En pleine crise du Covid, ces couturières libanaises se convertissent dans la confection de sacs mortuaires
Avec la flambée des cas de coronavirus au Liban, en janvier dernier, l’atelier de couture de la ville de Saïda a dû renouveler son activité.
Une reconversion professionnelle étonnante. Avant la pandémie, les couturières libanaises de l’atelier d’Oum Omar confectionnaient des vêtements qui suivaient le rythme d’une vie ordinaire : des uniformes d’écoliers et des costumes de fête. Aujourd’hui, la situation sanitaire les contraint à fabriquer des pièces d’un tout autre type : des sacs mortuaires pour les victimes du Covid-19 qui, au Liban, sont particulièrement nombreuses.
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Nostalgique, Oum Omar se souvient d’une époque, pas si lointaine, où il prenait plaisir à se rendre au travail. Dans son petit atelier de Saïda, ville du Sud du Liban, il se réjouissait de diriger les confections de son équipe de 27 couturières : des tenues de « l’Avant ». Un monde vivant, où les élèves se tenaient à l’étroit dans leur salle de classe, où les rites religieux se pratiquaient sans encombre et où la fête battait encore son plein. « Nous cousions des vêtements de fête, des tenues pour pèlerins ou des uniformes d’écoliers. On apportait de la joie aux cœurs », regrette désormais l’homme de 53 ans.
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© AFP – JOSEPH EID
Des costumes aux housses funèbres
Lorsque l’épidémie a mis fin à la fête, les employés de l’atelier n’ont plus eu le choix. Il leur fallait mettre leurs compétences au service d’un pays durement touché par le virus. Les couleurs vives des costumes traditionnels ont fait place aux tissus ternes des housses mortuaires. Et les blouses miniatures des écoliers ont été remplacées par d’autres plus blafardes, celles du personnel hospitalier. L’atelier vit dorénavant une nuit sans fin, que les couturières ne peuvent écourter. « Maintenant nous sommes obligées de faire ce travail ; nous sommes passées de la joie à la tristesse », confie celle qui supervise les opérations.
L’atmosphère de travail, elle aussi, n’est plus la même. Les sourires ont disparu derrière des masques sanitaires. Et si toutes s’activent à assembler les pièces des sacs funéraires sous l’aiguille de leur machine à coudre – jusqu’à en produire une vingtaine par jour –, l’énergie n’est plus au rendez-vous. Le résultat est déroutant, on croirait voir des housses de costumes ou de robes longues, mais les sacs servent à transporter les personnes ayant succombé au coronavirus.
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« Répondre au besoin actuel du marché »
Depuis que le virus a franchi les frontières libanaises, en février 2020, la crise est exponentielle. L’épidémie a infecté plus de 343.000 personnes et en a tué 4.092, alors que le pays ne compte pas plus de six millions d’habitants. Après les fêtes de fin d’année, les contaminations ont augmenté de 70% en l’espace d’une semaine, contraignant le gouvernement à décréter un confinement généralisé pendant quinze jours. Après la réception de ses premières doses du vaccin Pfizer et BioNTech, le Liban a entamé dimanche sa campagne de vaccination avec un objectif : l’immunisation de plus de la moitié de la population d’ici fin 2021.
Si plusieurs secteurs sont à l’arrêt, celui de l’atelier d’Oum Omar est en pleine effervescence. Avec la hausse des décès, le bourdonnement de l’aiguille ne décélère plus et « la demande ne faiblit pas », assure le Libanais. Un travail « couteux psychologiquement », mais fructueux pour l’entreprise qui, malgré tout, essaye de « répondre au besoin actuel du marché ». En 2021, Oum Omar espère que l’épisode s’achèvera, que son équipe retrouvera un « travail habituel » et que les bobines colorées fuseront de nouveau dans l’atelier.
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