais mettre seulement mon nom sur un produit ne m’intéresse pas, j’aime mettre la main à la pâte !

Gala : Comment avez-vous travaillé ?

Alber Elbaz : J’ai réfléchi à ce que l’œil et le regard représentent pour moi. Je me suis demandé si je pouvais suivre mon intuition dans un monde moderne dirigé par le business. Avais-je le droit de sortir des codes ? Quand on veut faire un produit commercial, il ne l’est jamais. Mais quand on essaie de créer quelque chose qu’on adore, qu’on aimerait avoir, c’est là ce que ça devient une success story.

Mon travail c’est créer du désir en apportant du rêve. J’ai fais des croquis à la main en inventant autour d’un défilé d’yeux ronds, rieurs, très expressifs.

Propos recueillis par Virginie Rousset.

Crédits photos : RINDOFF-BORDE / BESTIMAGE

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