TEMOIGNAGE. Marius Ani Oulakolé : "Chaque nuit, j’imagine les dernières heures de mon fils"
Le 8 janvier 2020, un Ivoirien de 14 ans était retrouvé mort à Roissy, caché dans le train d’atterrissage d’un avion. Son père revient sur les zones d’ombre du drame dans Prince, les chimères de l’exil, mardi 25 mai à 00h30 sur LCP.
Télé Star : Saviez-vous que votre fils, Laurent Barthélémy dit Prince, avait l’intention de partir ?
MARIUS ANI OULAKOLÉ : Non. C’était un enfant sérieux, poli, réservé… Pas le genre à s’embarquer pour une aventure quelconque, encore moins pour cette tragédie.
Comment avez-vous découvert son départ ?
Le lundi 6 janvier au matin, j’ai quitté la maison le dernier comme toujours, le pensant parti au lycée. Mais en rentrant le soir, sa sœur, également lycéenne, m’a annoncé qu’elle ne l’avait pas vu de la journée.
Prince n’avait pas de téléphone ?
Non, je préférais qu’il reste concentré sur ses études.
Avez-vous signalé sa disparition ce soir-là ?
D’abord j’ai quadrillé le voisinage, appelé sa mère, ma famille… J’ai même couru au lycée en pensant qu’il avait peut-être été retardé. Mais non. Alors j’ai atterri au commissariat, pour vérifier s’il n’y avait pas eu un accident impliquant un enfant. Rien.
Savez-vous s’il est vraiment allé au lycée ce lundi ?
Il avait été noté présent par erreur. Il n’était pas en classe, ni lundi, ni mardi. Quand j’ai compris cela, j’ai distribué sa photo dans tous les quartiers d’Abidjan. En vain.
Quand et par qui avez-vous appris sa mort ?
Le jeudi, des gendarmes m’ont contacté. Un pilote atterrissant à Abidjan mardi vers 19 h aurait aperçu un intrus "dans une broussaille". La sécurité de l’aéroport l’a cherché sans succès, retrouvant juste un sac d’écolier, avec des vêtements à l’intérieur. Quand j’ai reconnu les affaires de Prince, ils m’ont montré une photo sur leur téléphone : le visage de mon fils, le sang autour des yeux, du nez, de la bouche… Il avait été retrouvé mercredi matin à Roissy, dans le train d’atterrissage d’un avion en provenance d’Abidjan. Mort.
Comment était-il monté à bord ?
La tour de contrôle d’Abidjan l’aurait aperçu le mardi, vers 22 h 40, courir vers un Boeing Air France en phase de roulement avant son décollage et s’agripper au train d’atterrissage. Vous croyez que c’est possible ? Avec le souffle des réacteurs, le bruit, un garçon frêle et probablement affamé comme lui ?
Qu’attendez-vous de la justice ?
Qu’elle enquête et me dise qui a endoctriné mon fils, qui lui a promis un rêve de Paris et offert un cauchemar. Tout est douloureux. Quand je ferme les yeux, j’imagine ce vol de 7 heures, dans ce trou non pressurisé, par moins 50 degrés, ses cris. Et quand je les ouvre, je vois son visage sur celui de chaque enfant.
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