Marie Robert pour Pandora : "l’amour nous élève, nous tire vers le haut"

On ne va pas mentir, nous vivons une période éprouvante. L’arrivée de la pandémie covid-19, il y a bientôt 1 an, nous a poussé à revoir nos modes de vie et surtout nous a fait réaliser l’importance du contact humain. Certains ont passé ou passe encore des jours, des semaines voire des mois sans aucune interaction sociale et physique avec ceux qui leur sont cher. Un passage assez brutal du fameux « l’enfer, c’est l’autre » à « l’enfer, c’est moi ».

C’est ce qui a poussé Pandora, la marque qui a inscrit dans son ADN l’idée de garder la mémoire des moments avec l’autre avec son bracelet Charms, à mener son enquête sur l’amour et notre manière de le vivre. Alors que d’ordinaire, la Saint-Valentin est moquée comme simple fête marquetée pour promouvoir l’hyper-consommation, l’idée de l’Autre et de lui témoigner notre affection prend, dans un moment d’avidité sociale, un tout autre sens.

L’amour au temps du covid-19

« 70 % pensent que les relations sociales sont plus importantes depuis la pandémie », « 66 % ont envie de redoubler d’attentions auprès de leurs proches », « 62 % profitent d’occasions spéciales pour témoigner leur affection aux êtres aimés ». En ce début d’année, l’enquête menée par Pandora révèle la manière dont le coronavirus a modifié la manière dont nous envisagions les relations.

À l’heure où on reste le plus souvent chez soi, où être physiquement proche de ceux qui nous sont chers est devenu difficile, voire impossible, il n’est pas étonnant que les relations aient pris une autre envergure dans nos vies. Menée dans 11 pays, l’étude de Pandora montre que malgré tous les impacts négatifs que la pandémie a pu avoir dans nos existences, elle malgré tout renforcé l’importance qu’ont les relations humaines et le partage de valeurs communes.

Marie Robert, philosophe, directrice de l’école Montessori et chroniqueuse pour Marie Claire, s’est associée à ce rapport pour tenter de décrypter la manière dont nous avons changé en ces temps complexes. Pour donner vie à ces résultats, Pandora a réalisé une campagne émouvante autour des petits gestes, attentions physiques ou matérielles que nous faisons pour montrer notre proximité avec l’Autre.

Et quelle meilleure occasion que la Saint-Valentin pour parler de l’amour, au sens large ? Discussion à bâtons rompue avec Marie Robert qui nous montre eue parler d’amour révèle beaucoup plus sur notre société que ce que l’on croit.

Pourquoi avoir collaboré avec Pandora ?

J’ai beaucoup travaillé sur la symbolique et je suis petite fille de bijoutier. J’ai donc toujours eu à coeur de penser au bijou. Le symbole sert à se souvenir quand la personne ou l’objet n’est pas là.

J’aime bien parer de mot d’amour matérialiser, les charms c’est exactement ça, chacun peut être rituel car on peut voir sur le bracelet de sa vie, les moments-clé. Il ne condense pas la relation, mais c’est un rappel mémoriel, il permet de donner corps à une pensée et s’en souvenir. 

Quelle place le bijou occupe-t-il dans nos sociétés ?

Que ce soit de symbole du souvenir ou même de look, dans tous les cas on parle d’identité quand on parle de bijoux. Il dit comment on a envie de se raconter et ce depuis ses origines.

Le bijou a été créé pour dire à quelle tribu on appartient, à quelle occasion… c’est un indicateur. Aujourd’hui quand on a une vie professionnelle, c’est difficile de se démarquer par le vêtement avec la pandémie, surtout en fonction du milieu dans lequel on évolue.

La marque a réalisé une série de films, Gestes d’amour, autour de l’idée de « petits attentions ». Est-ce que vous pourriez revenir sur ce concept et l’importance qu’il prend dans nos vies ?

En allant choisir un bijou, en le personnalisant, en sachant comment on va le donner à travers une mise en scène, on rend cet amour visible. L’amour a toujours été mon sujet philosophique favori.

