Voici comment les accès de colère détruisent l'organisme à petit feu
La colère peut être bénéfique quand elle permet d’exprimer des sentiments refoulés. Mais lorsque qu’elle s’avère trop fréquente, trop intense et qu’elle se manifeste sans raison apparente, elle fait du tort à l’organisme. Décryptage avec deux spécialistes.
Rien de plus normal que de ressentir de la colère, il ne sert même à rien de la ravaler puisque les émotions négatives doivent être évacuées. Mais plus globalement, chez certaines personnes, la frustration enmagasinée est excessive, trop souvent sans raison et n’aboutit à rien. La faute au cortex préfrontal, la zone du cerveau chargée de réguler les émotions, qui ne parvient pas à en diminuer l’intensité. Dans ce cas, la colère nuit. «À force de mettre le corps en surtension et en surrégime, elle est extrêmement énergivore pour l’organisme et le cerveau», précise Christophe Haag, professeur à l’EM Lyon et chercheur en psychologie sociale (1). Selon le professionnel, il serait même urgent de la maîtriser : «Elle est dans le « hit parade » du trop-plein d’émotions négatives ressenties aujourd’hui, je dirais qu’elle est assez dangereuse pour l’homme». Précisions.
Des effets néfastes sur la santé
«Lorsqu’elle est ressentie fréquemment, violemment et de manière non adaptée, la colère peut développer des hernies, de l’urticaire, du psoriasis, de l’asthme et des douleurs dans le bas du dos», explique Christophe Haag. À terme, d’autres problèmes plus sérieux peuvent apparaître chez ces personnes. Elles ont plus tendance à souffrir de «maladies cardiovasculaires, de problèmes cardiaques et d’accidents vasculaires cérébraux, car elles sont en hypertension», indique le docteur en psychologie Didier Pleux (2). Les colériques chroniques s’exposent aussi davantage aux ulcères.
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Repli sur soi
Ressentir trop fréquemment de la colère affecte l’équilibre émotionnel et la psyché. La raison est simple : «La physiologie périphérique de la colère est proche de celle du stress», explique Christophe Haag. Résultat, «cette émotion peut amener à développer de l’anxiété, des phobies ou un comportement compulsif». Dans certaines mesures, la colère peut aussi conduire au repli sur soi voire à la dépression.
Si la colère est souvent orientée vers les autres, quelques fois, celle-ci peut être dirigée envers soi-même et nuire à l’estime de soi : «Certaines personnes sont tout le temps en colère contre elles-mêmes, elles se détestent et s’auto-condamnent», précise Didier Pleux.
La recherche de palliatifs pour s’apaiser
Selon le chercheur Christophe Haag, «les « serial colériques » ont une faible capacité de régulation émotionnelle, contrairement aux personnes douées d’une intelligence émotionnelle». S’ils ne sont pas pris en charge par un spécialiste, comme un coach ou un psychothérapeute, ils peuvent développer un comportement excessif pour s’apaiser. Cela se traduit par une consommation importante «de cigarettes ou d’alcool, par exemple, mais aussi, plus rarement, de sport», commente le docteur en psychologie.
Un impact négatif sur nos relations avec les autres
Que ce soit avec ses amis, son conjoint, ou son ou sa supérieur(e), la communication avec les autres est stérile et ne mène à rien quand on est en colère. L’entourage pâtit de ces excès, qui finissent par nuire à la qualité de nos relations et réduire notre cercle social.
L’application Dr Mood
Développée par le Pr Haag avec d’autres chercheurs, cette application mobile permet d’identifier ses émotions. Gratuite et disponible sur Android et IOS, elle délivre des exercices pratiques à faire au bureau ou à la maison, pour ne plus laisser la colère ou tout autre émotion nous envahir. Par exemple, Christophe Haag recommande «de décharger sa colère sur un objet inanimé, dans un endroit calme, en lui parlant calmement pour ne pas s’énerver davantage».
«S’exprimer avec colère est un signe d’immaturité émotionnelle. C’est un moyen d’expression chez le tout-petit pour demander quelque chose parce qu’il ne dispose pas d’assez de mots, mais quand on est adulte, on les a», souligne Didier Pleux. Faute de pouvoir mettre des mots sur leurs ressentis sans perdre le contrôle, «les personnes en colère s’enferment. L’émotion peut ainsi nuire à la relation amoureuse dans un couple par exemple, pouvant parfois conduire à la rupture», précise Didier Pleux.
Les solutions pour y remédier
La première étape consiste à reconnaître la colère et à accepter d’y avoir cédé. Coucher son ressenti sur le papier, ou le support de son choix, puis prendre du recul et y revenir plus tard, est aussi un moyen efficace de gérer cette émotion. Effectuer des respirations profondes aide à se calmer, en diminuant sa charge émotionnelle. «Se reconnecter à la nature est aussi une façon de diminuer la colère très rapidement», ajoute Christophe Haag.
Enfin, préserver ses relations malgré ses accès de colère est possible, il suffit de «verbaliser l’émotion et de s’excuser auprès des personnes sur lesquelles on s’est emportées», conclut le chercheur en psychologie sociale. De quoi ne plus laisser la moutarde nous monter au nez.
(1) Christophe Haag est auteur du livre La Contagion émotionnelle, aux éditions Albin Michel, 456 pages, 21,90 euros, paru en avril 2019.
(2) Didier Pleux est auteur de l’ouvrage Exprimer sa colère sans perdre le contrôle, aux éditions Odile Jacob, 224 pages, 21,90 euros, paru en septembre 2006.
* Initialement publié en mai 2019, cet article a fait l’objet d’une mise à jour.
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