Circular Fashion x Impact Design Hub 2020 : lumière sur une mode africaine responsable

Octobre 2019. Sous la tente officielle du British Fashion Council, l’institution qui organise la fashion Week de Londres, une file d’attente se créée dans un espace. C’est celui de lablaco, une organisation dont le but est de mettre en lumière l’importance d’une mode circulaire. 

Session d’échanges vestimentaires pour comprendre la véritable valeur d’une pièce, mais pas seulement. Depuis cette même année, lablaco organise également le Circular Fashion Summit, un rendez-vous devenu incontournable lors duquel des figures majeures de l’industrie échangent sur les challenges et les avancées de la mode éthique. 

L’occasion de lancer son Impact Design Hub, une résidence internationale qui appuie les jeunes designers qui cherchent à imposer une vision plus responsable dans l’industrie de la mode. Rencontre. 

Circular Fashion x Impact Hub, donner du sens à la mode

« Notre objectif est de mettre en lumière les jeunes créateurs avec une approche mode durable. Le terme peut sembler galvauder aujourd’hui, mais pour nous, il englobe aussi la question de l’égalité sociale », commence Alexia Planas Lee, qui dirige le Impact Design Hub.

Depuis bientôt 3 ans, elle pilote une équipe qui sélectionne dix designers éco-responsables à travers le globe afin de leur offrir un accès à des professionnels du secteur qui sauront respecter leurs engagements tout en les aidant à faire évoluer leurs business.

« Ces designers doivent répondre à un moins l’un de nos quatre critères : comprendre l’importance des matériaux utilisés, un processus de production aiguisé que ce soit par le biais de l’upcycling ou du recyclage, penser à l’impact sur la planète notamment dans l’utilisation des ressources naturelles comme l’eau par exemple et enfin favoriser l’artisanat, avoir un impact positif sur les communautés, etc. », renchérit celle qui dirige cette pépinière à distance.

Durant un an, chacun des dix designers aura la possibilité de développer sa collection sous le regard de l’un des dix innovators choisi par le hub. « Le processus est différent de celui utilisé pour sélectionner les designers », explique Alexia Planas Lee, « il y a différents innovators. Notre travail est de mettre en contact l’un des designers avec le bon innovateur. Si chacun semble prêt à collaborer, on les met en contact et ils échangent alors ensemble de manière régulière jusqu’à la fin du projet ».

Une fin de projet qui permet à chacun de ces designers de présenter le résultat d’un an d’évolution, soit des pièces mises en vente.

Montrer d’autres visages de la mode responsable

Le rapport entre la mode – en tant qu’industrie occidentale et le continent africain à toujours été étrange. Notamment, parce que l’Afrique dans son ensemble a été considéré comme une source d’inspiration seule, pas comme un vivier créatif sur lequel prendre modèle.

Depuis une décennie environ, les choses commencent à changer sous l’impulsion de designers compétents et influents que la mode ne peut plus se permettre d’ignorer. Il y a eu la reconnaissance de la wax comme textile façon vase communiquant entre le passé du continent et son présent.

Mais aujourd’hui, ce n’est plus le regard occidental seul qui dicte la réussite des « designers africains » – une appellation somme toute un peu étriquée, qui indique plus l’origine des designers qu’elle ne définit réellement une esthétique.

De ce fait, on a pu voir émerger une diversité de profils de designers – et donc des histoires et des esthétiques – comme Sarah Diouf et Loza Maléombho tandis que sur les podiums européens s’affirment la patte de Thebe Magugu ou Kenneth Ize.

L’occasion de regarder la mode africaine sous un nouvel angle, notamment celui de l’éco-responsabilité. Loin d’être l’apanage de la mode occidentale, la nécessité d’une mode éthique et responsable concerne d’ailleurs de près les designers du Sud globale tant leurs pays sont souvent traités comme des viviers à mains d’œuvres ou déchetteries à ciel ouvert par les pays occidentaux.

C’est cette ambiguïté qui a poussé Circular Fashion a consacrer son Impact Hub 2020 aux BIPOC, un acronyme qui désigne les personnes noires, indigènes et racisées. Parmi eux, de nombreux designers issus du continent africains à l’instar d’Orange Culture au Nigeria, Sindiso Khumalo, I.AM.ISIGO, Lukhanyo Mdingi (également en licence pour remporter le prix LVMH) ou encore Hause of Stone… Autant de noms qui font déjà parler dans leurs pays respectifs et commencent à résonner sur la scène internationale.

« Pour 2020, nous voulions donner plus de sens et nous ajouter au mouvement Black Lives Matter. », explique Alexia Planas Lee. « La mode est liée à tout, et la culture affecte la mode, il est donc important de prendre position. Nous voulions le faire de la manière la plus utile possible ».

La mode africaine, fleuron d’une mode éco-responsable

Daniel Magunje dirige la communication du Circular Fashion Summit tout en ayant monté une agence qui insère les marques de mode africaines sur le marché chinois. Il raconte : « Pour l’édition de 2020, la moitié des designers était d’origine africaine. C’était intéressant de voir que malgré le fait qu’ils proviennent de pays différents, pour eux la durabilité fait partie de la « culture africaine ».

Plus loin il analyse : « En Afrique, sub-saharienne, ce qu’on nomme mode durable ou même upcycling n’est pas vraiment une option. En tant qu’africain, nous avons grandis avec la possibilité de pouvoir réparer les choses, récupérer les pièces de nos aînés, etc., et ce même lorsque vous avez les moyens d’acheter du neuf. Pour beaucoup, transmettre un vêtement est un signe d’amour ».

Il suffit de regarder de près les labels de mode et les engagements qu’elles portent pour se faire une idée. Si toutes sont différentes, elles envisagent la mode durable d’une manière qui leur est propre, chacun des designers semble se soucier des gens, de la manière dont ils sont traités et de l’impact que leur marque peut avoir sur leur communauté. Tous veulent produit et obtenir des ressources localement de manière à renforcer l’économie locale.

En Afrique, sub-saharienne, ce qu’on nomme mode durable ou même upcycling n’est pas vraiment une option. En tant qu’africain, nous avons grandis avec la possibilité de pouvoir réparer les choses, récupérer les pièces de nos aînés, etc., et ce même lorsque vous avez les moyens d’acheter du neuf.

« On peut par exemple se pencher sur Sindiso Khumalo”, suggère Alexia Planas Lee, « Elle soutient ses travailleurs via des ONG, notamment, pour sortir les jeunes femmes de la prostitution. Elle a une approche de durabilité sociale, centrée sur la question des femmes. »

« Lukhanyo Mdingi, lui, prête une attention accrue au gaspillage textile, il est aussi fortement intéressé par l’artisanat sud-africain », renchérit Daniel Magunje. Autre exemple, I.AM.ISIGO dont le travail “veut décoloniser l’esprit africain” en mettant l’accent sur les racines de la mode africaine, de la Côte d’Ivoire au Kenya, en remettant au goût du jour des matériaux et des traditions désormais oubliées.

« On nous a tant menti que souvent nous n’apprécions pas nos propres cultures », souligne Daniel Magunje, « c’est saisissant de voir qu’aujourd’hui cette nouvelle vague de designer puisse avoir un impact positif autant au niveau national qu’international ».

« L’un de nos espoirs”, exprime Alexia Planas Lee, c’est de voir se développer une industrie locale de la mode, et ce, à l’international. Parce qu’au final, on se soucie plus de quelqu’un proche de soi que d’une personne inconnue qui vit à des kilomètres ».

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