Les 10 défilés les plus marquants de la maison Saint Laurent
Trois initiales qui s’entrelacent d’une virtuose simplicité. Un monogramme aussi élégant que moderne. Et derrière, cinquante années de création qui ont révolutionné la garde-robe féminine en lui offrant ses attributs contemporains.
Du caban de marin à la combinaison pantalon, en passant par le trench-coat, le smoking, la saharienne ou encore le tailleur pantalon et la robe transparente, Yves Saint Laurent n’a cessé de contribuer à la transformation de son époque au détour de vêtements dont l’esthétique n’avait d’égale que l’intelligence. Mais pas seulement.
Authentiques œuvres d’art vivantes, certaines de ces créations inspirées des tableaux de ses peintres favoris avaient l’audace d’élever la Haute couture au même rang que la peinture, le dessin ou la sculpture, muant ses défilés de mode en spectacles éblouissants.
Rendez-vous cérémoniels qui se tiendront majoritairement à l’Inter-Continental, les défilés de la maison Yves Saint Laurent seront chaque saison le théâtre d’une nouvelle vision stylistique de son fondateur que la rue n’aura de cesse de se réapproprier, y compris lorsqu’elle fera l’objet de scandales ou d’un excès d’avant-garde. Une ligne de conduite que sauront poursuivre à leur manière ses ingénieux successeurs, distillant au gré des shows ce même savant mélange d’allure et d’assurance qui font encore aujourd’hui la singularité de la femme Saint Laurent.
Le premier défilé de la maison Saint Laurent
29 janvier 1962. En cette “matinée historique » comme la décrira le journaliste Jean Fayard, Yves Saint Laurent présente le premier défilé qui marque l’ouverture officielle de sa maison de couture installée au 30 bis rue Spontini, dans l’ancien hôtel particulier du peintre Jean-Louis Forain. La Comtesse de Paris, la Princesse Anne, la Baronne de Rothschild, Roland Petit et Zizi Jeanmaire, Geneviève Fath, Françoise Sagan : tout le monde se presse pour assister au retour du « dauphin de Dior » qui a révolutionné la silhouette de son mentor cinq années plus tôt.
Caban oversize d’inflexion marine, trench-coat militaire revisité, pantalon de shantung blanc ample, mules au raffinement nonchalant : pour ce premier opus aux allures de grand oral, le couturier français pose les bases d’une empreinte stylistique qu’il ne cessera de perfectionner au fil des années. Un vestiaire féminin, élégant, confortable et assurée, qui tient ses accents frondeurs d’emprunts assumés au vestiaire masculin. En un défilé, le style Saint Laurent était né.
Le défilé de la collection Mondrian – 1965
« The best collection ! » pour Diana Vreeland qui, dans sa critique du New York Times, s’extasie des silhouettes hautement créatives qui viennent de défiler sous ses yeux. Et pour cause, Yves Saint Laurent vient de transposer sur tissu sa passion pour la peinture, et plus particulièrement son admiration pour l’artiste hollandais Piet Mondrian dont il reprend les motifs géométriques sur une série de robes restées aujourd’hui iconiques. Travaillé en incrustations, le jersey de laine de ces pièces picturales ne laisse apparaître aucune couture, démontrant une fois de plus le génie créatif mais aussi technique de la maison Yves Saint Laurent.
C’est aussi la collection des fameux escarpins noirs ornés d’une large boucle carré en métal doré ou argenté signés Roger Vivier, qui connaîtront gloire et postérité aux pieds de Catherine Deneuve dans Belle de Jour. Clou du spectacle ? Une robe de mariée en tricot de laine immaculé et rubans de satin ivoire inspirée des Matriochkas, laissant entrevoir non sans malice le seul visage de la mannequin.
