Ce que les réactions à l’anorexie de Tess Holliday disent de notre rapport au corps
- Tess Holliday, un tweet partagé 400 fois
- Tout le monde peut souffrir d’anorexie
- La mode et l’anorexie, un combat engagé mais loin d’être terminé
L’anorexie dans la mode est un secret de polichinelle. Longtemps, l’industrie a fermé les yeux sur la question, donnant à penser que cette maladie faisait presque partie intégrante du travail de mannequin. La faute aux diktats et à la l’idéal qu’essaye de nous vendre la mode depuis les années 20 : celui d’un corps mince et éternellement jeune.
Pourtant depuis des années, de nombreuses alertes ont ébranlé ce système, d’une part pour alerter sur les risques des troubles du comportements alimentaires et aussi, pour protéger les mannequins.
Le 1er mai 2021, c’est Tess Holliday, premier mannequin mode à étrenner une taille 56 sur les podiums des Fashion Week et fondatrice du mouvement #EffYourBeautyStandards, qui fait entendre sa voix en révélant son anorexie. Une déclaration qui a provoqué un vif émoi parmi ses fans, mais a également et tristement déclenché des salves de réactions totalement à côté de la plaque.
Tess Holliday, un tweet partagé 400 fois
C’est un tweet court mais touchant dont s’est fendue Tess Holliday ce 1er mai 2021. »Je n’ai plus honte de le dire à voix haute. Je suis le résultat d’une culture qui célèbre la minceur et qui en vaut la peine, mais j’écris maintenant mon propre récit. Je suis enfin capable de prendre soin d’un corps que j’ai puni toute ma vie et je suis enfin libre”, écrit la jeune femme originaire du sud des États-Unis.
« À tous ceux qui disent que je ne peux pas m’aimer moi-même et avoir un trouble de l’alimentation, telle est la véritable définition de m’aimer moi-même. Être capable de me prioriser et d’être en convalescence. Je suis plus consciente de moi que n’importe lequel de mes critiques ».
À 35 ans, la mannequin grande taille peut pourtant se vanter de 20 ans de carrière dans l’industrie de la mode. Un exploit et pas des moindres tant la mode comme nos sociétés sont pétris d’une vision toxique et négative concernant les corps gros.
Tout le monde peut souffrir d’anorexie
Au-delà de sa prise de parole courageuse, Tess Holiday soulève un point essentiel dans l’appréhension des troubles du comportement alimentaire et notamment de l’anorexie : ceux-ci concernent tout le monde. « Merci d’en avoir parlé. Il est si important que les gens sachent que toute personne de n’importe quelle forme ou taille peut souffrir d’anorexie. J’espère que vous recevez beaucoup de soutien », écrit une internaute sous le tweet de Tess Holiday.
Chelsea Kronengold, directrice adjointe de la communication de la National Eating Disorders Association (NEDA) expliquait au Guardian : “Les personnes ayant un poids élevé sont souvent non diagnostiquées ou mal diagnostiquées en raison de la stigmatisation et des idées fausses sur celles qui seraient plus susceptibles de souffrir d’un trouble alimentaire ».
En effet, si certains tabous concernant l’anorexie ont été brisés ces dernières années, il reste dans l’imaginaire des verrous qui nous font penser que cette maladie ne concerne que des personnes minces.
De nombreuses personnes souffrant d’anorexie atypique ne reconnaissent pas qu’elles souffrent d’un trouble alimentaire sévère.
Des représentations discriminantes qui expliquent sans doute que de nombreux internautes n’ont pas hésité à accuser la mannequin de mentir, certains allant jusqu’à évoquer le fait qu’on la voit manger sur certaines de ses photos sur Instagram.
« De nombreuses personnes souffrant d’anorexie atypique ne reconnaissent pas qu’elles souffrent d’un trouble alimentaire sévère. Cependant, les personnes ayant un diagnostic atypique connaissent bon nombre des mêmes complications médicales et psychologiques que celles qui souffrent d’anorexie « traditionnelle », poursuivait Chelsea Kronengold dans la même interview.
La mode et l’anorexie, un combat engagé mais loin d’être terminé
Si la prise de parole de Tess Holliday permet de faire avancer un peu plus la réflexion autour de l’anorexie dans le mode de la mode, le combat est loin d’être terminé. Depuis le milieu des années 2000, la mode a été appelée à revoir sa copie à ce sujet. Le 14 novembre 2006, Ana Carolina Reston, mannequin brésilien de 18 ans, avait trouvé la mort à Sao Paulo, des suites de son anorexie, alors qu’elle s’apprêtait à partir à Paris pour un shooting photo.
L’affaire avait choqué mais il faudra pourtant attendre dix ans pour que la France mette en place la loi santé dont l’objectif est “d’agir sur l’image du corps dans la société pour éviter la promotion d’idéaux de beauté inaccessibles et prévenir l’anorexie chez les jeunes », ainsi que « protéger la santé d’une catégorie de la population particulièrement touchée par ce risque : les mannequins », comme l’expliquait le ministère de la Santé de l’époque.
Désormais, pour travailler, les mannequins doivent fournir un certificat médical, délivré par la médecine du travail. Kering et LVMH, les deux plus grands groupes de luxe, ont aussi initié une charte « sur les relations de travail et le bien-être des mannequins ». Reste alors à faire évoluer les mentalités.
Pour de nombreux professionnels de santé, le lien automatique établi entre minceur et bonne santé, fait partie des idées reçues à combattre d’urgence. Le 30 avril dernier Tess Holliday écrivait : « À tous ceux qui n’arrêtent pas de dire « vous avez l’air en bonne santé ces derniers temps » ou « vous perdez du poids, continuez comme ça ! » Non. Ne commentez pas mon poids ni ma santé perçue. Gardez vos commentaires pour vous. Merci ».
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