TEMOIGNAGE. Arbi : "En Tchétchénie, les homosexuels sont en danger de mort"

Arrivé en France il y a deux ans, Arbi* a fui les persécutions en Tchétchénie. Son «crime» ? Être homosexuel dans un pays qui les traque, comme le montre le documentaire Bienvenue en Tchétchénie, diffusé sur Arte mardi 18 mai à 22 h 30. Nous l’avons rencontré. Il a accepté de se raconter, sous couvert d’anonymat.

Télé Star : Vous êtes né et avez grandi en Tchétchénie. Quand avez-vous compris que votre orientation sexuelle n’y était pas bienvenue ?

ARBI : Très vite, avant même la phase de répression violente qui a démarré en 2017. La population tchétchène, à majorité musulmane, a toujours considéré qu’un homme devait se marier à une femme. Sinon il était considéré comme malade ou déviant. Alors pour les gays, avant 2017, il fallait déjà se cacher. Cacher sa sexualité. Il y avait les réseaux, les sites de rencontres, mais tout se faisait sans jamais en parler à ses proches.

Vous n’avez donc jamais parlé de votre homosexualité à vos parents ?

Non. Quand j’avais 18 ans, mon père a trouvé des photos sur mon téléphone. Rien de dingue… quelques amis torse nu. Il s’est mis en colère, m’a demandé ce que ça voulait dire. C’est ma mère qui l’a calmé en lui disant que ce n’était rien, que des photos.

Elle vous a protégé parce qu’elle avait compris ?

Non, je crois qu’elle voulait me protéger de la colère de mon père, mais elle n’imaginait pas que son fils puisse être gay. D’ailleurs, quelques années plus tard, en tombant dans ma chambre sur des BD à thématique LGBT, elle m’a menacé. Elle m’a dit que j’étais malade, qu’il fallait me soigner. C’est là que j’ai compris qu’il fallait que je parte.

À partir de 2017, la traque des homosexuels a été ouvertement soutenue par le président tchétchène, Ramzan Kadyrov. Que se passe-t-il alors exactement ?

Ils ont commencé à surveiller les réseaux sociaux, à piéger des gays en créant de faux profils… On savait que les personnes qu’ils arrêtaient étaient torturées pour qu’elles donnent des noms d’autres homosexuels… J’ai vu des amis être arrêtés. Personnellement, j’ai cessé mon activité sur tous les réseaux, les rencontres, j’ai même essayé de refouler mon orientation sexuelle mais c’était impossible.

Des vidéos interceptées par des activistes LGBT montrent des jeunes tabassés dans la rue devant des passants indifférents.

Un homosexuel agressé dans la rue ne sera pas défendu. Encore une fois, on lui criera plutôt d’aller brûler en enfer. En Tchétchénie, des gens ont assassiné des membres de leur propre famille parce qu’ils étaient gays. Pour effacer la honte, laver leur honneur.

Qu’est-ce qui a été le déclencheur de votre départ pour la France ?

Quand ma mère m’a menacé, j’ai contacté une association LGBT russe. Mais à leurs yeux mon cas n’était pas assez critique pour qu’ils me fassent quitter la Russie. Cela m’a mis en colère : fallait-il qu’on me casse les bras et les jambes pour que je sois exfiltré ? Alors j’ai demandé, sans y croire, un visa à la France. Et il m’a été accordé.

Comment a réagi votre famille ?

J’ai dû leur mentir. J’ai dit à ma mère que j’avais obtenu un visa étudiant, du coup elle est fière de moi, par rapport aux amis, aux voisins… Mais si elle apprend que je suis gay, ce sera une humiliation, une honte pour toute la famille. Ils couperont les ponts avec moi et je le ferai aussi. Je ne reverrai plus jamais ma mère, il faudra commencer une nouvelle vie.

Parvenez-vous à profiter de votre liberté en France ?

Je me sens très libre en France, et je suis accompagné par une association bienveillante, Urgence Homophobie, mais je dois rester méfiant car il y a beaucoup de Tchétchènes ici. Et, malheureusement, leur homophobie est un danger pour moi, même en France.

* Le prénom a été changé.

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