La campagne est très jolie et je trouve qu’il y a quelque chose qui fait sourire quand on voit ses images car on a besoin de quitter le cynisme. Oui le Saint Valentin c’est commercial mais après l’année et le manque de l’autre qu’on vient de traverser… je dirais que le manque est à la hauteur de notre désir, de notre volonté d’être ensemble.

Elle montre aussi des gens se toucher…

C’est remettre du sensoriel et montré que ce n’est pas juste un caprice, une habitude ou une convention sociale. C’est rappeler que c’est une manière de faire vivre nos relations, et évidemment que le corps intervient dans l’amour.

On n’a même pas le même moment de grâce et de résonance quand on n’a pas les gens véritablement face à soi. On se permet de toucher car les émotions sont plus perceptibles.

La Saint Valentin trouve alors un autre sens ?

Pour moi, c’est presque comme si le côté machine de guerre commerciale de la St Valentin était inversé. Cette année c’est moins de la consommation que l’expression d’un sentiment amoureux.

Je travaille beaucoup avec des adolescents et c’est un peu le moment où ils osent des trucs. C’est un joli prétexte, tout d’un coup on va vers son risque.

Aujourd’hui on a beaucoup plus l’idée que l’amour est un beau sentiment mais pas à n’importe quel prix.

Body-positive, Black Live Matter, Me Too… diriez-vous qu’on a redéfini l’amour  ?

Il y a encore quelques années, on avait implicitement l’idée que l’amour c’était l’amour passion, que ça pouvait passer pour des crises de jalousie voire des gestes parfois violents… On était dans l’idée que l’amour, c’est quelque chose de border. On avait un degré d’acceptation un plus grand sur ces questions-là. Ce qu’il y a d’intéressant dans tout ce qui s’est passé ces derniers mois, c’est l’idée que l’amour est ce qui nous élève, nous tire vers le haut.

Et tout ce qui d’une manière ou d’une autre nous fragilise, nous abîme et atteind notre intégrité physique et psychique ne peut pas être appelée de l’amour. Il y a cette phrase « qui ne tue pas rend plus fort » mais en réalité ce qui ne tue pas abîme donc arrêtons de raconter n’importe quoi.

Même dans un couple, être avec quelqu’un qui nous force à avoir des rapports sexuels, quelqu’un qui lève la main « parce qu’on était énervé » c’est non négociable. Et aujourd’hui on a beaucoup plus l’idée que l’amour est un beau sentiment mais pas à n’importe quel prix.

L’amitié semble également avoir pris une place très importante dans nos relations comparées à la génération de nos parents ou grands-parents. Comment l’expliquez-vous ?

C’est incroyable comment on a besoin aujourd’hui de déclaration d’amitié et à quel point les chagrins d’amitié sont devenus limitent plus douloureux que les chagrins d’amour. Il n’y a plus cette hiérarchisation selon laquelle l’amitié est moins importante que l’amour.

L’idée de « témoins de notre vie », où peu importe ce que l’on traverse on va pouvoir tisser ensemble dans toutes nos variations. L’amitié est socle magnifique dans un monde chaotique, que ce soit les amitiés de vingt ans comme les fulgurances amicales, deviennent des remparts.

Et elles nous permettent peut-être plus que dans le couple cette expression de nos vulnérabilités sans qu’on soit de jeune. Dans l’amitié on est dans la co-construction. Je bosse avec des ados et ils ont une consécration pour l’amitié qui est incroyable.

Il y a quelque chose de super fort. Le lien d’amitié est aussi une forme d’appréciation du collectif.

Dans un monde de plus en plus digital, il n’empêche que beaucoup se sont senti seuls ces derniers mois. De là à nous faire revoir notre copie sur ce que signifient avoir des interactions sociales ?

Ce qui est intrigant, c’est qu’on était une société très individualiste et tout d’un coup on s’aperçoit que même si l’introspection est importante, on a viscéralement besoin de l’autre.

