Vacciner les femmes enceintes, une urgence face à l’hécatombe de la troisième vague

Alors qu’elles sont prioritaires depuis plusieurs semaines, des femmes enceintes ignorent encore qu’elles peuvent se faire vacciner contre le Covid-19 dès le deuxième trimestre. D’autres, inquiètent des effets du vaccin, hésitent encore. Pourtant, les médecins le répètent : le vaccin est primordial pour se protéger soi et son bébé.

Quand Louise est allée se faire vacciner lundi 26 avril au stade de Gerland à Lyon, l’infirmière qui lui a fait l’injection lui a dit qu’elle voyait très peu de femmes dans son cas. Enceinte de son troisième enfant, elle-même n’avait appris que très récemment qu’elle était éligible. « C’est ma belle-mère qui m’a dit que j’étais prioritaire, j’avais du mal à la croire parce que je n’avais pas eu l’information ». Même si elle n’a jamais été anti-vaccins, Louise a tout de même hésité avant de prendre rendez-vous. « J’avais quelques appréhensions. Est-ce que le vaccin pouvait toucher le fœtus ? Ça paraît bête, mais c’est une question qu’on se pose. J’ai lu quelques études et j’en ai parlé à ma sage-femme et mon médecin traitant qui m’ont dit qu’il n’y avait pas d’effets secondaires. » Comme elle, Agnès, enceinte de cinq mois, a choisi de se faire vacciner, non sans se poser de questions. « Forcément avec des vaccins tous neufs qui surgissent comme ça en moins d’un an, on s’est tous interrogés, mais j’ai déjà eu le Covid, alors je sais ce que c’est… » Pourtant, parmi ses amies enceintes, certaines, qui sont dans leur dernier trimestre de grossesse, refusent encore de recevoir leur première dose.   

Jusqu’à 10% des femmes qui accouchent positives au Covid 

Vidéo: «Jamais je n’aurais pensé jeter des doses d’AstraZeneca» : le coup de gueule d’un médecin en vidéo (Dailymotion)

Des patientes qui refusent le vaccin, Jacky Nizard, professeur de gynécologie-obstétrique à la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) à Paris, en voit régulièrement. « Ça nous peine, surtout quand elles risquent des formes graves, parce qu’elles ont un diabète, un problème cardiaque ou une obésité. » Dans son service, il voit bien que cette troisième vague n’a rien à voir avec les précédentes. « Lors de la première vague, les patientes ont été prises par surprise, on ne connaissait pas la pandémie et on a eu pas mal de malades. La deuxième vague, on a eu quasiment aucun cas, car les femmes enceintes ont fait super attention, elles ont été très prudentes, portaient des masques, se lavaient très souvent les mains et ont eu peu de contacts sociaux. Mais la troisième vague, c’est l’hécatombe. Certaines semaines, 10% des femmes qui accouchent chez nous sont positives au virus, c’est énorme ! Environ 95% des femmes enceintes malades sont multipares, parce que le variant anglais circule énormément chez les petits. Elles ont fait très attention, mais on ne peut pas se protéger de ses propres enfants. » Pour répondre aux inquiétudes liées à la vaccination, il insiste : aucune alerte n’a été faite sur des potentiels risques pour les bébés, en revanche ils bénéficieront de l’immunité de leur mère si celle-ci est vaccinée. Malgré tout, il l’admet, « les femmes ont raison de dire que nous n’avons pas de recul. Nous n’avons pas de recul sur des accidents rarissimes liés aux vaccins, en revanche nous avons du recul sur la dangerosité de la pandémie. » Comme effet secondaire, les femmes que nous avons contactées ont seulement ressenti une douleur au bras le lendemain de l’injection. « Je n’ai pas pu lever mon bras pendant vingt-quatre heures. Ça m’a fait un peu peur, mais j’ai appelé des amis aux Etats-Unis qui m’ont dit avoir eu mal pendant trois jours. Je ne m’y attendais pas », nous raconte Anne-Sophie, qui a reçu une injection Pfizer le 9 avril dernier et recevra dans quelques jours la seconde.  

Inciter les femmes à reporter leur projet de grossesse n’est pas d’actualité  

Le débat sur les vaccins placerait presque au second plan les risques liés à la maladie. Et pour les femmes enceintes, ils ne sont pas négligeables. « En fin de grossesse, beaucoup de femmes sont essoufflées, alors imaginez avec une infection. Arriver à respirer avec deux poumons infectés et un diaphragme qui n’arrive pas à descendre parce qu’on a un gros ventre pose un problème mécanique », explique Jacky Nizard. Agnès, qui a déjà eu le Covid-19  en mars 2020, en sait quelque chose. « J’ai eu une forme assez sévère et on a dû appeler le SAMU deux fois. J’ai passé trois semaines alitée. Pour faire les trois mètres qui séparaient ma chambre des toilettes, j’étais obligée de demander à mon conjoint de m’aider. A chaque fois que j’allais à la salle de bain, j’avais l’impression de courir un semi-marathon et six mois après j’avais encore des symptômes. Je ne vois pas comment un organisme peut gérer à la fois une grossesse et le Covid. » Au Brésil, face aux ravages de l’épidémie, le secrétaire du ministère de la santé, Raphael Camara, a recommandé aux femmes de reporter leur projet de grossesse. Un conseil qui devrait également s’appliquer en France ? « Nous n’en sommes pas encore là en France, assure Jacky Nizard, la vaccination se déroule assez efficacement pour que nous n’ayons pas ce problème. Mon souci au quotidien, c’est plus la réouverture des écoles. »  

Alors que certaines femmes enceintes éprouvent quelques difficultés à trouver un créneau pour se faire vacciner – Agnès a par exemple mis dix jours pour prendre rendez-vous sur Doctolib – le médecin recommande de se rendre directement dans un centre de vaccination en cas de problème. Et d’ajouter : « Si j’ai un conseil à donner, allez-y avec votre partenaire pour qu’il ou elle puisse s’inscrire sur une liste d’attente. Si le couple arrive à être vacciné, c’est encore mieux. »  

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