Tsundoku, komorebi, kawaakari… 15 mots japonais intraduisibles
LOST IN TRANSLATION. Chaque premier lundi du mois, GEO vous invite à découvrir un petit lexique de mots intraduisibles aussi savoureux que dépaysants. Aujourd’hui, direction le Japon.
Dépaysement, affriolant, retrouvailles, emberlificoter… Ces mots sont banals pour n’importe quel francophone. Pourtant, pour les étrangers, ils sont diaboliques, car ils ne possèdent aucun équivalent dans aucune autre langue de la planète. Mais l’inverse est aussi vrai : chaque langue possède un vocabulaire bien à elle, qui transcrit une manière de voir le monde, une géographie ou une culture, et qui ne trouve pas de traduction directe ni exacte. Ces mots exotiques qui expriment en à peine quelques syllabes ce que le français ne parvient à dire qu’en une ou plusieurs phrases sont des casse-tête pour nos traducteurs, mais des trésors pour les amoureux des voyages.
Le sens aigu de l’esthétisme, la sensibilité à la nature, aux émotions et aux petits plaisirs de la vie, mais aussi l’importance de la maîtrise de soi… Le japonais, parlé par cent trente millions de personnes dans le monde et écrit avec des kanjis (sortes d’idéogrammes), des katakanas et des hiraganas (espèces de signes phonétiques), offre une infinité de nuances difficiles à cerner pour un étranger. Voici quinze mots retranscrits en rōmaji (alphabet latin), et qu’on aimerait bien adopter dans la langue de Molière.
Tsundoku : ce terme désigne cette manie compulsive d’acheter des livres qu’on n’aura pas le temps de lire, et qui vont donc juste s’entasser dans la bibliothèque.
Mono no aware : à la fois esthétique et spirituel, ce concept renvoie à cette douce tristesse que l’on ressent lorsque l’on prend conscience de la fugacité des choses de la vie. S’applique par exemple à la floraison des cerisiers, que les Japonais apprécient d’autant plus qu’elle ne dure guère. C’est une sensibilité pour l’éphémère, en quelque sorte.
Irusu : caractérise le fait de se faire le plus discret possible et de prétendre ne pas être chez soi lorsque quelqu’un sonne à la porte.
Komorebi : l’attention que portent les Japonais aux plus infimes beautés de la nature s’exprime à merveille avec ce mot faisant référence à la lumière du soleil qui filtre à travers les feuilles des arbres.
Age otori : expression très utile, qui pointe cette désagréable sensation que l’on éprouve parfois en sortant de chez le coiffeur : celle d’être plus horrible après qu’avant !
Kawaakari : ce mot s’applique aux reflets particuliers que peut prendre l’eau au crépuscule ou une fois la nuit tombée, par exemple le miroitement de la lune sur l’onde d’un lac ou d’une rivière.
Yoko meshi : littéralement, pourrait se traduire par « avaler de travers ». Mais cette formule fait en réalité référence à cette montée de stress qui peut nous étreindre quand nous sommes contraints de parler une langue étrangère, cette indescriptible angoisse de ne pas réussir à comprendre et/ou à se faire comprendre.
Baku shan : un mot plutôt cruel, puisqu’il sert à qualifier une femme considérée comme plus jolie de dos que de face.
Natsukashii : cet adjectif s’emploie lorsque le passé refait brusquement surface, via un objet, un souvenir, une mélodie… Mais attention, aucune peine n’est ressentie : ce qui est natsukashii rend nostalgique, mais sans regret, plutôt avec bonheur.
Kyōiku mama : correspond à une mère qui exerce une pression et un contrôle excessifs sur ses enfants en matière d’études et d’orientation professionnelle. Clairement péjoratif.
Shoganai : pourrait être plus ou moins traduit par « il n’y a rien à faire ». Mais ce mot renvoie en réalité à toute une philosophie de l’existence, fondée sur l’importance de l’acceptation : les Japonais l’utilisent pour remonter le moral de quelqu’un qui connaît un épisode difficile en lui signifiant qu’on ne peut pas tout contrôler dans la vie, que parfois, certaines choses négatives adviennent sans qu’on n’y puisse rien. S’inquiéter, culpabiliser ou regretter n’a alors aucun sens. Shoganai est donc une espèce d’incitation au détachement.
Boketto : ce nom exprime le fait de regarder distraitement au loin, signe qu’on est physiquement présent, mais mentalement absent.
Arigata meiwaku : désigne l’aide offerte par quelqu’un sans qu’on lui ait rien demandé. Une initiative qui peut s’avérer totalement contre-productive, et pour laquelle on se sent, malgré tout, obligé d’afficher sa reconnaissance. En résumé, c’est une bonne intention… indésirable !
Koi no yokan : c’est une sorte de prémonition amoureuse. Toutes ces sensations exaltantes que l’on ressent lorsque l’on rencontre pour la première fois quelqu’un dont on devine que l’on va, immanquablement, s’éprendre. Pas tout à fait le coup de foudre, mais déjà une ébauche de passion.
Tatemae : un concept fondamental dans la culture nippone, que l’on pourrait traduire par « façade ». Tatemae, c’est ce que l’on laisse transparaître de soi-même en société, les opinions et les sentiments que l’on ose exposer en public. Cette position consensuelle, adoptée en général pour éviter de faire des vagues ou de froisser un tiers, ne peut donc pas forcément toujours correspondre à ce que l’on pense ou ce que l’on désire réellement, qui se traduit par honne. Le paraître versus l’être, en quelque sorte.
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