Oui on existe seul, mais notre rapport au monde est un rapport à l’autre et ce depuis la naissance. L’idée de l’indépendance me fait souvent rire, car la dépendance affective est inhérente. La solitude ronge et on a besoin de ce lien social sur l’engagement et la solidarité aussi. Il y a eu des micros-initiatives citoyennes pour entre en contact avec les personnes dans la rue, les personnes dans les EHPAD.

L’amour ce sont des moments vécus, des souvenirs en commun

Le digital nous offrent très peu de souvenirs communs. Bien sûr qu’on peut échanger mais finalement on reposte du temps vécu, la mémoire du temps passé ensemble. Il s’agit pas seulement d’aimer un ami ou un partenaire, mais bien de vivre des choses ensemble et de les matérialiser.

L’amour ce sont des moments vécus, des souvenirs en commun. Et sur ça, le digital ne peut pas faire grand-chose.

D’ailleurs dans les années 2020, il n’y avait pas de photos de moments marquants avec nos proches. Les moments de rencontres se sont fait rares et ça a été difficile pour les gens.

Oui, l’une des choses les plus difficiles cette année si on laisse de côté les difficultés financières et les problèmes de santé mentale. Ce temps avec les autres qu’on ne rattrapera pas.

Ma maman a eu 70 ans cette année et c’est la première fois en 36 ans que je n’ai pas passé la journée avec elle pour son anniversaire… Je me suis dit un jour je la perdrais et je n’ai pas vécu ce moment-là.

J’espère quand on pourra reprendre nos vies garder dans un coin de notre tête ce qu’est l’arrachement, la séparation…

Ce qui est également intéressant, c’est de voir comment l’amour transgénérationel a été remis au centre de nos discussions depuis la covid. De là à changer la vision que nous avons sur ces générations ?

C’est sidérant. Dans notre pensée Occidentale et particulièrement Française, « les vieux » n’’existent pas. Il n’y a pas de place pour eux, comme ils ne sont pas “performatifs” ils sont peu présents. Et tout d’un d’un coup, la covid a mis en évidence l’importance de ces générations, on a réalisé qu’ils étaient notre socle et que si on perd son passé, où est-ce qu’on va ?

C’est ça le problème du transgénérationel, si on n’a pas de passé, on n’a pas d’avenir. Tous ces gens qui se sont retrouvés en isolement total, on s’est rendu compte qu’ils avaient un rôle à jouer. Ils sont aussi garants de notre passé.

Ce besoin qu’on a de renouer avec l’autre entre pas al en dissonance avec le discours qui veut que le vire-ensemble a disparu

L’autre est un étranger et le reconnaître c’est donner les prémisses d’une volonté de compréhension, c’est ce que disait le philosophe Emmanuel Levinas.

On n’est pas tous pareil mais ces différences ne nous empêchent de construire ni d’être responsable. Quand on aime quelqu’un on ne peut pas se moquer de comment il va. Dès qu’on aime, on se sent responsable, on est « soucieux de ».

La solidarité, la considération… diriez-vous que l’amour est politique ?

Oui et la philosophie de l’amour est aussi politique. On n’a jamais autant entendu parler de bien-être et de bienveillance mais où commence la bienveillance ? C’est un engagement mais tant que nos systèmes politiques ne nous permettent pas de l’exprimer, comment peut-on l’inculquer ?

Il y a un enjeu et c’est pourquoi je trouve important que des marques mais aussi tout ce qui existe dans la sphère publique nous fasse réfléchir à ces questions. Chacun à notre échelle peut faire quelque chose qui dépasse « est-ce que j’ai bien fait mon banana bread et mon yoga ». Je peux aussi me soucier de l’autre. Aimer, c’est aussi être éveillé.

Pourquoi est-ce qu’on a tant besoin d’amour ?

Il n’y a vraiment rien de plus beau je crois. Mais au-delà de ça, on est tous obsédé par la question du sens?

Je ne crois pas à cette question, je pense qu’on le ressent quand on regarde quelqu’un qu’on aime. C’est pour ça qu’on est là, pour vivre ces moments. L’amour nous ramène à ça.

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