Le défilé de la collection automne-hiver 1966
« Rien n’est plus beau qu’un corps nu. » aimait dire ironiquement le couturier. En 1966, il poursuit sa révolution stylistique sur fond de révolution sexuelle avec un défilé qui enrichit de manière significative sa grammaire vestimentaire. C’est ainsi qu’apparaissent les premières transparences avec une robe révélant la poitrine féminine, qu’il réinterprètera en 1968 en l’ornant d’une flamboyante ceinture de plumes d’autruches.
Mais le défilé automne-hiver de 1966 marquera surtout la naissance de l’indétrônable smoking, pièce alors ultra-masculine, réservée au fumoir et à la consommation de cigares, que le couturier revisite pour l’adapter aux subtilités du corps féminin. « C’est un vêtement de style et non un vêtement de mode. Les modes passent, le style est éternel. » explique-t-il. Avant-gardiste, peut-être trop, il sera boudé par la clientèle haute couture mais adoubée dans sa version Saint Laurent Rive Gauche, la première boutique de prêt-à-porter du créateur ouvrant la même année. Le costume devient alors un classique, qu’il déclinera dans chacune de ses collections jusqu’en 2002 avant d’être repris par ses successeurs.
Suivront en 1968 la saharienne et la combinaison, deux pièces tout aussi révolutionnaires qui intégreront durablement la garde-robe féminine contemporaine.
Le défilé de la collection “Quarante”, automne-hiver 1971
Celle qu’on surnomme, encore aujourd’hui, la collection du « scandale. » Nous sommes le 29 janvier 1971 et Yves Saint Laurent présente un nouveau défilé inspiré de ses amies Paloma Picasso et Donna Jordan, connues pour s’habiller avec des pièces chinées aux puces, mais surtout de la mode du début des années 40, marquées par l’Occupation et les restrictions de la Seconde Guerre Mondiale.
Dite « Libération » ou « Quarante« , la collection fait la part belle aux robes raccourcies, aux souliers à semelles compensées, aux épaules marquées ou encore au make-up exagéré, suscitant les critiques acerbes d’une presse qui se dit offusquée. France-Soir parle alors de « Grande Farce » tandis que le London’s Guardian évoque un tour de force de mauvais goût. Le couturier, lui, défend une collection inspirée de la garde-robe de sa mère dans l’Algérie des années 40.
Qu’à cela ne tienne, la collection inspire une vague rétro qui ne manquera pas d’imprégner durablement les rues, à l’image du mythique manteau de fourrure vert qui continue d’incarner cette sulfureuse collection.
Le défilé des Ballets Russes de juillet 1976
Point d’orgue des explorations folkloriques du couturier, la collection dite « Opéra – Ballets Russe » défile tel un véritable spectacle, mêlant faste maîtrisée et exotisme embourgeoisée. Couleurs chatoyantes, fourrures luxueuses, mousselines et soies précieuses ou encore lamés d’or : les 281 silhouettes inspirées des costumes de Léon Bakst et des tableaux des peintres orientalistes – dont Saint Laurent est un fervent admirateur – s’inscrivent dans une haute couture qui se veut anti-chambre du rêve.
Pressé pour la première fois à l’Inter Continental, qui deviendra le théâtre privilégié des défilés Yves Saint Laurent, le public réserve à cette collection un accueil émerveillé. « Une collection révolutionnaire, qui changera le cours de la mode dans le monde. » écrira le New York Times après le show qui aura duré près de deux heures.
Le défilé hommage aux artistes de 1988
Entre l’art et la maison Saint Laurent, c’est une histoire d’amour qui tourne régulièrement au dialogue créatif. En 1988, le couturier rend ainsi un époustouflant hommage aux peintres qu’il admire à travers des silhouettes rivalisant d’inventivité et de technicité. Robe cubique rehaussée d’oiseaux en hommage à Georges Braques, veste brodée reproduisant Les Tournesols et Les Iris de Van Gogh, pièces inspirées de Cocteau ou d’Apollinaire : le catwalk prend alors des airs de musée d’art vivant, chaque pièce revendiquant des centaines d’heures de travail.
