Alber Elbaz, disparition d’un géant

Le monde de la mode pleure l’un des créateurs les plus emblématiques du chic parisien, décédé hier à l’âge de 59 ans.

Il était né sous le soleil de Casablanca un 12 juin 1961 et il s’est éteint hier à Paris, nous laissant brutalement orphelin de sa chaleur, de sa bonne humeur et surtout de son talent. Alber Elbaz, qui avait quitté la maison Lanvin en 2015, venait de faire son grand retour sur le devant de la scène mode avec sa griffe AZ Factory lancée en janvier dernier, en partenariat avec le groupe Richemont, pendant la semaine de la haute couture. On retrouvait avec bonheur le légendaire créateur au nœud papillon, qui après cinq ans d’absence, revenait nous faire rêver avec une collection aussi glamour que novatrice totalement dans l’air du temps mêlant prouesses technologiques et volumes coutures. Alber Elbaz, le magicien de la mode, celui qui avait laissé toutes les femmes amoureuses de son travail chez Lanvin, orphelines depuis son départ, était donc de retour avec son humour, sa délicatesse et sa poésie. Sa disparition laisse de nouveau un grand vide dans le cœur de tous ceux (et ils étaient nombreux) à avoir célébré son retour.

En vidéo, décès du légendaire créateur de mode Alber Elbaz

« La griffe était ressuscitée »

C’est Ralph Toledano, aujourd’hui président de la Fédération Française de la haute couture, et de la mode, qui avait le premier décelé l’immense talent de celui, qui, adolescent, dessinait déjà des robes sous les encouragements de sa mère. «Ce dont je suis le plus fier dans ma carrière, confiait-il au Madame Figaro en 2014, est d’avoir recruté en 1996 Alber Elbaz comme directeur artistique de Guy Laroche. Un vrai coup de foudre. Quand j’ai reçu son CV, j’ai été d’emblée frappé par son papier à en-tête où le t manquait à son prénom. Ça faisait cinq lettre en haut et cinq en bas, c’était parfaitement graphique. Je me suis dit : non seulement il sait qu’il faut être différent, mais en plus, il réfléchit à tout. Quand je l’ai vu entrer avec sa veste rouge, ses chaussures rouges –qu’il portait sans chaussettes-, j’ai su que c’était lui. Quelque temps après il a présenté sa première collection pour la maison. Le choc a été tel que le personnel s’est mis à pleurer. La griffe était ressuscitée».

Après la présentation du défilé s’ouvre une période difficile : je ressens un vide énorme et le doute ressurgit.

La mode, c’est ça, c’est l’humanité. C’est une paire de ciseaux et des mains qui font des prouesses.

J’aimerais ne présenter que des défilés de femmes, pas des défilés d’habits.

Croquis autoportrait d’Alber Elbaz.

Alber et Lanvin

Mais Alber Elbaz n’est pas à une résurrection près. Après Guy Laroche puis Yves Saint Laurent (où il a officié comme directeur artistique de la ligne Saint Laurent Rive Gauche), il est recruté en octobre 2001 par la femme d’affaire taïwanaise, Shaw-Lang Wang, devenue propriétaire de Lanvin. Il est tout de suite applaudi aussi bien par les médias que par les femmes du monde entier qui plébiscitent son sens mesuré du luxe et du bon goût à la française associés avec un certain chic décontracté à l’américaine (fruit de ses années passé auprès du couturier Geoffroy Beene à New York dont il était devenu l’assistant après ses études de mode au Shenkar College de Tel-Aviv).

Il opére une véritable renaissance de la maison Lanvin. Sa maîtrise de la coupe, ses choix de tissus et de couleurs d’une grande subtilité, ses petites robes de cocktail chic et modernes sont salués par ses pairs. Il est pétillant, inventif et maîtrise parfaitement le «bien aller» du vêtement. En rupture avec la direction de l’entreprise, il quitte Lanvin en octobre 2015. Premier choc et grande désolation dans le milieu de la mode.

Défilé Lanvin Prêt-à-porter Printemps-été 2016 Paris

Défilé Lanvin Prêt-à-porter Printemps-été 2016 Paris

Défilé Lanvin Prêt-à-porter Printemps-été 2016 Paris

Défilé Lanvin Prêt-à-porter Printemps-été 2016 Paris

Et il se remit à rêver

Après son départ, il avait multiplié les collaborations, dévoilant notamment en 2019 une collaboration avec la griffe italienne Tod’s. Dans une interview donnée au Figaro au moment du lancement de sa nouvelle griffe AZ Factory, il affirmait aussi avoir connu ces cinq dernières années, la dépression, le vide, l’ennui… puis, disait-il, il s’est un jour remis à rêver. Et nous avec. Cet alchimiste de l’allure chic, dans une ultime pirouette, nous laisse à nouveau orphelin. Le monde entier pleure non seulement le créateur mais aussi un ami des femmes. Un homme pas comme les autres qui savait les sublimer comme nul autre.

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