Végétariens ou vegans, ils racontent leurs réveillons de fêtes face à la dinde et aux tensions familiales

  • Un nouveau motif pour juger l’autre
  • Quand toute la tablée devient spécialiste de la nutrition
  • Un affront aux traditions mal accueilli

“Pour la faire courte, quand j’ai arrêté de manger de la viande, j’ai aussi arrêté les repas de famille”, déclare en riant, Marine, 26 ans. 

Voilà quatre ans que la jeune femme est devenue végétarienne, pour “aligner [son] régime alimentaire sur [ses] convictions”. Sauf qu’en décidant de ne plus consommer ni viande ni poisson, elle a – indirectement – fait une croix sur le partage de repas avec une partie de ses proches. 

Comme elle, 2,2 % des Français.es ont un régime sans viande (végétarien, végétalien, pesco-végétarien) et 24 % sont flexitarien.nes, d’après une enquête France Agrimer de 2020. 

Si les esprits s’ouvrent peu à peu quant aux questions de bien-être animal et de préservation de la planète, le sujet de l’alimentation reste clivant. Surtout quand on se retrouve autour d’un repas à plusieurs. D’ailleurs, c’est même un thème à éviter, au risque que le repas de famille ne dégénère. 

Celles et ceux de l’autre côté de la table – et de la dinde – nous racontent comment ils.elles survivent aux tablées festives et carnées.

Un nouveau motif pour juger l’autre 

« Environ la moitié des familles déclarent que les conflits alimentaires lors des fêtes sont un défi pour elles. Beaucoup de conflits émotionnels sont liés au contenu des assiettes à cette période de l’année« . Voilà ce que rapporte une étude, menée par l’université du Michigan (États-Unis) en 2016.

Des “moments éprouvants” que Marine connaît bien. “Je viens d’une famille de viandards et même après plusieurs années, l’incompréhension perdure. On assimile mon végétarisme à un moyen de me faire remarquer. Ils pensent que je les juge parce qu’ils mangent des animaux, alors que je veux juste dîner en paix”, décrit-elle. 

Son premier réveillon de Noël sans foie gras, saumon fumé ou dinde avec sa famille maternelle a aussi été son dernier : “C’est pas comme ça que tu vas prendre du poids”, “Mais tu ne veux pas faire honneur à mon plat ? Le chapon a cuit des heures”, “Faire autant de trajet pour manger de la salade”… La jeune femme est assaillie de tous les côtés quand elle explique qu’elle ne mange plus “comme avant”. 

“J’étais clairement l’attraction de la soirée. En plus, j’étais encore novice dans le végétarisme donc je n’osais pas proposer des recettes. Mais au-delà du contenu de mon assiette, j’ai vite compris que c’était surtout une excuse pour m’attaquer sur d’autres facettes de ma personnalité et de mon mode de vie”, tranche-t-elle. 

Si aujourd’hui Marine reste proche de sa mère, elle préfère réveillonner avec la famille de son père. “Chez lui, je peux manger en paix, notamment parce que l’une de mes tantes est vegan. Parfois on reçoit des petites piques, mais c’est toujours bienveillant. Je n’ai pas arrêté de manger de la viande pour être celle que l’on cuisine pendant des heures à table”, complète-t-elle. 

Quand toute la tablée devient spécialiste de la nutrition

“Être végétarien à Noël, c’est un peu comme être végétarien à n’importe quel autre moment de l’année, seulement avec un sens de l’observation et de l’humour beaucoup plus important qu’à l’accoutumée”, résume la journaliste Larissa Dubecki pour The Guardian

“C’est sûr qu’entre mon grand-père qui essaie de me faire manger du poulet et ma cousine qui me fait la même blague tous les ans (en lui mettant des branches de sapin dans son assiette, ndlr), faut être déterminé”, sourit Benjamin, 29 ans et végétarien depuis sept ans. 

Ce qu’il déteste le plus “surtout après tant d’années” : “les fausses incompréhensions et la soudaine reconversion de ma famille en spécialiste de la nutrition”, souffle le jeune homme. 

S’il ne dit pas que les remarques en lien avec son végétarisme n’existent qu’un soir par an, il admet que le réveillon de Noël est « lourd ». Certaines années, il s’est même disputé avec certains membres de sa famille. “Mes grands-parents pensent toujours que c’est une ‘connerie’. Pour eux, je suis un garçon alors je devrais presque dévorer la moitié de la dinde”, caricature-t-il.  

Car Benjamin note des réactions différentes entre son végétarisme et celui de sa sœur. “C’est presque un affront à ma masculinité que de dire que je préfère les légumes, alors que pour ma sœur c’est un peu passé comme une lettre à la poste. En gros, c’est une fille donc c’est ok si elle veut manger que de la salade. Après, elle m’a suivie dans mon mouvement, c’est peut-être pour ça aussi”, questionne le jeune homme. 

Mais avec le recul, le vingtenaire prend les choses avec humour. “Je sais qu’ils ne changeront jamais d’avis. Mais quand ils font l’effort de goûter mes alternatives, je remarque déjà qu’on a fait du chemin”, relativise-t-il.

Un affront aux traditions mal accueilli

Un premier pas que Claire, 25 ans et vegan depuis près de deux ans n’a pas encore noté. 

“J’ai proposé d’organiser le repas du 25 chez moi l’année dernière, pour faire découvrir ma vision du réveillon cruelty-free à ma famille, mais tout le monde a refusé l’invitation. C’est moi qui m’adapte ou rien”, résume la jeune femme. 

Son menu à base de “Wellington de lentilles”, différentes sortes de tofu mariné et rôti au four accompagnées de légumes divers et d’une bûche gourmande à base de crème de coco n’attire pas ses proches, adeptes des traditionnelles coquilles Saint-Jacques et de la dinde aux marrons.

Je voudrais juste être incluse, parce que j’ai l’impression de faire Noël de mon côté avec mon assiette spéciale et mal regardée. 

Parce qu’au-delà de ne pas partager les mêmes goûts qu’elle, sa famille a du mal à voir ses traditions changer selon Claire. 

“Tout au long de notre vie, on évolue, on change de lieu, d’emploi, de conjoint. Mais la tradition, c’est ce qui est stable, à peu près tout au long de notre vie”, explique Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec à La Presse.

Et quand cette dernière est bousculée, alors, c’est notre sécurité dans la sphère familiale qui s’en retrouve heurtée.

“Je comprends que ça peut être dur de manger autre chose que la dinde cuisinée à la façon de ma grand-mère, mais je ne les oblige pas à manger vegan, je voudrais juste être incluse, parce que j’ai l’impression de faire Noël de mon côté avec mon assiette spéciale et mal regardée”, explicite la jeune femme. 

Alors, cette année, Claire a décidé de réveillonner avec ses ami.es (végétariens et vegans) pour ne pas « attiser les conflits ». « Je les rejoindrai plus tard dans le week-end pour ouvrir les cadeaux. Ça ne vaut pas le coup de se déchirer pour le contenu d’une assiette. Après tout, le but de Noël c’est de se retrouver et pas de s’écharper », termine-t-elle, avec espoir.

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