Grand prix des lectrices : la sélection d'avril 2021
C’est ce qu’on appelle terminer en beauté ! Pour cette ultime sélection, nos jurées ont choisi trois livres ancrés dans le réel, mais qui ignorent avec audace les frontières spatiales, temporelles et spirituelles. Côté roman, le si délicat Gilles Leroy voyage dans le passé pour faire revivre sa « jeune amie » Agathe, disparue il y a des années. Le portrait vibrant d’une amitié fauchée, et d’une femme à qui même la mort ne peut ôter le souffle de vie. Au rayon policier, l’Espagnole Dolores Redondo plonge son héroïne favorite dans les ruines de l’ouragan Katrina, sur les traces d’un tueur en série au rituel mystique. Catégorie document, Joy Sorman nous fait entrer à sa suite dans l’univers fascinant et terrifiant d’un hôpital psychiatrique. En racontant ces vies et ces esprits séquestrés, elle ouvre grandes les portes de notre humanité partagée. La balle est désormais dans le camp de nos cent vingt jurées, qui vont lire, réfléchir et noter, pour départager les finalistes et désigner les trois gagnants. Rendez-vous le 11 juin pour le couronnement.
Le roman
« Pendant de longues pages, elle restera ”la jeune amie”… Car même après toutes ces années, la douleur est encore là, présente au point de ne pas pouvoir pro-noncer son prénom : Agathe. L’été 1984. Ils ont 20 ans, il y a la musique, l’air du temps, les rires, Paris. Ils vivent ensemble, ils sont ensemble, ils sont heureux… Et puis, il y a ce coup de fil par lequel Gilles apprend le meurtre de sa meilleure amie. Tout se fige, le temps se suspend puis s’arrête. C’est le vertige, la colère, la révolte, s’installe ce très long silence. Trente ans plus tard, en rangeant sa bibliothèque, une photo oubliée réapparaît par hasard, les souvenirs ressurgissent, et le narrateur décide de redonner vie à cette amie libre et lumineuse. Dans un style sobre, empreint de pudeur et d’humanité, Gilles Leroy dresse le portrait de cette jeune amie que l’on aurait vraiment aimé connaître. Un texte, particulièrement pudique et touchant, que l’on sent rempli de souvenirs autobiographiques. » CHEKEBA HACHEMI
« REQUIEM POUR LA JEUNE AMIE », de Gilles Leroy (Mercure de France, 218 p.).
Le document
Vidéo: « Womanology » est une exposition composée exclusivement d’oeuvres d’artistes femmes (Dailymotion)
« Dans le pavillon 4B de l’hôpital psychiatrique, il y a Franck, un ”Jésus sous acide” qui se transforme en loupgarou. La seule chose qui le calme, ce sont les arbres. Alors parfois, il se tire pour ressentir les vibrations de la terre. Il y a Maléfique Maria, authentique sorcière bipolaire, qui sème la terreur en fauteuil roulant. L’hôpital psychiatrique, un monde à part, est régi par des injonctions paradoxales, tant pour les patient(e)s que pour les soignant(e)s : ce qu’on leur demande est impossible. Pour les uns, accepter sans se révolter d’être privés de liberté, de vêtements, d’objets familiers, alors qu’ils n’ont rien fait d’autre que d’être malades. Pour les autres, respecter les droits des personnes qu’ils sont censés soigner, alors que leurs spécificités individuelles ne peuvent être rencontrées, faute de moyens, et que le travail administratif prend le pas sur le temps de soin. Inévitablement, l’humanité est mise à mal. Au pavillon 4B, il se passe des choses que l’on ne soupçonne pas. Il y a même la beauté, qui émerge parfois. » XÉNIA MASZOWEZ
« À LA FOLIE », de Joy Sorman (Flammarion, 274 p.).
Le policier
« D’une écriture dense, déliée et parfois poétique, Dolores Redondo réussit à nous couper le souffle pendant 677 pages. À l’occasion d’un séminaire aux États-Unis, Amaia Salazar, profileuse espagnole à l’intuition singulière et à la sensibilité mystérieuse, est repérée par le FBI. Elle est alors intégrée à une équipe, qui traque un tueur insaisissable, et dont le mode opératoire est d’utiliser les catastrophes naturelles pour mettre en action ses rituels meurtriers. Avec elle, nous traversons les paysages apocalyptiques du Sud, dévasté par l’ouragan Katrina. Rituels vaudous et croyances ancestrales basques s’entremêlent, la lecture de l’enquête devient double et entre en résonance avec le passé trouble de l’héroïne… Dolores Redondo amplifie ce climat suave et mystique du bayou par une brillante analyse psychologique des personnages, et réussit magistralement à nous envoûter. » MARIE-AMÉLIE BEAUMOND-SAILLARD
« LA FACE NORD DU CŒUR », de Dolores Redondo, traduit de l’espagnol par Anne Plantagenet (Gallimard, 677 p.).
Ce mois, les lectrices ont aussi pu découvrir « Florida », de Olivier Bourdeaut (Finitude), « Ady, soleil noir », de Gisèle Pineau (Philippe Rey), « Les Fugitives: partir ou mourir en Arabie Saoudite », d’Hélène Coutard (Seuil) et « Les Noyés du Clain », de Thibault Solano (Robert Laffont).
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