TEMOIGNAGE. Bertrand Monnet : "Les cartels de drogues sont des extrémistes du business"
Professeur à l’Edhec, Bertrand Monnet dirige la chaire de Management des risques criminels. Pour mieux comprendre et enseigner l’économie criminelle de la drogue, il a rencontré des narcotrafiquants. Le Business du crime : immersion ches les narcos, diffusé dans La Face cachée de… mardi 18 à 21 h 05 sur RMC Story, revient sur cette économie de l’ombre.
Télé Star : Pourquoi enseignez-vous l’économie criminelle ?
BERTRAND MONNET : Pour comprendre un sujet essentiel aujourd’hui ; l’économie du crime et l’argent sale représentent 5 % du PIB mondial et cela tue des gens. Je veux expliquer la réalité. Un prof se doit d’être absolument précis et honnête avec ses étudiants. Je vais sur le terrain pour rencontrer, observer et ensuite, je décrypte en cours. J’ai travaillé sur la drogue, la piraterie maritime, le trafic de pétrole, le crime organisé, les hackers…
Être en contact avec des criminels vous met-il en danger ?
Je prépare énormément le sujet avant d’aller sur le terrain. Je sais qui je vais voir, pourquoi et quelles questions je peux poser. Je prends aussi des précautions sur mes localisations, je ne reste jamais longtemps au même endroit. Je peux changer d’hôtel au dernier moment. Et je suis totalement transparent avec mes interlocuteurs : je leur dis exactement ce que je fais et pourquoi je le fais. Ils se sont aussi renseignés sur moi et mon travail. Ils savent que je suis sérieux, que j’observe, que je ne dénonce pas, que je ne trahis pas. Pendant mon reportage, j’étais à la merci des narcotrafiquants mais je ne me suis jamais senti en danger.
Comment procédez-vous ?
J’approche les gens par des cercles concentriques. Je commence par rencontrer des gens qui ont travaillé sur le sujet, puis des tout petits liés au cartel et enfin un fixeur fiable. Ce dernier m’a fait connaître des personnes en relation avec les narcos et qui se sont ensuite portées garantes auprès d’eux. Il faut être prudent et patient avant de pouvoir interviewer les «boss». Pour le cartel de Sinaloa, cela m’a pris huit ans.
Un cartel est-il une entreprise comme une autre ?
Non. Ce sont des extrémistes du business. Comme une entreprise légale, ils cherchent le profit sauf qu’ils le font sans aucun cadre ni aucune limite éthique. Ils ont deux outils qu’une entreprise légale n’utilise pas : la violence et la corruption – même si pour la corruption, certaines le font. Et quand je dis violence, ils tuent énormément.
Pourquoi cette économie du crime est-elle la plus florissante comparée aux autres ?
Parce que le produit du cartel est interdit. Ils ne vendent même pas un produit mais un service au consommateur de drogues qui ne peut pas aller en Colombie s’acheter son kilo de coke pour l’année. C’est rentable car la production ne coûte rien tandis que le prix de vente est élevé, surtout sur les marchés de distribution très contrôlés comme les États-Unis ou l’Europe. La demande est aussi très importante et elle ne cesse de croître.
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