Pour l’automne-hiver 1981-1982, c’est Henri Matisse et Fernand Léger qui avait profondément inspiré le couturier, au détour d’un défilé placé sous le signe de l’art pictural.
Le défilé pour la finale de la Coupe du Monde 1998
Faire briller le savoir-faire couture de l’une des plus prodigieuses maisons de mode française à l’occasion de la finale de football la plus regardée du monde ? C’est le pari ambitieux que fait Yves Saint Laurent le 12 juillet 1998 en présentant en prélude de France-Brésil un gigantesque défilé de 300 silhouettes qui déambuleront en long et large du Stade de France pendant près 15 minutes, sur la cadence du Boléro de Ravel. L’occasion pour le couturier de célébrer en (très) grand ses 40 ans de création et de faire rayonner le monogramme YSL aux yeux du monde entier.
Le défilé rétrospective des adieux de 2002
Le 7 janvier 2002, Yves Saint Laurent annonce qu’il met fin à sa carrière de couturier lors d’une conférence de presse bouleversante. « Je veux remercier les femmes qui ont porté mes vêtements, les célèbres et les inconnues, qui m’ont été fidèles et qui m’ont causé tant de joies. […] J’ai choisi aujourd’hui de dire adieu à ce métier que j’ai tant aimé. » confie-t-il. Un adieu qui fera l’objet d’un défilé rétrospectif au Centre Pompidou seulement quelques jours plus tard, le 22 janvier, auquel le tout Paris se pressera, faisant déborder la foule jusqu’au parvis où sont installés des écrans géants.
Pour l’occasion, les 300 pièces et silhouettes les plus iconiques de la carrière d’Yves Saint Laurent foulent de nouveaux le podium, incarnées par 200 mannequins dont une poignée de supermodels et de muses de la maison. Un show fleuve que vient conclure un final tout en smoking, le couturier venant saluer le public avec émotion sur fond de « Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous », l’air de Barbara ici entonnée par Catherine Deneuve et Laetitia Casta. On en frissonne encore.
Le défilé Saint Laurent automne-hiver 2016, au Palladium de Los Angeles
Symbole de la révolution rock’n’roll qui agite la maison parisienne depuis l’arrivée d’Hedi Slimane à la direction artistique, le défilé Saint Laurent organisé dans la cité des Anges pour les 50 ans du prêt-à-porter restera sans nul doute comme le plus frondeur des shows de la maison. Marylin Manson, Courtney Love, Lenny Kravitz, Lady Gaga ou encore Justin Bieber sont alors convoqués pour être les témoins de ce nouvel opus stylistique rendant hommage à l’esthétique glam-rock californienne si chère au designer.
Au programme ? Pas moins de 99 silhouettes homme et femme mêlant vestes en panne de velours et pantalon de cuir, coupes affutées et détails dorés, broderies fait main et imprimés panthère, sur fond de « I Love Rock’N’Roll » chantée par une Joan Jett toujours aussi décadente. On est loin de l’atmosphère feutrée des défilés à l’Intercontinental tant le show prend des airs de concert indépendant ! Qu’à cela ne tienne, l’esprit frondeur de la maison est, lui, bien présent.
Le défilé Saint Laurent printemps-été 2019
Et la femme Saint Laurent marcha sur l’eau ! Avec la tour Eiffel en toile de fond et des palmiers artificiels éclairés de néon blanc, le show printemps-été 2019 consacre l’esthétique YSL impulsée par le belge Anthony Vaccarello, directeur artistique de la maison depuis 2016. Ultra-sexy, résolument rock, elle s’affiche en maillot de bain échancré et talons aiguilles vertigineux, micro-short et bottines en python et dévoile sa poitrine sous de longues robes transparentes.
Les filles du moment telles que Kaia Gerber portent avec détermination cette nouvelle identité mi-parisienne, mi-californienne empreinte de références seventies, inscrivant la maison dans une pertinente modernité que Monsieur Saint Laurent lui-même n’aurait pas reniée.
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