Théo raconte sa vasectomie : "Ce qui me surprend le plus, c'est la désinformation sur ce sujet"
« À les entendre, on venait de m’enlever les testicules et le pénis, ma voix allait changer et mes muscles disparaître ». Le 15 novembre 2022, Théo Rivière, 31 ans, postait un cliché de lui dans sa blouse d’hôpital sur son compte Twitter : « Bien rentré de ma vasectomie (…) Si vous êtes une personne avec un penis sûre de ne pas vouloir d’enfant et que vous voulez libérez vos partenaires de cet aspect, je vous le recommande », était-il indiqué en légende.
Les commentaires commencent alors à affluer, mais certains se révèlent particulièrement haineux et virulents. Traité de « sous-homme », on lui demande pourquoi en être arrivé à une « telle extrémité », on remet en question sa masculinité et même son impact sur l’espèce humaine. « Du côté des femmes, j’ai reçu beaucoup de soutien et de pensées positives. En revanche, je n’étais pas vraiment étonné de me prendre tout ce masculinisme et cette virilité. Mais ce qui m’a le plus surpris, c’est la désinformation sur ce sujet ».
Et de préciser : « À l’origine, je voulais simplement donner des nouvelles à ma communauté Twitch (il est streamer, ndlr) à qui j’avais déjà dit que je comptais faire une vasectomie », affirme cet auteur de jeux de société. En documentant cette opération à ces 3 600 abonnées, le jeune homme n’avait pas anticipé que ce post allait susciter de telles réactions contrastées.
Une façon de prendre sa « responsabilité au sein du couple »
Ce torrent de jugements n’aura pas suffi à déstabiliser Théo Rivière. Et pour cause : cette stérilisation, cela fait bien longtemps qu’il y pensait. « C’est venu d’une discussion assez pragmatique avec ma conjointe. Elle subissait pas mal de douleurs liées à sa pilule et se sentait de moins en moins bien« , témoigne-t-il.
Reconnaissant avoir questionné « tardivement » le fait que la contraception soit entièrement assumée par sa compagne dans leur couple, il dit avoir rapidement envisagé la vasectomie comme une solution à ce problème. « J’étais ravi de pouvoir enfin prendre mes responsabilités au sein de mon couple« .
À l’époque, son urologue le prévient : il faut considérer cette opération – qui consiste à sectionner les canaux transportant les spermatozoïdes depuis les testicules – comme définitive. « On m’ a expliqué qu’il existe des possibilités de réversibilité, mais qu’elles sont lourdes et peu certaines. Cela ne m’a pas fait changer d’avis ». Selon une étude publiée en 2018, seuls 7% des hommes expriment des regrets après une vasectomie.
J’étais ravi de pouvoir enfin prendre mes responsabilités au sein de mon couple.
Car, au-delà de la satisfaction de pouvoir « libérer » sa conjointe de la contrainte des hormones, Théo Rivière en est certain : avec sa compagne, ils ne veulent pas d’enfant, et cela ne changera pas « En rentrant de déplacement, juste avant l’opération, je suis tombée sur un couple de notre âge avec un enfant. Cette famille aurait pu être la mienne, mais cela ne m’a pas fait craquer, et m’a conforté dans l’idée que je souhaitais faire cette vasectomie ».
Et si toutefois ils venaient à voir les choses autrement, tout n’est pas perdu selon lui. « On part du postulat qu’on ne changera pas d’avis, mais il y a des solutions qui nous plaisaient déjà, avant même la vasectomie. Et notamment l’adoption, dans laquelle on se retrouve parfaitement ».
Documenter la vasectomie pour lever le tabou
Ce post sur Twitter, c’était aussi une façon pour lui de dédramatiser cette opération de stérilisation, largement fantasmée de son point de vue. « Moi-même, je m’étais fait toute une histoire de la vasectomie, ça me faisait peur ». En parler, c’était donner à ses abonné.e.s l’occasion de la repenser, au-delà des idées préconçues. « Je voulais leur dire que non, ça ne fait pas si mal que ça et ce n’est pas compliqué« , détaille le trentenaire.
Comme toute méthode de contraception masculine, la vasectomie est entourée de tabous. Selon Guillaume Daudin, auteur de la BD Les contraceptés (éd. Steinkis), il s’agit pour beaucoup d’hommes d’une atteinte à leur masculinité. « On associe la perte de fertilité à la la perte de virilité (…) on entend souvent cette image que ‘si on tire à blanc c’est qu’on n’est pas viril' », explique-t-il au Elle.
Une semaine après sa publication sur le réseau social, Théo Rivière répond encore à des questions sur son opération. « Les personnes qui m’insultent, je les laisse ». Physiquement, rien n’a tellement changé, hormis quelques douleurs lorsqu’il s’assied. « Hier, j’ai recommencé le vélo et j’ai été au sport sans problème. »
Sortir du système patriarcal et revaloriser la place des hommes dans la contraception, je vois vraiment cela comme une évolution, et non un bon en arrière.
Le temps que Théo Rivière ne soit définitivement plus fertile, les adieux de sa compagne à sa pilule devront toutefois attendre (elle n’a pas souhaité repasser aux préservatifs en attendant). « Je suis censée faire un spermogramme d’ici deux mois. Là, on pourra acter si l’opération a été un succès », détaille-t-il. Le couple envisage l’avenir avec beaucoup de positivité. « Cette vasectomie scelle un acte d’amour. On est allé au bout de cette démarche et on a hâte de voir ce que sa vie sans hormones va donner ».
Et à ceux qui lui écrivent « Tant d’années d’évolution pour ça, nos ancêtres seraient fiers », Théo Rivière répond : « J’ai plaisir et intérêt à questionner mon impact en tant qu’être humain sur Terre. Sortir du système patriarcal et revaloriser la place des hommes dans la contraception, je vois vraiment cela comme une évolution, et non un bon en arrière. »
En témoignent ces chiffres : 23 306 vasectomies ont été remboursées par l’Assurance maladie en 2021. En 2000, seulement 1 000 opérations avaient été réalisées.
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