Travail et covid long : une équation impossible qui plonge les salariés dans une grande précarité
“J’imagine que c’est une patiente qui m’a contaminé.” Infirmière libérale, Céline Castera tombe malade du Covid-19 en mars 2020 lors de l’une de ses tournées.
« Je n’étais pas très inquiète car, à l’époque, on nous disait que les plus « jeunes » ne risquaient pas de développer de formes graves », se souvient celle qui faisait alors plus de 15 heures de sport par semaine et suivait en parallèle une formation de coach fitness.
Pourtant, rapidement, les maux de têtes, montées de fièvre et autres manifestations habituelles du virus laissent place à une fatigue terrassante, des troubles neurologiques et digestifs ou encore à une incapacité à se mouvoir.
« Les arrêts de travail se sont enchaînés. J’ai tenté de reprendre le travail par moment, avec des horaires aménagés, mais ça n’a fait qu’empirer les symptômes », raconte celle qui, après près de trois ans de galère, des décisions d’experts médicaux l’enjoignant de reprendre le travail et, par conséquent, l’aggravation de son état de santé, a dû se résoudre à abandonner définitivement son activité professionnelle et à céder sa patientèle.
Aujourd’hui membre active de l’association #AprèsJ20, elle milite pour la reconnaissance du covid long, mais aussi le développement de soins spécifiques pour ceux et elles qui en souffrent, la communication autour de cette maladie et la recherche scientifique pour mieux la comprendre.
« Si les médecins-conseils étaient mieux informés sur cette pathologie, cela permettrait de mettre en place des solutions de soutien au sein des entreprises comme des mi-temps, des aménagements de temps de travail pour éviter l’arrêt complet », nous explique-t-elle.
Covid long : une maladie professionnelle qui n’entre pas dans les textes de loi
Car, trois ans après l’apparition de la pandémie, les quelque 2 millions de Français contaminés par le virus présentant encore des symptômes de Covid long (selon Santé Publique France) ne bénéficient d’aucune reconnaissance de leur maladie en dépit de son caractère invalidant.
Un déni généralisé, de l’administration publique aux professionnels de santé, qui vient sensiblement affecter leur vie professionnelle, quand celle-ci n’est tout simplement réduite à néant.
« Certains experts ont balayé d’un revers de la main l’hypothèse d’un covid long qui serait responsable de mes symptômes ou de considérer les comptes-rendus médicaux qui étayaient pourtant cette hypothèse », déplore Marine (le prénom a été changé ndlr), auxiliaire de puériculture qui, dans l’incapacité de reprendre son travail, a constitué un dossier pour faire reconnaître sa maladie comme étant imputable au service.
« Mon cas ne collait pas aux textes de loi mais il était impossible de nier objectivement le lien de corrélation entre mon état et le covid« , poursuit-elle.
Passage en commission, lettres de réclamation, demande d’appels : la jeune quadragénaire, contaminée en octobre 2020, a enduré un véritable parcours du combattant pour maintenir ses revenus et sa prise en charge médicale, qui peut s’avérer par ailleurs très coûteuse chez certains patients.
Un flou administratif qui laisse les malades dans la précarité
Car c’est ici que le bât blesse : en plus de voir leur condition physique et mentale s’aggraver, les patients atteints de covid long ne bénéficient d’aucune aide financière officielle.
“Certains patients se retrouvent dans une situation de forte précarité à cause de ce manque de reconnaissance », pointe Céline Castera. “Avec l’association, nous demandons donc la mise en place d’aides particulières, comme une prise en charge ALD Covid long par exemple ou la RQTH« , précise-t-elle.
Prévu pour les maladies chroniques de plus de 6 mois, le dispositif Affection Longue Durée prévoit un dispositif dérogatoire – l’ALD hors liste – que les médecins peuvent demander auprès de l’assurance-maladie pour leurs patients. Problème ? Le covid long n’étant pas reconnu comme tel, l’octroi de ce dispositif n’est pas automatique. Et fait donc office d’exception.
Même chose pour la RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, ndlr) qui, tout en pouvant faire l’objet d’une demande, requiert l’obtention d’un certificat médical souvent compliqué à obtenir, le Covid long restant encore largement méconnu et mal compris par les médecins eux-mêmes. “Ce document est très rarement octroyé par les médecins », confirme Céline Castera.
Une forme de déni administratif et sanitaire en somme, qui se répercute à l’échelle collective au sein de la société et du monde de l’entreprise.
Une indifférence collective qui isole les salariés-malades
« Au sein de mon cabinet, une de mes collègues qui ne supportait plus mes absences m’a mis la pression pour que je prenne une décision quant à mon avenir dans le cabinet. Elle m’a énormément culpabilisée », raconte l’infirmière Céline Castera qui, pour pallier ses absences et minimiser sa fatigue, a dû demander à son époux, également infirmier, de la conduire lors de ses tournées auprès de ses patients.
Jusqu’au jour où elle n’a plus pu se lever de son lit, et commencer à se déplacer en fauteuil roulant dans sa propre maison. Soutenue par sa famille et ses proches, elle alterne depuis trois ans les arrêts de travail, mi-temps et autres mesures d’invalidité provisoire, avant d’enfin se voir octroyer l’ALD.
Parce que ce sont des symptômes invisibles, les gens ont parfois du mal à comprendre et tendent à penser qu’on en rajoute.
« Certaines personnes perdent carrément leur emploi,” rappelle Marine, dont l’employeur a maintenu son salaire jusqu’à l’avis du comité médical. « Mes collègues étaient dans l’incompréhension totale, car quasiment toutes les personnes contaminées en même temps que moi avaient repris le travail au bout d’un mois maximum, même celles qui avaient des comorbidités », poursuit-elle.
“Parce que ce sont des symptômes invisibles, les gens ont parfois du mal à comprendre et tendent à penser qu’on en rajoute. Les symptômes sont fluctuants, donc on peut se retrouver à devoir annuler un rendez-vous au dernier moment. Tout le monde ne comprend pas forcément », abonde Céline Castera.
Une absence d’empathie généralisée, qui agit comme une double pleine sur ces victimes de la maladie qui se trouvent mises au ban de la société, en plus de leurs éprouvants symptômes.
Covid long en entreprise : de l’urgence de légiférer
Outre la reconnaissance de la maladie et une certaine systématisation des aides financières comme l’ALD, certains patients atteints de Covid long souhaiteraient la création d’un statut à part entière au sein de l’entreprise, le mi-temps thérapeutique n’étant pas toujours compatible avec toutes les activités professionnelles ni toutes les manifestations de cette maladie qui reste encore largement méconnue.
« Il faudrait réfléchir à une option plus souple qui évoluera en fonction de l’état de santé, pour maintenir le lien avec le monde du travail (formation, reclassement, fractionnement…) », suggère Marine.
Des options envisagées par certaines entreprises – comme Décathlon qui a adopté un plan d’inclusion pour ses employés atteints de Covid long – mais qui restent minoritaires.
À croire, qu’une fois de plus, la balle soit dans le camp du gouvernement.
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