De Kamala Harris à Harry Styles : le retour subversif du collier de perles

On ne va pas se mentir : de prime abord, le collier de perles n’est pas le premier accessoire qui nous vient en tête lorsque l’on parle de tendance.

D’ascendance bourgeoise, ou du moins élitiste, le bijou au charme suranné reste encore intimement associé dans l’inconscient collectif à une esthétique BCBG démodée et statutaire, qui cherche moins à témoigner d’un style personnel que d’une certaine supériorité sociale.

Les perles, emblème de la bourgeoise

C’est l’image d’une Coco Chanel posant de trois quart avec une robe noire, un long porte-cigarette et une infinie superposition de sautoir de perles, celle d’une Audrey Herpburn dans Breakfast at Tiffany’s jouxtant sa silhouette Givenchy d’un ras-de-cou de perles ou encore, plus récemment sur le petit écran, d’une Charlotte York (Sex&The City) ou d’une Brie Van Der Kamp (i) campant des rôles de femmes aux aspirations conservatrices.

« Les perles ont toujours eu un statut de pièces de luxe, en particulier en raison du processus laborieux de collecte des perles, puis de leur fabrication en accessoires », explique Darnell-Jamal Lisby, historien de la mode et conservateur dans un article de Refinery29 au sujet de l’unique bijou réalisé à partir d’un être vivant.

Et pour cause, jusqu’à la révolution des perles de culture à la fin du XIXe siècle, il était extrêmement rare et difficile de se procurer des perles naturelles qui s’érigeaient de fait au statut de pierre précieuse.

C’est avec l’industrialisation de son processus de fabrication et, plus largement la démocratisation du luxe, que le port du collier de perles s’est finalement étendu, sans pour autant perdre (complètement) sa connotation « vieillotte ».

Il faudra attendre les années 2010 et le tour de force de créateurs de génie comme Alber Elbaz chez Lanvin, Glenn Martens chez Y/Project ou encore Phoebe Philo chez Céline pour faire de la perle un objet de désir modeux en l’associant à des codes stylistiques grunges, punk ou purement minimalistes.

Un bijou gender-fluid ?

Plus récemment adoubée par des créateurs auréolés de hype comme Simone Rocha, revisité par les ténors du luxe comme Burberry, Givenchy ou Dior, la perle envahit également les looks de rue, investissant un espace socio-modeux qui lui était encore méconnu.

C’est le tant proclamé retour de la bourgeoise dont les codes stylistiques se teintent aujourd’hui d’une subtil aura contestataire après une (longue) ère stylistique marquée par le streetwear et le gender fluid

En cause ? Un contexte socio-politique-environnemental plus que jamais influent sur la manière dont nous choisissons nos vêtements, ces derniers accompagnant des changements de paradigme jusqu’à présent latents. Et la perle ne fait pas exception, passant récemment de simple apparat bourgeois à instrument de subversion.

Exit le monopole du troisième âge sur ce bijou tant connoté : c’est au cou des hommes qu’elle fait aujourd’hui sensation. Idole modeuse aux silhouettes gender-fluid plébiscitées, le chanteur Harry Styles s’est fait remarquer en arborant un collier de perles semblant venir tout droit de la boîte à bijoux de sa grand-mère, à l’image des Jonas Brothers ou encore de Shawn Mendes.

Avant eux, des personnalités comme Billy Porter, A$AP Rocky ou encore Pharrell Williams se sont affichés avec le fameux bijoux.

« C’est un signe que la culture mainstream est en train de changer, qu’elle consolide l’idée d’un espace non-binaire dans nos sociétés et que les constructions genrées dans la mode doivent être démantelées », analyse Darnell-Jamal Lisby, rappelant que certaines célébrités masculines n’hésitent plus à s’approprier des apparats féminins dans leur quotidien, comme le vernis à ongles, les chaussures à talons… ou le collier de perles.

Un signe extérieur de pouvoir

Mais si le collier de perles tend à se délester de son carcan hetero-normé, il n’en reste pas moins un signe extérieur de supériorité à la charge socio-économique forte et lourde de sens.

« Aujourd’hui, quand je vois un musicien ou une icône de style Noir porter des perles, je le vois comme une forme d’évolution de la chaine en or (…) longtemps associée à des valeurs de richesse et de prospérité », poursuit Lisby qui voit dans les perles une nouvelle forme d’expression de cette symbolique de pouvoir.

C’est tout ce qu’a démontré notamment l’analyse autour des désormais célèbres collier de perles de Kamala Harris, première femme noire vice-présidente des États-Unis, qui a fait du dit bijou un incontournable de sa garde-robe des 20 dernières années.

« Que ce soit pour leur pureté ou le fait qu’elles soient symbole d’incorruptibilité, les perles ont longtemps été plébiscitées par les femmes politiques. » souligne la journaliste Daisy Shaw-Ellis dans l’édition américaine de Vanity Fair.

« Nancy Pelosi, Hillary Clinton en portent régulièrement. Même l’inconditionnelle des créoles Alexandria Ocasio-Cortez a déjà été repérée avec des perles aux oreilles. » ajoute-t-elle, sans oublier les premières dames telles que Jackie Kennedy et Michelle Obama qui les ont régulièrement porté lors de leurs séjours respectifs à la Maison Blanche.

Dans le cas de Kamala Harris, la signification irait encore plus loin puisque son affection toute particulière pour les perles seraient aussi une façon de témoigner de son allégeance à Alpha Kappa Alpha (AKA), la première sororité noire du pays qu’elle a rejoint alors qu’elle était étudiante à l’université d’Howard.

Et pour cause, fondée par un groupe de femmes appelées les « Twenty Pearls », cette puissante organisation universitaire a pour tradition d’offrir un badge orné de perles à ses nouvelles membres.

Résultat ? Le jour des élections américaines, le 3 novembre dernier, beaucoup d’électrices n’ont pas hésité à venir glisser leur bulletin de vote dans l’urne avec un collier de perles visible au cou.

Une démonstration d’unité féminine en somme, à l’image du symbolisme originel que l’organisation a voulu conférer à ce bijou. « La rangée de perles montre la solidarité qui existe entre les membres d’AKA », explique Dr. Glenda Glover, la présidente de l’association. Et qui sait, celle qui, avec la perle comme signe de ralliement, pourrait souder les femmes du monde entier.

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