Vrai-faux sur le plastique végétal
Créé à partir de canne à sucre, maïs ou pomme de terre, le plastique végétal serait-il la solution pour en finir avec le pétrole ? Pas si sûr.
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Bouteilles, flacons, emballages alimentaires… D’ici 2040, le plastique à usage unique, très polluant, sera interdit en France. Anticipant cette disparition programmée, des industriels travaillent depuis une vingtaine d’année à l’élaboration de bioplastiques. L’idée ? Remplacer le pétrole par une matière première végétale, renouvelable et biodégradable. Une proposition séduisante… mais pas encore au point.
La chimie du végétal
Par un procédé industriel, on peut transformer en résine plastique certains extraits végétaux comme l’amidon de maïs ou de blé, la fécule de pomme de terre, la pulpe et les résidus de canne à sucre, betterave ou bois. Des ressources naturelles abondantes et locales (à l’exception de la canne à sucre cultivée au Brésil, en Inde ou en Chine). Encore marginale, la production de bioplastique commence à se développer, notamment en Europe et en Amérique du Nord. Principal frein à l’essor du plastique « vert » : son prix. Il est 1,5 à 4 fois plus cher qu’un plastique traditionnel.
Du pétrole, encore du pétrole…
Le bioplastique n’a de bio que le nom. Pour cultiver les plantes qui entrent dans sa composition, il faut la plupart du temps des engrais et des pesticides. Oui mais « utiliser un bioplastique à la place d’un polymère d’origine pétrolière permet, selon les applications, d’éviter l’émission de 30 à 75% de CO2, le principal gaz à effet de serre », argumente-t-on au Club Bio-plastiques, le syndicat des fabricants français. Encore faut-il que le matériau soit 100% d’origine végétale. Car la loi autorise les industriels à utiliser jusqu’à 60% de pétrole pour fabriquer du bioplastique (40% en 2025). Pas franchement écolo ! Pour s’orienter, on se fie au label OK Biobased. Le nombre d’étoiles indique la part de matières premières renouvelables : deux étoiles pour 40 à 60%, trois pour 60 à 80% ; quatre pour plus de 80%.
Pas toujours biodégradable
Il existe deux sortes de bioplastiques : ceux – majoritaires – qui servent à fabriquer des produits jetables (sacs, films d’emballage, capsules de café…), et ceux qui ont des applications plus durables (coques de téléphone, pièces automobiles…). Les premiers sont biodégradables, c’est-à-dire qu’ils peuvent être décomposés naturellement par des micro-organismes (bactéries, champignons), même s’ils contiennent du pétrole. Les seconds ne le sont pas toujours. Pas facile de s’y retrouver !
Direction le compost
L’intérêt des sacs et autres emballages en bioplastique ? On peut les composter. Pour en avoir le cœur net, on traque le label OK Compost qui certifie que le matériau est biodégradable à 90% en six mois. Pour parvenir à ce résultat, il faut se rendre dans un centre de compostage. Une mission souvent impossible car la filière est encore peu développée en France. Et le composteur du jardin ? On peut y déposer un ou deux sacs de temps en temps (pas plus, sinon ça ne marche pas) et la décomposition prendra un an minimum. Plutôt décourageant…
Algues transformables
Basée à Saint-Malo, la marque Algopack conçoit un plastique 100% naturel à base d’algues brunes (algopack.com). Celles-ci sont cultivées en mer bretonne, sans engrais ni pesticides. Elles sont aussi récoltées sur les plages des Caraïbes, où elles prolifèrent et dégagent un gaz toxique en se décomposant : un moyen de valoriser les algues sargasses, véritable fléau local. Le biomatériau, entièrement compostable, se décompose en quelques heures, sur la terre ou dans l’eau de mer. On en fait des barquettes alimentaires, des jetons de caddie et même des brosses à WC (en vente sur le site biom.paris). À suivre.
Filière prometteuse
Un plastique comestible, ça vous tente ? Crée à partir de caséine de lait, ce polymère est breveté par l’entreprise Lactips, installée dans la Loire (lactips.com). Ce ne sont pas tant ses qualités gustatives qui intéressent les industriels que sa composition 100% biosourcée et son caractère biodégradable. Soluble dans l’eau, il est tout indiqué pour les sachets de pastilles lave-vaisselle et les capsules lave-linge. Des produits qui devraient se multiplier en rayon d’ici peu.
Les divers usages du bioplastique
- Les jouets pour enfant en bioplastique sont fabriqués avec du maïs, du manioc ou de la canne à sucre (HEMA, Sophie la girafe…).
- Sans aluminium ni pétrole, les capsules de café végétales peuvent être compostées (Legal, Lobodis…).
- Avec leur manche à base de ricin ou de lin, les brosses à dent à tête rechargeable sont plus écologiques (Caliquo, Bioseptyl…).
L’avis de notre experte
Laura Châtel, responsable de campagne à l’association Zero Waste France (zerowastefrance.org)
« Il existe un grand flou autour du mot bioplastique, qu’on utilise à tort et à travers. Quelle est la part de matières premières végétales ? Où et dans quelles conditions celles-ci ont-elles été cultivées ? Viendront-elles un jour concurrencer les cultures alimentaires, ce qui aurait de graves conséquences sociales et environnementales ? Il faut rester très vigilant. La même confusion existe autour de la notion de biodégradabilité. Au bout de combien de temps la matière se décompose-t-elle ? Et dans quelles conditions ? On n’en a aucune idée ! Pire, cela laisse à penser qu’un sac biodégradable peut être jeté dans la nature, ce qui est faux. Le terme « compostable » est plus précis. Mais on ne peut pas vraiment parler d’économie circulaire car composter du plastique ne présente aucun intérêt agronomique, la matière est perdue. Pas recyclable avec les autres plastiques, jamais composté ou presque, le bioplastique finit la plupart du temps incinéré ou enfoui avec les ordures ménagères. »
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